Dans un ouvrage très accessible qui se présente sous la forme d’un dialogue entre ses filles et lui, Alain Policar cherche à déconstruire les idées reçues sur le libéralisme politique.

Dans un ouvrage très accessible qui se présente sous la forme d’un dialogue entre ses filles et lui, Alain Policar cherche à déconstruire les idées reçues sur le libéralisme politique. Il poursuit ainsi un travail commencé en 2012 avec Le libéralisme politique et son avenir (CNRS éditions).

Contrairement à d’autres, il refuse de se plier à l’injonction de ne pas séparer le libéralisme politique du libéralisme économique. La liberté dont parle la philosophie politique libérale n’est pas celle que revendique la théorie économique néoclassique.

L’auteur, au fil de brefs chapitres, dégage les principes du libéralisme et s’interroge sur ce qu’est une société libérale. Il prend soin de distinguer démocratie et libéralisme, ce qui l’autorise à considérer qu’une démocratie authentique ne peut être illibérale. Il attache au pluralisme une place décisive, tout en apportant un précieux éclairage à la question du rapport du libéralisme à la différence culturelle.

Il montre, et ce n’est pas le moins du monde secondaire, que le libéralisme politique perd sa portée émancipatrice s’il n’adjoint pas au primat de la souveraineté individuelle, les valeurs d’égalité et de solidarité.

L’attention accordée à l’égalité est inhabituelle chez les penseurs du libéralisme, mais elle doit être comprise à l’aune de sa compatibilité avec la liberté. La figure de Ronald Dworkin est, sur ce point comme sur d’autres, extrêmement présente dans cet essai, l’auteur ayant consacré un ouvrage au philosophe américain en 2015, Ronald Dworkin ou la valeur de l’égalité (CNRS éditions).

Quant à la place donnée à la solidarité, elle est nodale. Sans elle, la connivence entre libéralisme et socialisme, qui dessine un autre avenir que celui promis par la globalisation néolibérale, est privée de fondements. L’auteur se place résolument dans la filiation solidariste dont il a étudié, à travers l’une de ses figures (Célestin Bouglé. Justice et solidarité, Michalon, 2009), les principaux engagements. Il exhume également une tradition, très vive en Italie, celle du libéralsocialisme Carlo Rosselli et Guido Calogero, notamment), terme écrit d’un seul tenant dans lequel nul n’est l’adjectif et nul n’est le substantif (voir, à ce sujet, les travaux de Serge Audier).

C’est ainsi, en définitive, que le livre devient un argumentaire rigoureux en faveur de l’exigence de justice sociale. A l’aune du primat de celle-ci, le cosmopolitisme apparaît comme sa figure contemporaine. C’est ce que défendait l’auteur dans un ouvrage récent, Comment peut-on être cosmopolite ? (Le Bord de l’eau, 2018), suivi en septembre de cette année d’un livre sous sa direction, Le cosmopolitisme sauvera-t-il la démocratie ? (Classiques Garnier). L’engagement cosmopolitique, dont l’universalisme moral est une composante essentielle, est pensé dans sa relation aux fidélités particulières. On en déduit qu’il n’existe aucune incompatibilité entre ces dernières et l’appartenance première à l’humanité.

La perspective esquissée à travers ce dialogue pourrait être jugée trop optimiste. Mais Alain Policar refuse de laisser notre imagination s’enfermer dans l’alternative du réalisme et de l’irréalité : l’irréel, voire l’impossible, n’est-il pas ce qui donne couleur et sens à la réalité ?