L'Institut Thomas More propose un benchmark des solutions anti-crise. [14/04/09]



« Que peut encore faire la France face à la crise ? Etude comparative de 5 plans de relance européens »

Le 4 décembre 2008, Nicolas Sarkozy a présenté un plan de relance budgétaire centré sur l’investissement de 26 milliards d’euros, puis a annoncé, le 18 février 2009, une série de mesures complémentaires en faveur du pouvoir d’achat, pour un montant de 2,6 milliards d’euros.

Pourtant, le mécontentement en France monte et deux mouvements de grève ont déjà eu lieu, faisant douter de l’efficacité du plan français. Ce débat mêle en fait deux questions : celle du montant global consacré à la relance et celle du type de mesures retenues. Pour le nourrir, il est intéressant de jeter un œil au-delà de nos frontières et d’examiner les plans de relance de nos voisins.

C’est l’objet de la nouvelle note de benchmarking de l’Institut Thomas More, qui propose une étude comparative de 5 plans de relance européens. Cette étude comparée se limite à des pays de taille et de poids économique similaires et ayant été touchés par la crise de façon à peu près semblable. Ont ainsi été retenus l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie et le Royaume-Uni.

Dans un premier temps, l’étude propose une rapide présentation des sources de l’Institut, puis une série de tableaux comparatifs sur les principaux chiffres et données relatifs aux plans de relance retenus. C’est sur la base de ces éléments que se fonde l’analyse comparative des plans.

La crise étant mondiale, la seconde partie commence par une mise en perspective internationale, en revenant sur les plans de relance des grandes puissances internationales que sont les Etats-Unis, la Chine et le Japon. Pour autant, l’auteur souligne que la comparaison chiffrée des différents plans de relance européens, américains et asiatiques ne présente pas de véritable pertinence car les ordres de grandeur sont trop différents, tant en valeur nominale qu’en pourcentage du PIB.

L’essentiel de la seconde partie est ensuite consacré à l’analyse approfondie des plans de relance des cinq pays retenus, en comparant la façon dont ils prévoient de stimuler l’investissement, l’emploi et la consommation.

L’étude observe dans un premier temps les mesures prises dans les différents plans pour relancer l’investissement, ce qui passe généralement par deux canaux : l’investissement public et le soutien aux entreprises. Ainsi, l’auteur constate que la part consacrée aux investissements publics varie fortement d’un plan de relance à l’autre, tandis que les aides accordées aux entreprises se font sous différentes formes selon les pays (assouplissement des modalités de paiement de la TVA, étalement du paiement de l’impôt, réduction des coûts administratifs…).

L’étude revient ensuite sur les mesures prises par les différents pays en faveur de l’emploi, le chômage étant le principal symptôme et vecteur de la crise, et constate que c’est probablement à ce niveau que le plan de relance français est le plus faible. En effet, il ne prévoit de consacrer que 5% des dépenses à la lutte contre le chômage et espère créer 150 000 emplois avec 1,2 milliard d’euros, là où le Royaume-Uni par exemple y alloue 1,5 milliard d’euros.

Selon elle, il existe trois types d’instruments correspondant à des objectifs différents : l’allègement du coût du travail permet d’éviter les destructions d’emploi (option retenue par l’Italie, la France et l’Allemagne), les aides à l’embauche (mises en place en France et en Espagne) permettent d’augmenter les créations d’emploi, tandis qu’une aide active aux recherches d’emploi et des plans de formation professionnelle peuvent améliorer la vitesse de retour à l’emploi en cas de licenciement et le processus d’appariement (presque tous les pays ont prévu d’améliorer leur service pour l’emploi).

Le dernier poste observé est celui de la consommation, où l’arbitrage est difficile entre hausse des aides publiques et baisse de la fiscalité. En effet, les mesures en faveur de la consommation consistent soit à augmenter les aides publiques, soit à réduire la fiscalité directe ou indirecte.

Les cinq plans de relance étudiés ont tous choisi d’augmenter les aides publiques, mais sous des formes diverses. La France et l’Italie ont fait le choix de la prime aux revenus modestes, les allocations familiales ont été revalorisées partout sauf en Espagne, tandis que seuls le Royaume-Uni et l’Espagne ont opté pour une revalorisation des retraites de base. Enfin, le salaire minimum n’a été augmenté qu’en Espagne et seul le Royaume-Uni a décidé de baisser la TVA.

La seconde partie de l’étude se termine par un zoom sur le plan allemand. Après avoir été critiquée pour la faiblesse de son plan de relance initial, l’Allemagne a en effet adopté un second plan afin de mettre en œuvre une relance massive et équilibrée. Les deux plans réunis représentent 82 milliards d’euros, soit près de 2% du PIB allemand – la plus forte proportion des cinq pays étudiés.

Le plan allemand regroupe un ensemble diversifié de mesures, 50% étant consacrés au soutien à l’investissement public et privé et 50% à l’emploi et à la consommation. Il contraste ainsi fortement avec le plan français, consacré à près de 80% à l’investissement.

Revenant sur deux options stratégiques du plan (l’allègement fiscal et l’orientation des investissements vers l’amélioration de la compétitivité et le développement durable), l’auteur tente d’établir dans quelle mesure la France pourrait s’inspirer de certaines mesures allemandes pour compléter son plan. Ainsi, selon elle, la mesure consistant à baisser de façon ciblée les charges sociales pesant sur les entreprises pourrait être reprise en France, ce qui inciterait les entreprises à recourir au chômage partiel plutôt qu’au licenciement et freinerait ainsi la hausse du nombre de demandeurs d’emploi. De même, la France pourrait améliorer ses mesures de relance de l’investissement en soutenant davantage l’innovation et en prenant mieux en compte les défis du futur, notamment dans l’environnement, comme le prévoit le plan allemand, mais aussi celui du Royaume-Uni et de l’Espagne.

Investir dans l’innovation et relancer la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement font partie des quatre propositions fortes de cette étude afin de renforcer l’efficacité du plan de relance français. Les deux autres consistant à étendre les incitations à la création d’emplois et à favoriser le chômage partiel comme alternative au licenciement.

En conclusion, l’étude recommande à la France de cibler ses mesures et de bien définir ses priorités, compte tenu de sa faible marge de manœuvre budgétaire. Avec son plan actuel, le déficit public prévu sera en effet de l’ordre de 5,6% et elle fait actuellement l’objet d’une procédure pour déficit excessif au niveau européen.

Charlotte Laigle-Jegun