Les anniversaires, on le sait, sont propices à une activité éditoriale intense, dont nonfiction s'est d'ailleurs fait l'écho, qu'il s'agisse des deux ans et des vingt ans de la disparition respectivement d’André Gorz et de Bernard-Marie Koltès, du centenaire du futurisme aussi bien que celui de La NRF ou encore des 90 ans de la fin de la Première Guerre mondiale.

Le 9 novembre 1989, jour de la chute du Mur de Berlin, n’échappe pas à la règle. Ouvrages de journalistes et d’historiens cohabitent ainsi sur les tables des librairies proposant chacun une approche spécifique de l’événement. Nous vous en présentons quelques uns ici



•    Cyril Buffet, Le jour où le Mur est tombé, Larousse, 301 pages, 18 €

Les éditions Larousse nous donnent sous la plume de l’historien Cyril Buffet un livre excellent sur la chute du Mur. Publié dans la collection « l’histoire comme un roman » récemment inaugurée, et conformément à ses usages, Le jour où le Mur de Berlin est tombé s’ouvre de façon claire et synthétique sur une description de Berlin et des acteurs de la tranche d’histoire abordée, dont on retrouvera les itinéraires  post-9 novembre en fin de volume, en guise d’épilogue, juste avant la présentation des sources et bibliographie utilisées. L’ouvrage est structuré, l’écriture fluide, les exemples nombreux sans noyer le récit – haletant – dans l’anecdote. Après le livre d’André Kaspi consacré aux époux Rosenberg, Larousse réussit son pari de concilier histoire rigoureuse et plaisir de lecture.


•    Bernard Brigouleix, Le Mur de Berlin. Petites et grandes histoires, Alphée/Jean-Paul Bertrand, 263 pages, 19,90 €

Le titre de ce livre résume bien son contenu : il s’agit d’histoires, petites ou grandes, sur le Mur de Berlin. Bref, essentiellement d’anecdotes, bien plus que d’histoire. Hormis les deux premiers chapitres, qui évoquent la situation de Berlin en 1945 et le blocus de la ville, peu d’éléments sont fournis sur le contexte international et les évolutions des relations Est-Ouest au cours de cet ouvrage ponctué par le récit de « moments forts ». Le livre souffre par ailleurs de lourdeurs de style et la vingtaine de photographies réunies ne suffit pas à rattraper l’ensemble.

 

•    Collectif, La nuit où le mur est tombé, Inculte, 272 pages, 25,00
Voir la critique de ce livre, qui rassemble vingt-cinq témoignages d'écrivains sur la nuit du 9 novembre 1989.

 

•    Yannick Pasquier, Le Mur dans les têtes. Chroniques d'Allemagne, Editions du Moment, 283 pages, 17, 06

Voir la critique de ce livre, qui est constitué d'une série de chroniques journalistiques sur les difficultés de la réunification des esprits en Allemagne depuis la chute du Mur.



•     Jacqueline Hénard, Berlin-Ouest : histoire d’une île allemande 1945-1989, Perrin, 248 pages, 17,80 €
Voir la critique de ce livre, qui est une chronique de Berlin-Ouest de 1945 à 1989.


•    Pierre Grosser, 1989. L’année où le monde a basculé, Perrin, 605 pages, 25,50 €
À l’inverse des trois premiers livres mentionnés, celui de l’historien des relations internationales Pierre Grosser ne s’articule pas autour de la Chute du Mur. 1989  est plus ample, plus ambitieux aussi. Avec cet ouvrage solidement documenté, Pierre Grosser fournit un tableau global de l’année 1989 dont il fait un objet de réflexion. Ce livre nous convie donc à élargir l’analyse, à la porter hors de cette Europe dont, à partir de 1989, les regards semblent se détourner. Décentrage géographique, donc – de Berlin à Tien’anmen, du Haut Karabakh à l’Afrique du Sud, … –, mais aussi thématique – relations entre les deux grands, renouveau du nationalisme sur les ruines de l’URSS, mondialisation et transformation du capitalisme mondial, islamisme, etc. Plus qu’un récit minutieux des événements   le livre expose davantage leurs origines et leur portée. Difficile de comprendre la fatwa lancée par Khomeiny à l’encontre de Salman Rushdie sans la replacer dans la concurrence pour le leadership musulman entre l’Iran et l’Arabie Saoudite. De la même façon, 1989 explique bien l’importance qu’a eue Gorbatchev, dont le mérite a finalement été « d’accepter que les évolutions dans l’Europe communiste aillent beaucoup plus loin qu’il ne l’avait envisagé. » Le lecteur regrettera sans doute l’absence de conclusion à la fin des différents chapitres et, s’il est historien, celle d’une bibliographie thématique en fin de volume, mais remerciera l’éditeur de ne pas avoir sacrifié l’index. Cet ouvrage, dont le propos est dense et clair, se révèlera très profitable à qui s’intéresse à l’histoire des relations internationales des années 1980 au début des années 1990.


•    Daniel Vernet, 1989-2009. Les Tribulations de la liberté, Buchet-Chastel, 237 pages, 19 €

Daniel Vernet avait publié l’an passé aux côtés de Plantu une agréable Petite histoire de la chute du communisme. L’ancien directeur de la rédaction du Monde  s’attache cette année dans 1989-2009 à retracer, à l’aune des attentes et espoirs nés de la chute du Mur de Berlin et de l’effondrement du bloc soviétique   , les vingt dernières années en matière de relations internationales. Pour ce faire, il propose un parcours en une dizaine de chapitres sur le nouvel ordre mondial, la réunification difficile de l’Allemagne et les interrogations afférentes sur son identité, les « retrouvailles » des pays d’Europe occidentale et orientale, la crise yougoslave, l’« internationale des droits de l’homme » – occasion pour Daniel Vernet d’ironiser sur le caractère sélectif de ses indignations   –, l’empire américain et sa chute, la Russie et – crise économique oblige –  « la crise du monde globalisé ». Ce faisant, et cela constitue la principale réserve à propos de ce livre, il néglige le Proche-Orient, l’Amérique latine, l’Afrique ou encore – malgré quelques mots sur la Chine – l’Asie.