Auteur emblématique de la fin du vingtième siècle, figure insaisissable incarnant une révolte métaphysique tout en allant puiser au cœur des traditions rhétoriques et philosophiques pour y déployer son verbe, Bernard-Marie Koltès a ouvert une brèche dans le langage, faisant apparaître une source chaude à laquelle la littérature théâtrale depuis ne cesse de s'abreuver. L'écriture de Koltès est profondément subversive, de ces subversions salutaires. Subversive dans la forme, quand il dilate le temps pour faire du simple instant d'une rencontre l'objet d'une longue phrase (La nuit juste avant les forêts), ou d'un dialogue philosophique aux répliques irréelles (Dans la solitude des champs de coton). Subversive avec force et clarté dans les thématiques et l'ancrage dans l'histoire contemporaine : la guerre d'Algérie (Le retour au désert), le colonialisme (Combat de nègres et de chiens), les lois des échanges plus ou moins commerciaux (Quai Ouest et Dans la solitude...), un tueur en série (Roberto Zucco)   . Subversive dans ses exigences artistiques, qui sont tout autant politiques.

Découvert par Hubert Gignoux, qui le fait entrer à l'école du Théâtre national de Strasbourg en section scénographie, où il réalise des mises en scène, il fonde sa propre troupe, le Théâtre du Quai, en 1970. Mais il acquiert une véritable notoriété grâce à sa rencontre avec Patrice Chéreau au début des années 1980, qui mettra en scène toutes ses pièces. En 2007, Koltès entrait au répertoire de la Comédie-Française avec la création par Murielle Mayette du Retour au désert. Une polémique très vive, symbolique de la force esthétique de ce théâtre, était née quand François Koltès, frère de l'auteur et ayant droit, avait remarqué que le rôle d'Aziz ne devait pas être interprété par un arabe, comme cela était exigé par la pièce, et avait donc voulu retirer les droits   .

En 2009, anniversaire (20 ans) de la mort de l'écrivain, terrassé par le SIDA comme a pu l'être après lui l'autre figure majeure du théâtre contemporain, Jean-Luc Lagarce   , la ville de Metz lui rend hommage à travers "L'année Koltès" : des spectacles, des rencontres, des lectures, des expositions, des colloques. À l'occasion de l'inauguration de la semaine pour une Intégrale de Koltès ce vendredi 16 octobre, organisée avec le concours de l'Opéra-Théâtre de Metz, nonfiction.fr accoste en lui consacrant ce dossier.

Au sommaire :

- La critique étoffée des Lettres de Bernard-Marie Koltès, parues aux éditions de Minuit, ainsi que de son scénario inédit, Nickel Stuff, par Yan Ciret.
Des lettres qui montrent l’humble force de l’homme, l’intraitable gaîté de l’enfant, l’amour des offensés, l’humilité orgueilleuse d’une vie d’écrivain.

- La critique de l'essai d'André Job, Koltès, la rhétorique vive, par Hervé Charton.
André Job propose autour de la pièce culte de Bernard-Maris Koltès un parcours riche, mais qui laisse parfois le lecteur sur la touche.

- La critique de la biographie Bernard-Marie Koltès de Brigitte Salino, par Yan Ciret.
Une première biographie de Bernard-Marie Koltès non sans mérites mais qui ne prend pas la mesure de l'auteur et se concentre sur une image d'épinal.

Et aussi :

- La critique croisée de Hubert Gignoux, séance de travail au Vieux Colombier, et du numéro 192 de la revue Théâtre / Public consacré au découvreur de Koltès, par Gilles Costaz.
Cet ouvrage rend hommage, un an après sa mort, à un acteur majeur, bien que parfois oublié, de la décentralisation dramatique : Hubert Gignoux.

- La critique de la biographie par Colette Godard de Patrice Chéreau, Un trajet, par Hervé Charton.
De stations en stations, l'oeil critique de Patrice Chéreau sur le récit par Colette Godard de son parcours scénique et cinématographique. Beaux moments.

Sans oublier le site officiel sur Bernard-Marie Koltès.