Alors que chaque jour apporte son lot de victimes parmi les banques exposées plus ou moins directement aux actifs toxiques, le plan Paulson, que tous attendaient pour sauver les institutions financières vacillantes, et donc le système tout entier, a échoué.


Pourquoi est-ce grave ? Parce que, comme l’ont dit nombre de commentateurs, mieux valait ce mauvais plan que pas de plan du tout. Le consensus des économistes est étonnant depuis une petite semaine : les blogueurs et autres commentateurs se sont retrouvés sur le fait que le plan Paulson 1 était catastrophique, mais que les moutures suivantes donnaient un espoir de solution. En Europe, les banques doivent être sauvées les unes après les autres, Fortis puis Dexia, en attendant la suite. Aux États-Unis, les dominos s’effondrent aussi. Cette liste des pertes et des levées de capital établie par Bloomberg montre clairement où se trouvent les victimes et permet de s’adonner au petit jeu du prévisionniste sauvage : "Who’s next ?".

Pourquoi avoir cédé à la tentation de la catastrophe ? Willem Buiter explique que deux types de républicains ont pu voter "non" : ceux qui par principe pensent que les marchés doivent tout régler sans que l’État s’en mêle. Comme dit Buiter, "ils sont fous mais honnêtes et ont leurs principes." Et de leur souhaiter "une bonne dépression", "La majorité de ceux qui ont voté contre le plan s'appuient sur la clameur populaire en opposant le renflouement des riches traders new-yorkais aux difficultés quotidiennes de "Joe Sixpack" (la classe moyenne américaine)."  Il s'agit malheureusement d'une position à courte vue.

Dani Rodrik remarque avec lucidité que si ces politiciens populistes peuvent penser agir comme le veulent leurs électeurs   , c’est que le "peuple" ne ressent pas encore les effets de la crise. Les économistes sont à peu près persuadés que la crise s’étendra au secteur réel, mais veulent limiter la casse, ce que le raisonnement à courte vue des démagogues oublie totalement.

Alors que va-t-il se passer ? Alexandre Delaigue, de l’excellent blog econoclaste, a repris et traduit un post de Tyler Cowen, du non moins excellent blog Marginal Revolution résumant le meilleur et le pire scénario. Le meilleur : une récession de deux ans où les chocs sont absorbés par l’économie de manière flexible, des banques de taille moyenne font faillite, une action de la Fed et de la BCE suffisent à tout maintenir à niveau. Le pire : toutes les relations financières plus ou moins stables s’effondrent en quelques semaines. Même sans aimer Wall Street, cela semble difficile à souhaiter tant les répercussions seraient inimaginables. Dans Le Monde, d’autres économistes y vont de leurs prévisions. Les réponses de Daniel Cohen et de Nouriel Roubini semblent les plus sensées

 

* À lire également sur nonfiction.fr :

- la critique de l'autobiographie d'Alan Greenspan, Le Temps des turbulences (JC Lattès), par Martin Kessler et Samuel Ronsin.

- la critique du livre de Paul Krugman, The Conscience of a Liberal (Norton), par Martin Kessler.

- la critique du livre de Jérôme Glachant, Jean-Hervé Lorenzi, Philippe Trainar (dir.), Private equity et capitalisme français (La Documentation française), par Luc Goupil.

 - la critique du livre de Solveig Godeluck et Philippe Escande, Les pirates du capitalisme (Albin Michel), par Luc Goupil.

 - la critique du livre d'Augustin Landier et David Thesmar, Le grand méchant marché (Flammarion), par Patrick Cotelette.

- la critique du livre d'Olivier Godechot, Working Rich. Salaires, bonus et appropriation du profit dans l'industrie financière (La découverte), par Luc Goupil.

- la critique du livre de Jacques Hamon, Bertrand Jacquillat et Christian Saint-Etienne, Consolidation mondiale des bourses (Conseil d'Analyse Economique), par Mahdi Ben Jelloul.

- la critique de l'ouvrage collectif Comprendre la finance contemporaine (La découverte), par Jérémie Cohen-Setton.

- la revue de presse sur la crise financière.