Dans cet entretien, réalisé par Damien Augias, l'historien Marc Olivier Baruch évoque le thème de son dernier ouvrage Des lois indignes ? Les historiens, la politique et le droit, qui vient de paraître aux éditions Tallandier. Dans ce livre, l'auteur revient notamment sur la question des "lois mémorielles" votées par le Parlement français depuis la loi dite Gayssot du 13 janvier 1990, qui pénalise le négationnisme, jusqu'à la loi du 23 février 2005, dont l'article 4 avait créé la polémique en enjoignant les programmes scolaires de souligner "le rôle positif de la présence française outre-mer", en passant par la loi du 29 janvier 2001, reconnaissant le génocide arménien de 1915, et la loi dite Taubira du 21 mai de la même année, qui définit comme crime contre l'humanité la traite négrière transatlantique et l'esclavage.
Alors que l'inflation législative en matière d'histoire et de mémoire avait provoqué la réaction de plusieurs historiens de renom (notamment par l'intermédiaire de la pétition intitulée "Liberté pour l'Histoire", signée par 19 historiens et publiée par Libération en décembre 2005, ainsi que de l'association du même nom, présidée par René Rémond puis par Pierre Nora, après la mort du premier en 2007), Marc Olivier Baruch, après un examen froid et réflechi des textes de lois et une explication du contexte de leur vote, ne considère pas, quant à lui, que cette propension du Parlement français à légiférer sur le passé comporte le risque d'une "Histoire officielle", notamment parce que la liberté de la recherche reste entière.
Spécialiste de l'histoire de l'Etat et de la période de Vichy , Marc Olivier Baruch est docteur en histoire, ancien élève de l'École polytechnique et de l'École nationale d'administration. Après avoir occupé depuis 1981 diverses fonctions dans les administrations centrales de l'État (ministère de l'Éducation nationale et ministère de la Culture) et au sein d'un cabinet ministériel (sous le gouvernement Rocard), il a rejoint en 1997 le CNRS en qualité de chercheur en histoire contemporaine et a été élu directeur d'études en 2003 à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).
Nonfiction - Pourquoi avoir écrit un livre sur les rapports entre l'histoire, le droit et la politique, alors même que le débat sur "les lois mémorielles" semble dater d'il y a déjà quelques années ?
M. O. B - Le point de départ de l’ouvrage est en effet la pétition "Liberté pour l’histoire", qui a été publiée dans Libération à la mi-décembre 2005. Le livre a certes été long à écrire mais il se trouve que, chaque année ou presque, un nouvel élément s’ajoutait au feuilleton, avec notamment l’épisode (fin 2011-début 2012), à mes yeux assez triste, du texte relatif à la pénalisation du génocide arménien, voté par le Parlement puis annulé par le Conseil constitutionnel comme non conforme à la Constitution. Par-delà les éléments de conjoncture, la question qui m'intéresse est celle du rapport entre les historiens, la politique et le droit – pour reprendre le sous-titre du livre – en moyenne durée. Elle garde toute son actualité.
Votre ouvrage apparaît à certains égards comme un essai courageux, qui cherche à remettre en cause le magistère exercé par certains historiens célèbres, icônes aux titres prestigieux et reconnus comme tels par les médias, qui ont tendance à faire de l'histoire leur pré carré, ce qui avait d'ailleurs été remarqué notamment au moment de l'appel "Liberté pour l'histoire" de décembre 2005. En considérant, sans doute à raison mais dans un certaine mesure seulement, que l'histoire n'appartient pas aux parlementaires, n'expriment-ils pas également le sentiment que l'histoire appartient avant tout aux historiens ?
Non, et d’ailleurs ils s’en défendent systématiquement. Je ne voudrais pas, en ce qui me concerne, avoir l'air d'être le donneur de leçons professionnel ou le redresseur de torts, en guerre contre tout le monde – posture à mi-chemin du ridicule et de la paranoïa. Rappelons d'abord que face aux historiens, nombreux et prestigieux, qui furent à l'origine de "Liberté pour l’histoire", bien d'autres membres de la profession historique – notamment ceux qui se regroupèrent dans le Comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire – ont protesté contre cette pétition de manière très rapide. Il en va de même d’autres acteurs, tel Serge Klarsfeld – dont il faut rappeler qu'il a été un pionnier absolu en matière d'histoire de l'Holocauste à un moment où les historiens n'étaient guère présents sur le terrain.
D’une certaine manière, et j’espère que c’est là l’aspect novateur de ce livre, j’ai voulu articuler la problématique portée par ce malaise historien avec l'évolution du jeu politique français tel qu'il se pose depuis les années 1970, parallèlement donc à la montée en puissance de l’extrême droite dans ce jeu. Mais ce faisant j'ai été aussi amené à m'interroger sur des tendances lourdes de la sphère publique, spécialement le divorce entre ses élites de pouvoir et ses élites de savoir. Il est frappant de constater à quel point la spéculation intellectuelle est terra incognita dans la haute administration : à la différence de leurs homologues britanniques ou américains, la plupart des décideurs publics français n'ont jamais eu à produire le moindre travail de recherche dans quelque domaine que ce soit. N'oublions pas enfin, quand on cherche à articuler histoire, droit et politique, ce qu’est devenu le Parlement sous la Ve République. Le livre, qui compte près de 350 pages, tente ainsi de tenir plusieurs fils à la fois.
Ce qui est extrêmement frappant dans votre livre, c'est l'impression que les historiens, peut-être parfois par réflexe corporatiste mais, sans doute, le plus souvent, par un réel souci de vigilance citoyenne, sont prompts à s'insurger contre la perspective d'une "histoire officielle" façonnée par le politique, mais qu'en même temps, beaucoup d'entre eux (notamment Jean-Pierre Rioux dans le cadre du projet "Maison de l'histoire de France", aujourd'hui abandonné, et André Kaspi, pour la mission sur l'avenir des commémorations) ne résistent pas aux propositions qui leur sont faites de la part des gouvernements successifs de participer à des commissions dans lesquelles ils siègent certes en tant qu'experts, mais en étant, d'une certaine manière, instrumentalisés par le pouvoir politique. Comment pouvez-vous expliquer ces tendances a priori contradictoires ?
Là encore, je ne cherche pas spécialement à être un donneur de leçons. Mon statut est d’ailleurs spécifique, d’une certaine manière, puisque je viens du monde de la haute fonction publique, et il n’est d’ailleurs pas exclu que j’y retourne.
Soyons clairs, il n’y a pas d’histoire officielle dans notre pays, même si les comités d’histoire qui existent dans différentes institutions publiques ont longtemps eu du mal à échapper à la tentation d'écrire des histoires "maison", qui ne font pas toujours dans la nuance. Parler d'histoire officielle en France, comme on l'entend ou le lit encore çà et là, n'a qu'une fonction rhétorique : même ceux qui le font sont bien conscients, je pense, des limites de leurs propos face à ce qui s'est joué au cours de l'histoire récente, et qui existe encore en plus d'un point du globe, où n’existent ni liberté de pensée ni liberté de la recherche. Cela n’est évidemment pas notre cas.
Pour ce qui concerne certains projets politiques ayant trait à l’histoire, les historiens sont tout à fait libres d’y participer ou de ne pas y participer. Au sujet de la Maison de l’histoire de France, l'un des rares points qui m'a intéressé dans le livre récent de Frédéric Mitterrand sur son expérience de ministre de la Culture réside dans la chronique qu'il donne de ce projet impossible, plombé, comme l'avait d'emblée souligné Pierre Nora, par son inscription dans les choix idéologiques de Nicolas Sarkozy, à commencer par l'insistance mise, dès la campagne électorale de 2007, sur la notion d’identité nationale. L'extrême difficulté rencontrée d'emblée par le ministre pour trouver des historiens désireux de s'associer au projet est à cet égard significative.
La Commission Kaspi sur les commémorations, c’est quelque chose de tout à fait différent. Que des intellectuels participent à des rapports officiels, cela se fait depuis longtemps et cela continuera à se faire. Ce qui est apparu sans doute amer pour cette commission, c’est que, au moment même de la remise de son rapport, le ministre chargé des anciens combattants, Jean-Marie Bockel, affirma, à peu de chose près, qu'en tout état de cause il entendait ne pas en tenir compte. Il y a des logiques politiques qui peuvent échapper aux historiens. Quand on a regardé un peu l'histoire récente de l'Etat, on doit avoir conscience de la capacité de la politique à instrumentaliser tout ce qu’elle veut, l'histoire y compris. Nous vivons largement dans un contexte médiatique qui exige que l’on dise très vite des choses simples ; or, notre métier est de dire, parfois avec une certaine longueur, des choses complexes.
À propos des "lois mémorielles", vous expliquez en particulier qu'il convient de distinguer certaines de ces lois, notamment la loi Gayssot de 1990 qui pénalise le négationnisme. À la différence de nombreux historiens, vous ne considérez d'ailleurs pas que les autres lois restreignent les domaines de recherche des historiens. Autrement dit, est-il possible, par exemple, de poursuivre des recherches historiques sur la traite négrière après la loi Taubira de 2001, sans être attaqué en justice, comme l'a été l'historien Olivier Pétré-Grenouilleau ? Peut-on sereinement mener des recherches en France sur le génocide arménien après la loi de 2001 votée par le Parlement ?
Comme je l'écris dans le livre, le terme de "lois mémorielles" est impropre ; c'est une commodité certes, mais aussi un amalgame, de grouper sous une expression commune des textes de natures si différentes. Des travaux juridiques de premier plan – je pense en particulier à la thèse de Thomas Hochmann – rappellent que les deux lois de "reconnaissance" votées à l'unanimité en 2001 (reconnaissance par la France du génocide arménien et qualification de la traite transatlantique comme crime contre l'humanité) n'ont aucun volet pénal. Rien dans ces deux textes, contrairement à ce qu'affirment les signataires de la pétition de 2005 n'est de nature à permettre quelque poursuite que ce soit.
Il est tout aussi faux d'affirmer que la loi Gayssot est la "mère" de toutes les autres. Si filiation il y a, ne serait-ce que par la proximité des dispositifs, c’est entre la loi de 1972 dite loi Pleven, la première en France à faire de l'expression de propos racistes un délit, et la loi Gayssot de 1990 qui sanctionne la négation de la Shoah : effectivement, les objectifs sont les mêmes, il s’agit de faire évoluer la loi sur la presse pour étendre le champ des limitations que cette vieille loi républicaine a d'emblée posées à la liberté d'expression. En 1972, l’Assemblée nationale est unanime, majorité UDR et opposition de gauche confondues, pour adopter le texte présenté par le gouvernement de Jacques Chaban-Delmas et porté par le Garde des sceaux René Pleven, tous deux compagnons de la Libération : tous les groupes politiques soulignent l’importance vitale qui s'attache, un quart de siècle après la fin de la Seconde guerre mondiale, à lutter contre le racisme qui réapparaît dans la société française. Dix-huit ans plus tard, en 1990, il en va tout autrement : c’est significatif, et c'est triste.
Vous êtes aujourd'hui historien de l'État et de l'administration, après avoir travaillé plusieurs années au ministère de la Culture, vous êtes donc particulièrement qualifié pour parler des relations entre l'État et les historiens. Par l’intermédiaire des subventions aux ouvrages mais également par le biais des prix et des financements de recherches, peut-on penser qu'il existe en France une politique publique de l'histoire ? Si tel est le cas, pensez-vous qu'elle est nécessaire et à quelles fins ?
Non, il n’y a pas de politique de l’histoire comme il peut y avoir une politique de la santé, de l’équipement ou du numérique. Ce qui existe, et qui me semble bien relever de la responsabilité de la puissance publique, ce sont des politiques de commémoration – auxquelles sont aussi associés des partenaires non étatiques, associatifs notamment –, ce sont aussi les programmes scolaires d’histoire, c'est à la marge enfin ce que fait le Centre national du Livre pour aider la publications d'ouvrages "difficiles", même si cela concerne assez peu, me semble-t-il, l'histoire contemporaine – peut-être parce qu'il n'y a pas beaucoup d'audace chez les éditeurs pour publier des livres d'histoire contemporaine que l'on pourrait qualifier de "difficiles".
Et puis, bien entendu, la politique des musées – politique dont l'Etat n'est que l'un des acteurs, et pas forcément le plus important aujourd'hui – touche de très près à l'histoire. Pensons au musée de l’Armée, au musée de la Marine, au musée de l’Ordre de la Libération, que je trouve extrêmement émouvant et qui devrait être plus visité, à la Cité nationale de l’immigration. Le Musée d’Orsay est aussi à bien des égards un grand musée d’histoire.
Ceci dit, peut-on en déduire qu'il existe une politique de l'histoire ? Je reste très sceptique ; la phrase : "La politique de l’État, même animée des meilleures intentions, n’est pas la politique de l’histoire" qu'on lit dans la pétition "Liberté pour l'Histoire" continue à me paraître pour le moins confuse.
"L'histoire justifie ce que l'on veut" disait Paul Valéry , que vous citez en exergue et à la fin de votre ouvrage. Pensez-vous, de manière générale, que, dans le débat public, et dans l'arène politique en particulier, l'histoire est trop souvent instrumentalisée à des fins partisanes liées à la plus brûlante actualité ?
Oui, mais qu’est-ce qu’on y peut ? La figure de Jaurès, par exemple, a été largement récupérée par Nicolas Sarkozy pendant sa campagne présidentielle victorieuse en 2007. Je me souviens d’ailleurs d’un article du Monde à ce sujet, illustré par une photographie d'un leader socialiste, photo dont la légende disait qu'il travaillait sous les figures de Jaurès et Blum ; hélas, ce n'était pas Blum que l'image montrait, mais Jules Guesde ! Comme vous le voyez, les repères historiques sont souvent flous…Cela n'empêche pas les hommes politiques, certains d'entre eux, d'imprimer leur nom sur la couverture de livres d’histoire qu'ils ont plus ou moins écrits. Aujourd’hui, ils la connaissent sans doute moins qu’à une certaine époque mais, après tout, on ne peut pas tout savoir…et la formation de nos élites a changé.
J’ai écrit en 2007 une tribune dans un quotidien du soir assez connu lorsque Nicolas Sarkozy, à peine élu, me semblait mettre en péril un des pans de l’héritage de son prédécesseur qui me touche le plus – héritage historique et politique, héritage politique parce qu'historique –, à savoir la barrière étanche qu'avait dressée et sauvegardée toute sa vie politique durant Jacques Chirac vis-à-vis de l'extrême-droite. C'est de la politique, mais c'est aussi pleinement de l'histoire : en effet, ceux qui ont toujours été les ennemis de De Gaulle, c’est l’extrême droite. Le de Gaulle de la guerre et de la Libération a travaillé avec la gauche et les communistes, le de Gaulle de l'époque du RPF et de la Cinquième République a travaillé avec la droite ; ceux qui ont toujours été les ennemis irréductibles de De Gaulle, ce sont les pétainistes non repentis de l'extrême-droite vichyste – ceux qu'il appelle dans ses Mémoires de guerre "les amants inconsolables de la défaite et de la collaboration" – plus tard l’OAS. Fréquentant beaucoup, pour préparer mon livre, les sites et les blogs qui continuent à se revendiquer de cette mouvance, je ne peux pas ne pas faire le lien avec de très larges fractions de l'actuelle extrême-droite. Le choix de la frontière non poreuse qui fut celui de Jacques Chirac se fonde sur des racines historiques et intellectuelles indéniables. Quand on entend aujourd'hui le Front national se revendiquer du gaullisme, et que bien peu réagissent, c’est impressionnant !
Que pensez-vous du Centenaire de la Première guerre mondiale et de sa commémoration orchestrée par le gouvernement actuel ? Parler d'une "Union nationale" aujourd'hui en prenant exemple sur celle, exceptionnelle par son contexte, de 1914-1918, vous paraît-il pertinent ? Par ailleurs, en créant un comité de réflexion sur la commémoration des deux guerres mondiales – le Centenaire de 1914 et les 70 ans de la Libération –, le gouvernement actuel ne risque-t-il pas de créer une certaine confusion ?
Je pense, comme aurait dit le général de Gaulle, que le centenaire de la guerre de 1914 interviendra en 2014, et que c'est très bien ainsi. Plus sérieusement, il est indispensable et nécessaire que cette commémoration ait lieu.
La Première guerre mondiale – sans doute plus que la Seconde, parce que l’on oublie trop l’intensité de la Bataille de France de mai-juin 1940 (plus de 100 000 morts, ce qui fait en quelques semaines un nombre de morts par jour véritablement terrifiant) – représente le carnage au combat, les dizaines de milliers de monuments aux morts de notre pays en témoignent. Elle a aussi représenté la fin d'une certaine société européenne (Stefan Zweig parlait du Monde d'hier) dont on peut avoir un regret fantasmatique. Pour autant, l’histoire ne donne pas de leçons a dit Paul Valéry, on ne tirera donc aucune leçon particulière de 1914 pour 2014. Au demeurant, on aurait pu tout aussi bien en tirer des leçons, s’il faut en tirer, en 2006 ou en 2025. Ce serait donc tout à fait extraordinaire – à moins d’être un fétichiste des chiffres – que ce soit précisément cent ans après un événement que son influence joue le plus.
Quant à la double commémoration, elle n’est pas du tout gênante, elle a d’ailleurs déjà eu lieu, ce que l'on ignore souvent. Il se trouve que j'ai écrit un article sur le dixième anniversaire de la Libération : en 1954, on avait créé, présidé par le ministre des Anciens Combattants, un comité d’organisation pour les deux célébrations. Dix ans plus tard, la situation est un peu différente : le 6 juin 1964, le général de Gaulle ne va pas sur les plages de Normandie, en prétextant qu’il n’y avait pas été invité à l’époque mais, en revanche, il insiste alors beaucoup sur le cinquantième anniversaire de 1914 et, autant il refuse de se montrer avec les Américains, autant il multiplie les cérémonies franco-allemandes : là encore, c’est l’histoire telle qu’elle est utilisée aux fins politiques de la commémoration, tout cela n’a rien de troublant.
Puisque la révision constitutionnelle de 2008 le permet aujourd’hui, est-ce que l’on pourrait imaginer la généralisation des résolutions du Parlement plutôt que des lois mémorielles – qui ne créent en effet aucune norme quelconque – à propos d’une période historique, quelle qu’elle soit ?
On peut le penser mais c’est au Parlement d’en décider. Effectivement, cet outil qu’est la résolution a été peu ou pas utilisé jusqu’à présent. Cela n’aurait de portée que si le poids symbolique en était très fort. Par exemple, le centenaire du génocide arménien de 1915 pourrait donner lieu en 2015 au vote d’une résolution à l’unanimité par les deux chambres. Or, lors du débat de la fin 2011 relatif à la pénalisation de la négation du génocide arménien, le gouvernement Fillon était divisé, Alain Juppé, alors ministre des Affaires étrangères, ayant fait savoir qu'il jugeait peu opportun ce projet de loi. Il me semble que le Parlement serait pleinement dans son rôle s’il jugeait nécessaire de voter ce type de résolutions. La gestion du symbolique, qui émane de la souveraineté nationale, aurait alors une valeur importante : ce serait la voix du peuple français.
Quelle différence peut-on alors faire entre une résolution du Parlement et un discours du chef de l’État, puisque vous évoquez justement, de manière très intéressante, le non-discours de François Mitterrand au Vel d’Hiv en 1992, puis le discours fondateur de Jacques Chirac en 1995 au sujet de la participation de l’État français à la rafle des Juifs. Précisément, en termes de symboles, en quoi le vote du Parlement est-il différent du discours d’un Président de la République ?
La différence réside dans la Constitution : le Président de la République est le chef de l’État, mais le Parlement est l'expression du peuple souverain