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Notre Europe s’est penché sur le résultat des élections européennes, et livre dans une note « cinq réflexions pour susciter le débat ».
Au lendemain des élections européennes, qui se sont déroulées en juin dernier, les résultats ont encore une fois confirmé les difficultés de la construction politique de l’Union Européenne. Gaetane Ricard-Nihoul, Secrétaire Générale de Notre Europe, livre une analyse articulée autour de cinq questions : Se résigner à l'abstention ? Victoire de la droite ou statu quo ? Environnement ou écologie ? Euro scepticisme ou extrême droite ? Et enfin, exigence et réticence : radicalisation d'un clivage ?
Prenant le parti de la modération, elle propose des pistes de réflexion utiles permettant de nuancer les analyses à chaud et les jugements trop caricaturaux.
S’intéressant d’abord au phénomène abstentionniste, l’auteur rappelle le paradoxe suivant : la participation diminue à chaque élection depuis 30 ans (62% de participation en 1979 contre 43, 2% aujourd’hui), alors qu’en parallèle les pouvoirs du Parlement ne cessent d’augmenter.
Si, pour expliquer cette désaffection, on évoque souvent un manque d’intérêt, une incompréhension relative du fonctionnement de l’UE et l’éloignement du pouvoir européen, l’auteur rappelle avec justesse que les référendums sont la preuve qu’un enjeu européen peut mobiliser. Et qu’il existe donc des réponses, parmi lesquelles, selon le Think-tank :
- Européaniser les élections, en confrontant les candidats européens et leurs différents projets
- Médiatiser davantage
- Expliquer et assumer les décisions prises, cette responsabilité revenant à la classe politique nationale
- Encourager la mobilité dans l’UE et l’exercice de la démocratie participative
- Encourager l’apprentissage de la citoyenneté dans les écoles
- Donner des moyens à ces actions (notamment financiers, à travers la révision du budget européen).
L’auteur revient ensuite sur ce que nombre d’observateurs ont pu voir comme une « victoire de la droite ». Reprenant précautionneusement les chiffres, elle montre qu’il s’agit plus d’un maintien de cette majorité que d’une « vague bleue ». En outre, si les mauvais scores des partis socialistes nationaux reflètent bien un déclin de la social-démocratie en Europe, quelques nuances doivent être apportées à ce jugement :
- dans de nombreux cas, les mauvais résultats peuvent refléter un vote sanction contre le gouvernement au pouvoir (Royaume-Uni, Espagne, Portugal, Bulgarie…)
- certains partis socialistes d’opposition ont fait des scores très honorables, même s’ils n’ont pas été les premiers (Italie, Lituanie, Pologne, etc.)
- Le PSE (dirigé par le danois Poul Rasmussen) se porte plutôt bien, fait montre d’idées concrètes, et pourrait aider les autres partis à se structurer pour peser.
Conclure à la mort de la sociale démocratie semblerait donc pour le moins excessif.
Autre point abordé dans la suite de l’article : le remarquable score des Verts européens. Trois catégories sont plus précisément à distinguer :
- les partis qui marquent une forte progression (Wallonie, 23% contre 9,8 en 2004 ; France, 16,3% contre 7, 7 ; Danemark, Suède…)
- ceux qui maintiennent leurs scores où l’augmentent très légèrement (Allemagne, 12, 1% contre 11,9 ; Luxembourg, 16,8% contre 15 ; Pays-Bas...)
- ceux qui font une percée dans un paysage dont ils étaient quasiment absents (Grèce, 3,4% contre 0, 7 ; Pologne, 2,4% contre 0,2 ; Hongrie…)
Les analyses à chaud ont mis ce succès sur le compte d’une prise de conscience aigue concernant les préoccupations environnementales. Notre Europe rappelle que l’intérêt pour ces enjeux est croissant depuis des années. Il est davantage un phénomène continu qu’un levier ponctuel pouvant expliquer ici le bon score des Verts. Le Think-tank y voit davantage :
- un « retour à l’original », les citoyens ayant préféré voter pour les « authentiques Verts » que pour d’autres partis s’étant appropriés la dimension environnementale
- un vote en faveur du « développement durable » (au-delà de l’aspect strictement écologique), montrant un intérêt pour un projet politique de long terme essayant réellement de concilier l’économique, le social et l’environnemental
- la marque d’une reconnaissance pour un projet constant, cohérent, et plus centré sur des enjeux européens que des querelles politiques nationales.
L’article aborde plus loin la place de l’euroscepticisme et celle de l’extrême droite dans le paysage européen. Notre Europe invite, là aussi, à nuancer les discours catastrophistes annonçant une montée spectaculaire de l’euroscepticicisme. Le Think-tank met en lumière deux arguments : l’échec du Mouvement souverainiste Libertas (et de ses partis associés, en France le mouvement de Philippe De Villiers), et l’essoufflement d’anciens partis comme le FN, le Mouvement June au Danemark… L’auteur note cependant que le recul de ces partis peut aussi s’expliquer par l’intégration de certaines préoccupations d’extrême-droite dans des programmes de droite.
Gaetane Ricard-Nihoul appelle également à la vigilance eu égard à l’arrivée ou l’expansion de certains partis d’extrême-droite, qui doublent leur discours eurosceptique de considérations populistes, xénophobes voire islamophobes (cas du Parti de la liberté néerlandais, 17% et 4 sièges).
Ces groupes, dont le positionnement n’est pour certain pas encore bien déterminé, pourraient véritablement nuire au débat dans la perspective de l’entrée de la Turquie.
De plus, au lendemain d’élections ayant vu nombre d’alliances se faire et se défaire, et l’annonce de mouvements à venir, le paysage eurosceptique de droite est encore susceptible de se recomposer, ce qui empêche des conclusions trop hâtives.
Forte de ces constats, l’auteur termine son exposé par quelques mots sur l’apparente radicalisation d’un clivage, opposant d’une part les « européens convaincus » et d’autre les opposants à l’Europe.
Les premiers croient en cet échelon de pouvoir et en un débat public européen, qu’ils voudraient voir porter sur des enjeux de long terme indépendants des querelles nationales.
Les seconds sont progressivement influencés et convaincus par deux types de discours :
- celui de l’extrême-droite, aux accents xénophobes plus larges
- et celui dénonçant le caractère non démocratique de l’UE, ayant un large écho auprès de ceux qui comprennent mal (et on peut l’entendre) le fonctionnement institutionnel de l’Europe.
Si la prochaine législature risque donc d’avoir pour cadre cette radicalisation et la recomposition des majorités idéologiques, Notre Europe souligne que ce contexte peut aussi être une fenêtre d’opportunité politique pour l’U.E.
En effet, les sujets polémiques sont prompts à la médiatisation et au débat. Ils pourraient ainsi inciter à mettre au grand jour les divergences fondamentales entre les différentes forces politiques et les options réelles existantes. En espérant que cette mise en débat puisse contribuer à la lutte contre l’immobilisme paralysant souvent les institutions européennes.
Mathilde Soyer
Observatoire Français des Thinks Tanks