* Cet entretien est en sept parties (cf. bas de la page pour le renvoi vers les autres parties)

nonfiction.fr : Enfin, que vous inspire le bilan d’une année et demie de présidence Sarkozy en France ? Un président Sarkozy qui, au soir de sa victoire au second tour de l’élection présidentielle, s’exprimait ainsi : "Je veux que partout dans le monde, les opprimés sachent qu’il y a un pays généreux, c’est la France", puis, dans son allocution d’installation, déclarait : "Je ferai de la défense des droits de l’homme une priorité de l’action diplomatique de la France dans le monde." Contrat rempli ?

Joël Andriantsimbazovina : À mon sens, on ne peut pas tout à fait séparer l’action extérieure de la situation intérieure. À l’intérieur, le bilan est nuancé… grâce à des textes et de la jurisprudence qui demeurent protecteurs des droits de l’homme ! Ça, c’est indéniable. Mais, du côté de la législation sur l’immigration, sur les données personnelles, sur la lutte contre le terrorisme, on voit se profiler à l’horizon des restrictions importantes et inquiétantes des droits. Le seul espoir que l’on peut avoir est que les juridictions interprètent ces textes dans un sens plus protecteur des droits que dans le sens protecteur de la sécurité que leurs auteurs avaient en tête. Très nettement, le bilan interne pourrait être amélioré.

Cela a des répercussions sur les relations de la France avec le monde. Je le vois bien en tant que responsable de l’action internationale de mon université. On se heurte de plus en plus à une politique migratoire de la porte fermée délivrant les visas au compte-gouttes, notamment pour les étudiants étrangers du Maghreb et d’Afrique qui, naturellement, se tournent vers la France. Cette politique gouvernementale de restriction avait déjà été dénoncée par le Sénat, avant même l’élection de Nicolas Sarkozy. Depuis, cela ne s’est guère arrangé. Les mesures prises demeurent de pures dispositions d’affichage totalement contre-productive par rapport aux objectifs affichés de maintenir la France comme une terre d’attraction forte que ce soit au niveau économique, éducatif ou culturel. Voilà déjà un réel point noir de la situation des droits de l’homme en France.

Il y a eu par ailleurs ce débat sur les droits opposables et là aussi j’aime ce type d’annonces politiques car, évidemment, ce n’est qu’un effet d’annonce : dans la pratique ils sont difficiles à mettre en œuvre et posent de gros problèmes d’application des décisions de justice. À bien y réfléchir d’ailleurs, est-ce au juge qu’il appartient d’attribuer des logements aux personnes ?

Sur le plan extérieur, aujourd’hui, il y a peut-être effectivement un secrétariat d’État aux droits de l’homme, il y a un ambassadeur aux droits de l’homme, il y a donc des personnes qui ont pour fonction de promouvoir les droits de l’homme en dehors de la France. Là-dessus, le moins qu’on puisse dire, est que la politique est nettement perfectible, ne serait-ce que par le fait que Rama Yade ne soit pas toujours des voyages dont il faudrait qu’elle soit. La juxtaposition permanente des annonces et d’un réalisme politique totalement cynique empêche toute vision claire de l’influence de la France dans la promotion des droits de l’homme de se dégager. Il y a là-dessus un gros effort à faire, auquel nous comptons très modestement participer en envoyant un exemplaire de notre dictionnaire à Rama Yade et à l’ambassadeur aux droits de l’homme !

 

Propos recueillis par Thomas Hallier et Aurélie Stoflique

 

Cet entretien est en sept parties.