Le metal n'est pas seulement une galaxie générique complexe, mais également un principe esthétique de création musicale, une poétique en actes, qui s'accomplira avec des niveaux variables de substance et de radicalité au sein des 160 concerts proposés par le Hellfest 2016. En fonction de ceux que vous verrez, serez-vous plus ou moins en contact avec le noyau vibrant du metal ? Cet article vous aide à le déterminer.

 

Le public du Hellfest aura l'occasion d'assister, les 17-18-19 juin prochain, aux performances de 160 groupes, pour ce qui devient, année après année, le rendez-vous incontournable du peuple « metal ». Enfin, d'une partie du peuple metal puisque l'ensemble des billets s'est vendu en quelques jours, faisant des dizaines de milliers de malheureux.

Car si les délires scénographiques et pyrotechniques de l’aménagement du site pourraient leur permettre de relativiser leur déception (qui a envie de voir, depuis une grande roue, des groupes de thrash se dodeliner sur une scène encadrée d’une déco à la « Pirate des caraïbes » ?), en revanche, une chose sur laquelle il est difficile de faire la mauvaise tête, c'est bien la programmation qui est, cette année comme les précédentes, un subtil dosage entre différentes tendances du metal, aussi bien qu’entre formations mainstream et propositions plus pointues.

Le festival propose 160 concerts (163 pour être exact) parmi lesquels ceux d’artistes aussi disparates que Slayer, Joe Satriani, Black Sabbath, SunnO))), The Offspring, Ramesses, Napalm Death, Inquisition, Converge, Korpiklaani, Magma, Jambinai. Cette petite liste de groupes aux univers musicaux totalement éloignés illustre la grande variété des formes musicales proposées par le festival.

Au delà des exigences de satisfaire tous les publics qui se réclament du genre « metal », cette pluralité pose un certain nombre de questions.

Ainsi donc, qu'est-ce qui peut bien réunir des propositions musicales aussi variées, pour ne pas dire parfois opposées ? Quel en est ce qu'on pourrait appeler le « dénominateur commun » ? Pourquoi la galaxie metal compte-t-elle autant de sous-genres parfaitement admis par les amateurs ? Parmi ces sous-genres, y en a-t-il qui sont plus ou moins « metal » que les autres, et si oui lesquels et pourquoi ? Doit-on vraiment considérer le « folk metal » comme une forme de metal ? Vous dites que vous écoutez du black metal, mais en fait vous n’êtes pas très précis : êtes-vous plutôt pagan black metal, depressive suicidal black metal, true norvegian black metal, symphonic black metal, national socialist black metal, atmospheric black metal, etc. ?

Derrière cette tendance un peu geek à créer sans cesse de nouvelles niches, se cachent pourtant de véritables enjeux musicologiques et esthétiques. Car poser ces questions c'est interroger les notions de genres et de sous-genres musicaux, et à cet égard le Hellfest, du fait de la grande variété de propositions musicales programmées, du fait aussi de son organisation par scènes, et du fait toujours qu'il constitue un immense rassemblement de « publics » disparates (aux codes souvent très marqués), fournit une excellente matière à réflexion.

Cette dernière nous amènera à « cartographier » les sous-genres et une partie des groupes programmés au Hellfest selon des critères d'appartenance au champ metal. L’occasion de voir que les groupes qui représentent le mieux l'esprit ou l'esthétique du metal ne sont pas toujours ceux que l'on croit.

Vous avez déjà conçu votre parcours personnalisé dans le runnig order du Hellfest 2016, et bien que vous n’ayez pas de problème identitaire majeur dans votre vie et que vous vous définissiez avant tout comme un amateur de musique (tout court), vous vous demandez à quel point vous êtes « metal » ? Au moment de choisir entre Rammstein et Sunn O))), Megadeth ou Taake, ou encore entre Deicide et King Diamond, ce questionnement peut s’avérer crucial ! Cet article vous permettra de vous frayer un chemin intensément metal au cœur du Hellfest, ou au contraire (s’il s’avérait que vous n’êtes finalement pas trop metal) à explorer les marges du genre tout en vous tenant à l’écart de son noyau sombre et brûlant.

Mais avant de vous permettre d’établir votre diagnostic personnel (sur le degré que vous atteignez sur l’échelle du metal), et afin que vous acceptiez ce diagnostic comme une vérité ontologique sur vous-même, il faut revenir sur un certain nombre de concepts-clés de l'appréhension esthétique des genres artistiques d'une part et des musiques metal d'autre part.

 

Une approche esthétique des musiques metal

 

Notre approche ne se place pas sur le terrain d'une sociologie qui viserait à analyser les rôles et les discours des acteurs de la scène metal (qu'ils soient musiciens, professionnels, journalistes, ou auditeurs) ; bien plutôt, et sans ignorer cette dimension, il s'agit de poser, dans une perspective esthétique, le problème spécifique du genre metal en tant que mode d'expression musical. Comment peut-on, notamment, penser la relation entre le vaste genre metal (qui accueille des propositions musicales assez disparates) et la galaxie de ses très nombreux sous-genres aux critères définitoires beaucoup plus stricts ?

Lorsqu'on pose les choses de cette manière, on est tenté de s'interroger sur l'intérêt de classer les œuvres musicales en genres, sous-genres, sous-genres de sous-genres, etc. Qu'est-ce que cela apporte au final à l'expérience que nous faisons de l'écoute musicale ? Il faut donc rappeler que l'enjeu de cet effort de classification n'est pas simplement le rangement de tel artiste ou de tel morceau dans telle ou telle case ; confronter les œuvres musicales entre elles, les rassembler ou au contraire les opposer, est une activité fondamentale de la compréhension esthétique. Reconnaître une musique (ses similitudes avec d'autres, ses différences) participe du plaisir musical, car l'écoute n'est pas seulement une question de sensibilité, elle fait aussi appel à la réflexion et à l'intelligence.

Précisons aussi que derrière la question du genre, ce qu'on cherche, ce n’est pas à établir un principe de classification ou d’inclusion/exclusion, mais plutôt à identifier ce qui est commun à toutes les formes de musique que l’on rattache au metal. Ou pour poser la question autrement : comment rendre compte de l'immense variété des sous-genres, tout en captant le caractère essentiel commun à toutes les formes de metal ?

Il faut donc distinguer deux choses quand on parle de genre metal : le genre metal en général d'un côté, et la galaxie des sous-genres du metal d'un autre côté. C'est sur cette distinction a priori qu'il convient maintenant de se pencher.

 

Qu'est-ce qu'un genre ? Précautions sur les enjeux de la classification

 

Sans trop s'attarder sur ce qui définit un genre ou un sous-genre musical, disons simplement qu'il existe classiquement plusieurs manières de classer les objets musicaux selon des critères qui peuvent être strictement ou simultanément :

· musicologiques, c'est le cas le plus fréquent (par exemple, le doom metal se caractérise par un mid-tempo, par la lourdeur des riffs, par l'utilisation de basses fréquences, etc) ;

· chronologiques (par exemple, le sous-genre heavy renvoie au metal joué dans les années 70, on parlera de heavy revival pour désigner un heavy plus contemporain) ;

· géographiques parfois (par exemple la NWOBHM ou le desert rock) ;

· ou même thématiques (c'est-à-dire en fonction des thèmes narratifs qu'ils explorent, exemple le NSBM, le gothic metal ou le goregrind).

Il n'est pas question de remettre en cause les sous-genres existants du metal, qu'il s'agisse de leurs critères esthétiques ou même leur terminologie. Premièrement parce qu'ils sont plutôt établis et assez respectés par les acteurs de la scène metal, et deuxièmement parce qu'ils renvoient à des réalités musicales (ou musicologiques) qu'il serait inopérant de contredire.

Notre questionnement porte principalement sur la manière dont nous les appréhendons chacun isolément, mais aussi sur la place qu'ils occupent dans la galaxie metal.

 

Concept ouvert et champ musical

 

Pour tenter d'apporter quelques éléments de réponse à ce problème, on peut s'appuyer sur un couple conceptuel intéressant qui refuse de penser le genre comme l'établissement de règles rigides qui incluent et excluent définitivement les formes artistiques, mais qui permet au contraire de l'aborder à travers une approche souple et dynamique, respectueuse des pratiques et de leurs évolutions.

La première notion est celle développée par Morris Weitz dans un célèbre article (Le Rôle de la théorie en esthétique, 1956) : il s'agit de la distinction entre concept clos et concept ouvert. Dans cet article, le philosophe américain nous invite à aborder les œuvres d'art en se demandant de quelle sorte de concepts elles participent, clos ou ouvert. Pour résumer, un concept est clos s'il est possible d'énoncer les conditions suffisantes et nécessaires d'appartenance à ce concept. Et à l'inverse, un concept est ouvert si ses conditions d'application peuvent être corrigées, élargies ou précisées.

Un des grands intérêts de la notion de Weitz est qu'il en revient à l'auditeur de décider de quel concept participe une œuvre, en s'appuyant pour cela sur les plages de similitudes ou des traits de ressemblance de l'œuvre avec d'autres œuvres.

Mais voyons comment fonctionne la notion de concept ouvert et tentons de la transposer aux musiques metal, en l'appliquant pour l'exemple au courant black metal.

Le black metal peut être considéré comme un concept ouvert puisque, même s'il est construit sur une base musicologique et sonore assez balisée (haute fréquence, riff saturé, chant éraillé, tremolo picking, etc.), il évolue sans cesse et regroupe des formes musicales variées. En revanche, les sous-genres du black metal sont, eux, des concepts clos. En effet, le true black metal scandinave ne saurait accepter l'introduction d'un chant lyrique féminin par exemple (sous peine de mise à mort), même si l'ensemble des autres critères est respecté.

On observe donc que, dans un concept clos, dès qu'une forme musicale novatrice apparaît et s'écarte un peu trop des critères du sous-genre qui l'a vu naître, un nouveau concept se crée (ici, en l'occurrence, le black metal symphonique).

La deuxième notion théorique qui nous mobilisons pour approfondir la question des genres dans le metal est celle de champ musical, telle que Christian Béthune l’utilise notamment pour analyser le jazz. L'auteur privilégie en effet le terme de champ plutôt que celui de genre, notamment parce que le terme genre a une image trop normative. Le champ, à l'inverse du genre, se caractérise par le fait que ses limites sont ouvertes, floues, mal délimitées. Le terme de champ renvoie à l'idée qu'il n'existe que parce que quelque chose s'y déroule ; ainsi, on considère un champ, comme un lieu, physique ou non, où apparaissent les phénomènes. Cette définition met l'accent sur la valeur empirique de la démarche. Le champ ne détermine par les phénomènes, ce sont les phénomènes qui déterminent le champ, il n'existe pas a priori mais est le produit de ce qui le compose. De la même manière que le concept ouvert, c'est bien la forme musicale qui crée le concept, et non le concept qui détermine la forme musicale.

Ainsi, une œuvre musicale peut être en plein cœur du champ, ou à la marge ou en bordure. Cette notion introduit l'idée qu’il pourrait exister un niveau d'appartenance (plus ou moins grand) à un genre musical.

Nous allons revenir plus tard sur cette idée, mais avant cela, tentons de définir, d'un point de vue esthétique, le genre metal.

 

Une musique violente exprimée de manière violente

 

Nous en venons donc à ce qui constitue, pour nous, la véritable spécificité esthétique de la musique metal : l'adéquation entre ses propriétés intrinsèques et ses propriétés affectives.

Cette relation forme / contenu trouve son aboutissement dans sa dimension hyperesthésique, ce qui nous amène à affirmer que si la violence et l'agressivité sont des propriétés émotives qui appellent des réponses émotives équivalentes, ils sont aussi des caractéristiques purement acoustiques. Les hurlements, la vitesse, la dissonance, la distorsion, etc. font que cette musique n'exprime pas seulement la violence, mais est violente. Il y a correspondance objective entre qualités émotives et qualités acoustiques ; le metal est une musique extrême appelant des affects extrêmes.

Fort de ce constat, voici comment nous proposons de (re)poser la question pour appréhender les musiques metal : ce morceau, cet album, ce groupe, ce sous-genre présentent-ils une adéquation entre leurs qualités sonores et les affects qu'ils appellent ? Présentent-ils un niveau suffisant de correspondance qui nous permet de « prendre la décision » de l'appréhender comme étant une forme particulière de métal ?

C'est donc une position que l'on pourrait définir comme tenante d'un essentialisme modéré que nous défendons, qui établit un caractère essentiel à la musique (la correspondance entre la forme et les affects) mais qui autorise différents degrés d'adéquation à ce caractère, et qui repose sur la capacité de l'auditeur à l'appréhender à sa pleine mesure.

 

Un mouvement de radicalisation de la formule rock

 

D'autre part, nous introduisons une caractéristique complémentaire à ce qui vient d'être exposé, et qui prend en compte la dimension historique du courant metal.

En effet, le metal peut (doit) être vu comme un mouvement de radicalisation de l'esthétique rock que l'on peut résumer par la formule suivante : « plus vite, plus fort, plus lourd ».

Cette idée est importante selon nous d'abord parce qu'elle offre l'idée d'une dynamique et d'une direction des formes musicales. Le metal s'est construit sur une idée de progression vers les extrêmes. Le thrash s'est développé sur l'accélération du rythme du heavy, le doom a pris le contre-pied et a travaillé sur la lourdeur, le black s'est orienté sur le côté glaçant et litanique, le death sur l'exploration extrême des codes musicaux et extra-musicaux du thrash, etc.

Ce sont donc bien des formes musicales qui ont toujours cherché à aller plus loin.

 

Une proposition de représentation du champ metal

 

Sur la base de ce qui vient d'être dit, voyons maintenant comment pourrait s'organiser le champ metal. Nous proposons l'exercice avec une partie des groupes qui seront présents au Hellfest cette année, et notamment ceux qui présentent un intérêt classificatoire (soit parce qu'ils représentent plutôt bien leur courant musical, soit parce qu'ils posent un problème esthétique intéressant).

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Le schéma en haut d'article ne prend pas donc pas la forme, comme on le voit souvent, d'un arbre généalogique ou d'une arborescence qui met l'accent sur les dynamiques temporelles (tel genre a donné tels autres sous l'influence d'un autre, etc.). Dans la perspective qui est la nôtre, il nous paraît préférable d'insister moins sur les relations des sous-genres les uns avec les autres que sur le rapport de ces sous-genres avec ce qui définit l'essence du genre.

Ainsi, plus on s'approche du centre, plus les « plages de similitude » avec l'esthétique metal sont grandes, et plus on s'éloigne du centre, moins ces plages de similitudes sont évidentes.  

On retrouve au centre du schéma, dans le carré intérieur, les sous-genres du metal extrême, ceux qui ont poussé l'esthétique du heavy originel vers des formes musicales radicales :

·le true black metal : Taake, Dark Funeral mais aussi la formation polonaise Mgla qui n'est sans doute pas la plus extrême, mais qui a sorti l'année dernière  Exercices in Futility, un album sublime de maîtrise et de souffrance (le jeu de guitare tout en tremolo de M. y est absolument parfait) ;

·le hardcore et ses représentants les plus sauvages : Unsane, Converge ;

·le drone doom : SunnO))) et Earth (même si ces derniers ne jouent plus véritablement de drone doom), ont saisi l'essence du doom (la lourdeur, la puissance du riff, le son gras, le mid-tempo) et, se débarrassant des dernières traces du heavy originel (chant épique, batterie, la notion même de rythme, etc.), ont livré une œuvre radicale et en un sens épurée, essentielle, minimaliste... Pour des prestations live d'une immense violence esthétique et esthésique ;

·le grindcore:  Agoraphobic Nosebleed et surtout Napalm Death - qui a, avec quelques autres groupes à la fin des années 80, poussé le genre metal dans des abysses de vitesse et de violence qui paraissent encore aujourd'hui indépassables.

Aux frontières du carré intérieur, sont notamment positionnés les grands sous-genres du metal dont les esthétiques structurent encore aujourd'hui et malgré la centaine de sous-genres répertoriées, la scène metal :

·le thrash représenté par les maîtres : Slayer ;

·le death metal (Deicide, Gojira) ;

·le black metal: avec Abbath en solo qui ne manquera pas de jouer certains standards d'Immortal ;

·le doom et le stoner : Melvins, Goatsnake.

À l'extérieur de ce carré central on trouve des groupes résolument metal mais dont les formes paraissent moins extrêmes (ou qui empruntent beaucoup à d'autres courants musicaux) :

·le heavy : Black Sabbath bien sûr, mais aussi Kadavar et Ghost, ce qui  démontre que les distinctions que nous faisons ne sont pas temporelles mais bien esthétiques ;

·le nu metal ou metal fusion : Korn ;

·le punk hardcore : Sick Of It All, Turbonegro ;

·le metal mélodique : Insomnium qui représente une scène metal qui si elle emprunte une grammaire metal indéniable, s'en écarte par son côté très mélodique ;

·le metal indus : Rammstein.

Et puis, hors-champ (c'est-à-dire en dehors du carré extérieur ou à la limite du champ), sont positionnés des sous-genres dont les caractéristiques musicales et esthétiques restent assez éloignées des critères essentiels du metal ou qui posent de gros problèmes de classification :

·le metal folklorique, soit parce qu'il est festif (Heidevolk, Korpiklaani), soit parce que la présence des codes musicaux folkloriques est telle que la grammaire metal s'en trouve vidée de son sens (Orphaned Land);

·le punk représenté au Hellfest par UK Subs ou dans un registre un peu différent par les français du Bal des Enragés dont les registres esthétiques appartiennent à quelque chose de très différent (la contestation, le rejet des valeurs bourgeoises, une musique simple très éloignée de toute notion de virtuosité, etc) ;

·le metal symphonique (Within Temptation) ;

·le rock alternatif ou le rock psyché : Magma.

Pour illustrer ces positionnements de manière moins statique, prenons le cas du doom et voyons en quoi son évolution dit des choses sur ce qu'est véritablement le metal.

Les groupes qui le représentent sont placés de telle manière qu'il forment une sorte de croissant partant de Black Sabbath jusqu’à SunnO))) au centre du carré. Ce croissant symbolise la dynamique de radicalisation du genre.

Si Black Sabbath a ouvert les portes de cette esthétique musicale mid-tempo, organisée sur un riff de power chords et d'intervalles tritons, de nouvelles formes ont radicalisé ces formes, créant par là-même de nouveaux sous-genres (concept clos) :

·le sludge (dont les Melvins font partie des premiers représentants) qui présente un doom "boueux" (comme son nom l'indique) c'est-à-dire moins structuré, au son plus gras et au riffs traînants ;

·le stoner doom (Goatsnake) qui a introduit dans le doom un côté psychédélique et envoûtant ;

·et le drone qui cette année sera représenté par ses deux plus grandes formations Earth (les pionniers) et SunnO))), qui ont radicalisé cette esthétique pour aboutir à une forme épurée et "essentielle".

Cette structuration (ou cette grille de lecture) du champ metal n'est en aucun cas un jugement sur la valeur ou la qualité des sous-genres et des groupes. Il n'y a évidemment rien de grave, de déshonorant ou de « blasphématoire » à affirmer que Black Sabbath ne représente plus l'essence du metal parce que des formations ont poussé très loin son héritage musical et esthétique. 

Il y a derrière cette représentation du champ metal, la volonté de rompre avec l'idée « historique » que tout part de Black Sabbath. Et si cela est sans doute vrai du point de vue de l'historien du rock, la théorie esthétique nous permet de penser ces musiques un peu différemment.

Premièrement, elle permet d'inclure des formes qui sont habituellement considérées comme extérieures au metal – tout au plus ces formes sont vues comme des influences (ex : le punk ou les musiques indus). Il ne s'agit pas de dire que le punk fait partie intégrante du champ metal, mais d'insister sur le fait qu'à certains égards, on trouve dans ce genre musical des éléments essentiels du metal. Il n'est pas au cœur du champ mais en marge.

Deuxièmement, ce positionnement permet de faire évoluer les références, qui ne sont désormais plus le heavy metal et le hard rock, mais les formes les plus radicales du metal : le black, le death, le hardcore et certains de leurs dérivés.

Cette approche peut aussi constituer un support argumentatif utile pour ceux qui se retrouvent toujours un peu embarrassés lorsqu'ils essaient de faire comprendre à un adepte de « metal symphonique à chanteuse » que sa musique, pour le dire poliment, nie les principes fondamentaux du metal.

Cela marche aussi pour contredire certains métalleux réacs qui répètent de manière un peu lourde que rien ne dépassera jamais Black Sabbath, Judas Priest et Metallica... Eh bien si, justement ! À vérifier dans la périphérie de Clisson entre les 17 et 19 juin prochains.

 

 

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