* Cet entretien est en sept parties (cf. bas de la page pour le renvoi vers les autres parties)

nonfiction.fr : L’établissement d’un dictionnaire de ce genre commence par un choix, qui doit être difficile, parmi tous les sujets qui viennent à l’esprit. Comment s’est fait ce choix ? Avez-vous des regrets ?

Joël Andriantsimbazovina : Comme il s’agit d’une œuvre collective, le choix des entrées a été fait de façon collective. On en avait en fait retenu plus de 280 et faute d’avoir reçu les textes à temps, nous avons dû renoncer à en publier une quinzaine. D’où, déjà, quelques entrées qui peuvent paraître manquer. D’autre part, a posteriori, on a évidemment quelques regrets, on aurait voulu par exemple mettre un article "Olympisme"…


nonfiction.fr : Pour coller à l’actualité ?

Joël Andriantsimbazovina : Non, parce qu’il y a toujours eu un débat sur cette question depuis les Jeux olympiques de 1936 en Allemagne, mais effectivement parce que ce débat avait resurgi avec les JO de Pékin au moment où nous préparions la publication de ce dictionnaire. Peut-être une prochaine édition nous permettra-t-elle de pallier cette absence. On pourrait également critiquer l’absence de noms propres. Mais qu’aurait-il alors fallu privilégier ? Les penseurs du droit et des libertés, les gens d’action, les figures historiques, en exclure les contemporains ? Nous avons préféré écarter ce type d’entrées. Peut-être sera-ce un autre ouvrage à faire, non le Dictionnaire des droits de l’homme mais celui des grandes figures des droits de l’homme ?

Notre ambition, comme le rappelle la préface, est d’innover en permettant à un grand nombre de gens cultivés de nourrir une réflexion personnelle sur la nature des droits de l’homme et de faire acte de militantisme en faveur des droits de l’homme… car pour nous il n’est pas péjoratif d’être "droit-de-l’hommiste", comme on le dit de plus en plus souvent depuis quelques années. Il nous semble qu’être honnête homme (ou femme !) au XXIe siècle et militant(e) des droits de l’homme ne sont pas des notions incompatibles !


nonfiction.fr : Une absence de taille… l’entreprise !

Joël Andriantsimbazovina : C’est vrai. Vous aurez tout de même remarqué qu’il y a une notice "Liberté d’entreprise" dans le dictionnaire, rédigée par Martine Lombard. Malheureusement une entrée "Mondialisation" aurait également dû figurer dans l’ouvrage, mais elle n’a pas été reçue à temps. Ceci dit, nous sommes convaincus que les droits de l’homme sont un instrument précieux de régulation de la mondialisation et, justement, du poids des entreprises.

Dans ce dictionnaire, il est aussi beaucoup question d’écologie, de développement durable (avec d’ailleurs une entrée sur le "Droit à l’environnement"). Mais on voit très bien aujourd’hui combien l’écologie et le développement durable ont été largement récupérés par les entreprises et retournés à leur profit… au risque de les galvauder en simples leviers de marketing, dont les aspects sociaux sont souvent évacués.

Peut-être est-ce là avoir une vue restrictive sur la question, mais c’est plutôt au travers du prisme de la mondialisation que nous aurions envisagé l’étude des entreprises. De la même façon, pour compléter l’entrée "Commerce équitable", il aurait pu y avoir une entrée "Organisation mondiale du commerce" compte tenu de l’importance du débat autour de la question des moyens d’inclure des éléments de solidarité dans des débats froidement économiques et commerciaux. Les choix ont toujours été effectués en conservant également à l’esprit la nécessité de faciliter l’accès du lecteur à la matière de cet ouvrage…


nonfiction.fr :
Du côté des auteurs, on peut regretter un collectif remarquable mais quasiment exclusivement universitaire en apparence. Trois avocats, trois magistrats, un humanitaire sur 185 auteurs ! Est-ce à l’université que l’on est le mieux placé pour analyser le droit ?

Joël Andriantsimbazovina : En principe, l’idée initiale était que ça soit un dictionnaire fait par des juristes. Mais nous avons pris soin de ne jamais nous cantonner à une conception trop étroitement juridique des droits de l’homme, d’où d’ailleurs le choix des "droits de l’homme" et non des "droits fondamentaux", afin que les droits de l’homme soient aussi envisagés sous l’angle philosophique, théorique, historique… trois dimensions indissociables qui ont porté et continuent de porter les espoirs associés aux droits de l’homme. Cela a quand même permis la décolonisation, la fin de l’apartheid, l’écroulement de l’Union soviétique, permis de faire tomber les régimes racistes et les totalitarismes. Bien sûr il est toujours hasardeux d’établir des liens de causalité directs, mais tout cela n’est pas survenu par hasard.

Quant à la sociologie des auteurs à laquelle vous faisiez allusion, leur particularité est la plupart du temps d’être à la fois des universitaires et des praticiens du droit. Ils n’affichent pas la totalité de leurs casquettes, mais sont pour la plupart de véritables praticiens des droits de l’homme, que ce soit comme consultant, avocat, experts en matière de droits de l’homme auprès d’organisations internationales, ou encore dans le cadre de leur engagement associatif. En tout cas pas des gens qui ne considéreraient le droit que du fond de leurs bureaux.

 

Cet entretien est en sept parties.