Après les européennes.....ou la Fondation Jean Jaurès à l'épreuve des faits [02/07/09]

Après le revers du Parti Socialiste aux européennes, la Fondation Jean Jaurès cherche des explications sur le dilemme électoral que connaît la social-démocratie. Auparavant, la FJJ avait œuvré pour la campagne socialiste en publiant coup après coup 4 essais sur la destinée européenne. Revenons quelques instants sur ces ouvrages. Il est intéressant de pouvoir les éclairer à la lumière des résultats électoraux. Toutefois, si les espérances des uns ou des autres n’ont pu aboutir, ces réflexions conservent tout leur intérêt en vue des chantiers de réflexion qui s’ouvrent au sein du Parti Socialiste.
 
Dans l’ordre de publication, le premier essai est délivré par Jean-Christophe Cambadélis et intitulé « les socialistes européens et les temps nouveaux. » La note se veut optimiste et [re]constructive. Il est une nouvelle fois question d’inventer « une véritable troisième voie ». Celle-ci serait désormais possible grâce à la convergence d’évènements récents inscrits dans l’imaginaire collectif (ex : les conséquences de la crise financière ou l’élection de Barack Obama aux Etats-Unis). Epaulé par l’adoption d’un manifeste européen commun en fin d’année dernière, le PSE s’engageait alors dans une campagne électorale avec une ligne plus claire, plus cohérente et plus affirmée, autour du « compromis réformiste ». Selon lui, la dernière échéance électorale réunissait alors les conditions pour un affrontement idéologique lisible entre la droite et la gauche. Il est probable que l’analyse de Jean-Christophe Cambadélis repose sur des facteurs politiques réels. Mais dans le même temps, les évènements annonciateurs du renouveau se sont heurtés avec fracas à un désintérêt volontaire ou non de l’opinion publique, des médias voire des candidats eux-mêmes pour la chose européenne.  
 
La deuxième publication s’intéresse à « L’Europe de la Justice ». Rédigée par David Chekroun et Etienne Pataut, elle apporte des propositions concrètes pour bâtir une Europe plus protectrice au service des citoyens et de leurs droits. Ils reviennent tout d’abord sur la construction progressive et complexe d’un espace européen de liberté, de sécurité et de justice. Et si cet espace s’est pourtant fortifié depuis les vingt dernières années, personne n’a permis au citoyen d’en prendre la mesure. Constat préoccupant lorsque l’on sait que la mobilité des européens pose de nouvelles problématiques économiques, politiques et sociales. Nous pensons naturellement à la nécessaire adaptation du droit pénal ou à l’évolution du droit social et des conditions de travail (ex des professions réglementées) mais la question se pose également en termes de justice civile. En effet, comme la notion de famille, le concept de consommation ne peut plus se limiter au cadre national. La protection des droits des familles et des consommateurs revêt un sens concret au niveau communautaire. Reste aujourd’hui à poursuivre avec persévérance et pédagogie les efforts initiés par la construction européenne et à y associer davantage le citoyen-acteur. Persévérance et pédagogie n’ont-ils pas été portés en étendard par les listes d’Europe Ecologie ?
 
La troisième publication, plus légère, est une initiation à un voyage au cœur des arcanes et des rouages du Parlement Européen. Bernard Poignant, qui a présidé la délégation socialiste française à Bruxelles et à Strasbourg lors de la précédente mandature nous ouvre les portes de l’institution qui l’a accueilli pendant 10 ans. Sous forme de témoignage, il nous transmet avec habileté, passion et simplicité quelques clefs pour en comprendre le fonctionnement. On lit avec attention et amusement l’image que véhicule la France au sein des institutions européennes et l’image perçue par nos voisins. On y apprend également les spécificités du Parlement, la construction de son pouvoir et de sa légitimité, les artifices de la négociation politique, ou encore la complexité de la décision. A la fin de l’ouvrage, l’auteur livre sous forme de clin d’œil 10 conseils à l’égard des nouveaux députés européens. Deux de ses recommandations auraient pu mieux résonner aux oreilles de certains candidats déçus : « Tu ne regarderas pas l’Union européenne comme la France en plus grand », « Tu seras un pédagogue de l’Europe »…
 
La quatrième publication est l’œuvre d’Henri Nallet. Intitulée « D’un monde à l’autre », l’auteur s’interroge sur la capacité de l’Europe à faire face à la crise. Plus concrètement, il en profite pour questionner son mode de développement. Il tente une analyse du système communautaire et vise à un renouvellement de son modèle. Ainsi pour sortir de la crise et s’adapter aux préoccupations des populations, l’Europe aurait besoin de réactivité alors qu’elle se retrouve trop souvent prisonnière de ses lourdeurs et de sa complexité. Après avoir présenté l’ouverture d’une nouvelle ère, la crise qui en résulte, ses dangers et ses opportunités, Henri Nallet analyse les freins du modèle actuel ou « le risque de l’impuissance européenne ». Il évoque ici la délicate relation du couple franco-allemand, la trop lente politisation des institutions, ou encore les affres du pilotage de la décision communautaire. La dernière partie de sa réflexion propose une démarche visant à changer notre stratégie de développement. Dans un contexte en mutation, courage politique et vision à long terme seraient indispensables à une sortie de crise réelle et durable. L’Europe est-elle capable de « profiter » de la crise pour engager sa mue vers une nouvelle modernité ?
 
Notons enfin, la publication en fin de campagne d’une courte note rédigée par le directeur général de la Fondation, Gilles Finchelstein sur Les 7 paradoxes du 7 juin, dont ceux du Parlement et du Parti Socialiste Européen augurent du dénouement du scrutin. En effet, concernant le premier, il semble que « plus il a de pouvoirs, moins il a d’électeurs ». Analyse confirmée par le niveau d’abstention record au dernier suffrage en France et en Europe. La seconde analyse s’est également confirmée : « La social-démocratie triomphe idéologiquement mais peine électoralement. » L’Histoire paraît se répéter…
 
La campagne terminée, tout le monde cherche les raisons de la défaite et les leviers du sursaut. Certains s’affranchissent de la ligne collégiale, d’autres estiment que l’union fera la force d’un parti que les citoyens ont bien du mal à cerner. Comme dans tout autre parti politique en quête de soi, derrière les stratégies et les égos, il demeure des hommes et des femmes capables de penser la société et ses aspirations, des hommes et des femmes capables d’agir de concert et de fédérer. « Reste » maintenant à leur trouver à toutes et à tous un dessein commun et partagé…
 


Amaury Bessard