A l’heure où le Droit est investi des demandes sociales les plus fondamentales et les plus diverses, Jacques Krynen revient sur les logiques qui l’ont produit, et qui produiront encore le Droit futur.

Avec Le théâtre juridique (Une histoire de la construction du droit), Jacques Krynen livre une somme d’histoire, mais aussi de philosophie du droit. De ce domaine désormais omniprésent dans nos vies collectives, et pourtant indistinct pour la plupart d’entre nous, il dresse une généalogie de l’Antiquité à nos jours, afin qu’au miroir du passé apparaissent plus clairement la nature et la logique propre à ce mystérieux Droit qui gouverne tant d’aspects de nos vies. Preuve incontestable de la grande qualité de ce livre magistral : on en sort vivement éclairé des enjeux et des « maladies » qui traversent ce Droit si neuf et si ancien, tout en mesurant l’ampleur des incertitudes qui pèsent sur tout projet de le réformer sans en briser la force protectrice et salutaire.

Dans cet entretien, Jacques Krynen revient sur la lente genèse de notre droit, le rôle politique de la loi, le mythe de la « séparation des pouvoirs », le rôle prépondérant dévolu aux instances européennes en matière juridique, ou encore le problème du « gouvernement des juges ».

 

Votre livre semble se présenter comme une défense de « la valeur et l’utilité du droit » contre certaines menaces que notre présent ferait peser sur lui. Or beaucoup d’entre nous n’ont qu’une idée très impressionniste de la fonction propre au droit. Pourriez-vous préciser brièvement ce qui fait son importance particulière, et les défis auxquels il est confronté de nos jours ?

Jacques Krynen – Partout résonne de nos jours l’affirmation selon laquelle « nous vivons dans un Etat de droit ». On s’interroge sur le respect des traités, la révision de la Constitution, régulièrement on invoque les lois fondatrices de la République, on en réclame de nouvelles, on découvre l’importance des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme et du Conseil d’Etat, on proteste au nom des droits nouveaux, celui des femmes, des enfants, des personnes handicapées, des sans-papiers… Ce croissant besoin de droit vient en réponse du sentiment de décomposition du lien politique et social, du déclin des valeurs et des autorités traditionnelles. Pour autant, hormis chez les juristes, en cette époque devenue juridique on ne dispose pas d’une claire vision des utilités du Droit et de son fonctionnement. Les philosophes, les historiens, les économistes, les sociologues n’en ont qu’une approche restreinte à leur domaine de recherche, les journalistes y voient surtout « de la technique », et la culture juridique de nos élus s’avère généralement fort déficiente.

Mon livre est à visée en quelque sorte pédagogique, il a la prétention de montrer comment le Droit se construit en Europe occidentale depuis l’Antiquité, de faire comprendre que la production des normes juridiques s’opère historiquement et donc nécessairement sur une scène à trois personnages : le savant (celui qui forge la doctrine, professeur ou jurisconsulte), le législateur (représentant le peuple souverain), le juge (dont les décisions peuvent faire jurisprudence, autrement dit avoir force de loi). Tant que l’on n’apercevra pas que la marche du Droit dépend inséparablement de ces trois intervenants, on se méprendra toujours sur sa capacité à relever les défis en nombre toujours plus grand dont on le charge aujourd’hui : l’harmonie politique, la paix et la justice sociales - bien sûr, ce sont là ses finalités classiques -, mais aussi les libertés individuelles et collectives, la dignité des personnes, l’égalité des sexes, la protection de la nature, le sauvetage du climat, l’encadrement des progrès scientifiques et technologiques, etc. Aucune activité, aucune invention, émotion, tragédie ne semblant plus devoir échapper à l’intervention contraignante ou sanctionnatrice du Droit, il faut que chacun comprenne que le Droit est en construction perpétuelle, qu’il ne gît pas que dans des textes (traités, conventions, chartes, règlements, directives, lois, décrets, arrêtés…), qu’il faut pour le faire vivre et progresser des savants et des juges, pas seulement des législateurs.

 

L’âge d’or de la « science du droit » (des experts de la doctrine) semble se situer dans l’Antiquité, aux quatre derniers siècles du Moyen Age et à la Renaissance, à une époque où le Droit est présenté comme un monument définitif (comme donné dans sa perfection par la Nature, par la Tradition ou par Dieu) et où le souverain se présente surtout comme celui qui doit appliquer ce droit en rendant justice. Au contraire, à l’époque contemporaine, cette « science » ne trouve plus directement sa place au sein de la trinité des pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire), définis par leur rapport au Droit. Comment expliquer ou comprendre cette évolution de la place de la doctrine ?

Du XIIe au XVIIe siècle, pratiquement partout en Europe occidentale, le droit romain (celui qui avait été codifié par Justinien 1er, empereur byzantin) est redécouvert et enseigné dans les universités. Des facultés de « droit civil » fleurissent dans toute l’Europe et forment chaque année des milliers de diplômés. Pour les professeurs et les étudiants, le droit romain figure la raison écrite (ratio scripta), la meilleure expression du droit naturel, un don de Dieu fait aux hommes qu’il suffit d’actualiser, de mettre au service des besoins contemporains. Monument définitif, certes, en ce qu’il était jugé insurpassable, ce droit antique n’en a pas moins été constamment remanié par la doctrine professorale pour en tirer des solutions nouvelles. De facture savante, il a dès le Moyen Age été exploité dans une perspective utilitaire, ce qui a fait son irrésistible attrait et sa domination sur les autres sources de juridicité (le droit coutumier, les droits locaux).

Dans les Etats et principautés d’ancien régime, tous les souverains, officiellement investis de la maîtrise de la création des normes juridiques (comme autrefois l’empereur, ils étaient censés posséder « tous les droits en leur cœur »), ont laissé parler et agir en leur nom les juristes qu’ils labellisaient et les juges qu’ils nommaient, tous formés au droit romain. Les droits occidentaux ont été ainsi bâtis sur un socle romain, une architecture romaine, une sève latine (vocabulaire, notions, catégories, divisions, règles, techniques). La publication somme toute tardive de codes nationaux (civils, pénaux, commerciaux, procéduraux…) a fait accroire à partir du XIXe siècle qu’il existait un droit français, italien, espagnol, allemand… Mais, au moment de leur confection, tous ces codes ont fait leur miel de la science juridique dispensée dans les facultés nourrissant la pratique judiciaire depuis plusieurs siècles : tous ces codes ont naturalisé ce droit romain dont Portalis reconnaissait lui-même qu’il avait « civilisé l’Europe ».

Alors quelle a été la part respective de la science romaniste des professeurs et de l’activité des juridictions dans la construction du droit en Occident ? Elle sera toujours impossible à préciser tant elle s’avère, suivant les époques et les matières, faite de complémentarités, de tensions, parfois de divorces. Il n’empêche que la doctrine a toujours scruté la jurisprudence et que la jurisprudence s’est toujours instruite de la doctrine. Avant 1789, ces interactions s’opèrent sous le regard d’un Conseil du roi d’où émane l’activité législative. Ce qui change à partir de la Révolution et du parlementarisme c’est que le législateur, incarnation de la volonté générale, se méfie du juge et n’a cure du professeur. Pour lui, tout le droit doit résider dans la Loi. Mais cette prétention au monopole de la création normative, ce légicentrisme révolutionnaire a fait fiasco, rapidement et totalement. D’abord parce la bonne application des codes ne pouvait dès leur publication se passer de l’interprétation jurisprudentielle des tribunaux. Ensuite parce qu’au XXe siècle, le législateur a vu surgir en face de lui deux nouveaux juges : le juge constitutionnel et le juge européen, lesquels lui tiennent la dragée haute. Enfin parce que, à bien y regarder, l’influence du juriste savant a continué de pointer dans l’élaboration de nombreuses lois de premier plan. Discrète ou bien visible, la doctrine sera toujours nourricière du droit.

 

En rappelant que l’invention du « Droit » à Rome a été précédée par l’invention, en Grèce, de la « Loi » – c’est-à-dire d’un mécanisme selon lequel le Politique modifie les règles en vigueur –, vous soulignez qu’en réalité, le droit a toujours été ajusté aux exigences du moment par le pouvoir politique. Peut-on dire que le présent correspond à un nouvel âge de la Loi, au sens où nous percevons désormais notre droit comme un ensemble de règles qui sont toutes susceptibles d’évoluer en fonction du rapport de force à l’instant T, et où l’attente des citoyens vis-à-vis du politique est d’abord qu’il modifie le droit par des lois ?

L’invention de la loi en Grèce ancienne, son emploi durant la Rome républicaine et son réemploi dès la fin du Moyen Age ont en effet constitué les trois grands moments historiques d’inscription du Politique dans la fabrique du droit, de son inscription au sommet puisque la Loi (nomos puis lex) a été à chaque fois pensée et promulguée en tant que norme supérieure, générale et obligatoire, apte à transformer les choses. A Athènes puis à Rome, les lois (nomoï et leges) mirent fin à un droit jusque-là oral, incertain, non-écrit, à un mos majorum dont les nobles et les pontifes étaient les interprètes exclusifs.

A partir de la Révolution, comme sous l’Antiquité, la loi, sous l’influence du rousseauisme surtout, a été sacralisée et a fait l’objet d’un culte populaire comme jamais auparavant. Après des siècles d’un absolutisme officiel propice au despotisme ministériel, l’idée qui gouverne est désormais que la représentation nationale ne saurait forger que de bonnes lois qui, nécessairement, rendront les hommes meilleurs. Dans les démocraties naissantes, tous les espoirs de régénération reposeront sur la Loi, nouvelle souveraine.

Chez nous, la IIIe République marque le triomphe de « l’Etat légal » : le Législateur (les chambres) peut alors tout. Face à lui, un simple pouvoir d’exécution de ses commandements (le pouvoir exécutif), et un simple pouvoir d’application des lois dans les procès (le pouvoir judiciaire). Cette extraordinaire confiance dans les possibilités de la Loi n’a pas tout à fait disparue. Aujourd’hui encore, à chaque ébranlement, émotion, tragédie, il est comme par réflexe répondu à coup de lois. D’où ce phénomène d’« inflation législative », que chacun dénonce, mais que personne ne corrige…

 

Le développement du rôle de la Loi à l’époque Moderne a été suivi, à partir de l’époque des Lumières, d’une exigence de séparer le « législatif » et « l’exécutif ». Dans le fond, cette séparation a-t-elle jamais été réalisée ?

La séparation des pouvoirs, née de la pensée politique des Lumières, a pris chair dans certains textes constitutionnels, mais elle n’a jamais eu lieu dans la réalité. La Constitution de 1958 a fini par faire tomber les masques en limitant le champ d’intervention du Législatif (art. 34), en permettant au gouvernement de légiférer par ordonnances (art. 38), en favorisant le gouvernement dans le déroulement de la procédure d’élaboration des lois (art. 40, 41 44, 47, 48 et 49 al.3), en permettant à l’Exécutif de légiférer via des « projets » de lois, et en lui attribuant un pouvoir réglementaire élargi (les décrets, art. 37). Si à cette amputation et à cette mise en tutelle du législateur on ajoute le fait que la loi peut être censurée par un Conseil constitutionnel avant publication ou même après (avec la QPC), donc par seulement neuf juges (qualifiés de « sages » par leurs admirateurs), le déclin du pouvoir législatif est terrible, et la chute du mythe séparatif est totale. Mais les mythes ayant la vie dure on continue d’en appeler régulièrement à Montesquieu...

 

Aujourd’hui, que reste-t-il de l’autonomie du législatif au niveau national ? Et que doit la captation du pouvoir législatif national par le gouvernement au développement d’un Législatif au niveau européen ?

Aujourd’hui ce sont les parlements nationaux et, tout autant, les gouvernements qui se retrouvent bâillonnés par les normes produites à haute dose à Bruxelles, non par un Législatif européen (le parlement européen ne légifère pas) mais par des institutions à la légitimité très faiblement démocratique (la Commission). Car dans les années qui ont suivi la seconde Guerre Mondiale, un ordre juridique supérieur a été constitué en surplomb des ordres juridiques nationaux. Parlements et gouvernements ont désormais le regard constamment tourné vers la normativité européenne qu’ils se sont engagés, par traités successifs, à respecter. Le contentieux de l’application de ces traités est confié à deux cours de justice supranationales, la Cour européenne des droits de l’homme, sise à Strasbourg, et la Cour de justice de l’Union européenne, installée à Luxembourg. Ce qui oblige ces parlements et gouvernements nationaux à fixer, aussi scrupuleusement, leur attention sur la jurisprudence des cours européennes. Leur marge de manœuvre, leur liberté de création normative s’en trouve chaque jour amoindrie.

 

Votre livre se conclut sur une affirmation assez déroutante, lorsque vous expliquez que l’abondance des normes qui caractérise le présent n’est pas un vrai problème, malgré toutes les plaintes et les alarmes qu’elle suscite. Pourquoi ces inquiétudes vous semblent-elles vaines ?

Ces inquiétudes me semblent vaines parce qu’elles ne manifestent rien de nouveau. Les plus grands esprits depuis Montaigne, comme Cicéron en son temps, ont toujours dénoncé le trop grand nombre des lois, la sophistication, le pointillisme et le désordre juridiques comme autant de plaies affectant un ordre moral et social qu’ils auraient souhaité voir conservé, pour ainsi dire, naturellement. Tout l’Ancien Régime montre l’opinion publique condamnant régulièrement (encore dans les cahiers de doléances de 1789) la confusion des ordonnances royales, les complications du droit romain, l’embrouillement des coutumes, les diversités de la jurisprudence des tribunaux. Fille du cartésianisme et de l’esprit scientifique, la Révolution française a pris en charge ces sempiternelles plaintes, elle nous a inculqué la croyance en la possibilité d’un droit essentiellement légiféré, construit comme une algèbre, d’application aisée.

Mais comment ne pas construire toujours plus de droit quand un pays s’industrialise, que s’y répand l’automobile, le transport aérien, les télécommunications, produire toujours plus de normes quand il faut rebâtir après des guerres mondiales, rapprocher les peuples, protéger la nature, pourchasser la délinquance financière nationale et internationale etc. ? Aujourd’hui que les idéaux s’assèchent, que les inventions déshumanisent, que les oligarchies gouvernent, que les mafias et la petite délinquance prospèrent, la multiplication des normes juridiques est plus naturelle et nécessaire que jamais. La complexification du droit est en proportion de celle de nos sociétés. Plaider, comme on le fait dans certains milieux et hautes institutions, une simplification du droit ne sert à rien. On ne simplifiera jamais le Droit, parce que son emballement correspond à notre histoire. Mieux vaudrait agir sur la science et la conscience professionnelle des juristes, théoriciens et praticiens, que d’imaginer possible et salutaire une simplification du droit. Eduquer les juristes de façon à ce qu’ils n’oublient pas que le droit est avant tout l’art du juste : l’ars boni et aequi, ainsi que le concevaient les jurisconsultes à Rome. Et non pas une caisse à outils.

 

En soulignant que la notion de « jurisprudence » a changé de sens et qu’elle désigne désormais les archives judiciaires plutôt que les avis des docteurs, vous posez un constat très suggestif : peut-on considérer que les juges sont désormais investis de l’expertise doctrinale qui était jadis celle des juristes conseillers du pouvoir ?

Ce qui se dégage de la jurisprudence à l’époque contemporaine, celle en tout cas des cours suprêmes – Cour de cassation, Conseil d’Etat, cours européennes – c’est une doctrine juridique constamment mise à jour au gré des contentieux et des évolutions sociales. Cette doctrine juris-dictionnelle est aussi contraignante que celle qui émanait autrefois du Conseil du roi et des cours de parlement. Il peut arriver que des cours d’appel résistent un moment aux arrêts de ces cours suprêmes, et même que ces dernières changent alors leur doctrine sur la question en cause. Mais les cas sont rares, et les cours d’appel finissent toujours par rentrer dans le rang. On peut dire que les cours suprêmes exercent ainsi une « jurisprudence législative » (F. Zénati), qu’elles forment des instances régulatrices de la vie juridique, qu’elles exercent en permanence un pouvoir normatif, un pouvoir normatif dont le politique s’inspire lui-même, nolens volens, quand il entreprend de légiférer.

 

Entre les magistrats du parquet, les juges judiciaires, les juges administratifs, etc. vous dessinez un système judiciaire en réalité très hétérogène et souvent très étroitement lié à l’exécutif. Ce lien – sinon cette dépendance – s’est-il renforcé avec le temps ?

Il y a longtemps que la justice judiciaire s’est émancipée de la tutelle du pouvoir politique. Cela a commencé en plein XIXe siècle, et aujourd’hui, réforme après réforme, les magistrats de l’ordre judiciaire sont assurés (sauf les parquetiers) d’une totale indépendance statutaire et fonctionnelle. Il en est allé différemment de la justice administrative exercée en son sommet par le Conseil d’Etat (création napoléonienne), qui a gardé jusqu’à peu, disons le milieu du XXe, les caractères d’une justice exercée par l’Administration elle-même, donc en lien avec les valeurs et les rouages du pouvoir exécutif. Les professeurs de droit administratif ont tendance à encenser le libéralisme juridique manifesté par le Conseil d’Etat depuis la Troisième République, à louer sa jurisprudence tendue vers la conciliation des intérêts de la puissance publique et la défense des administrés. Mais tout ce qu’a produit le Conseil d’Etat de favorable au citoyen, le juge judiciaire aurait pu le faire plus vite et aussi bien, si ce n’est mieux.

 

Vous expliquez longuement combien « l’équité » a longtemps été un ressort essentiel de l’activité propre au juge : de l’Antiquité à nos jours, le juge est-il d’abord un négociateur entre la dureté de la loi et les exigences de la morale ?

C’est en tout cas ce qu’il doit être, un tiers impartial (les Romains disaient un « prêtre de la justice ») qui adapte la norme à la personne jugée et à la particularité du cas afin que son jugement soit humainement et socialement acceptable. Bien entendu, il faut regarder l’équité avec circonspection. Elle peut servir de prétexte à la subjectivité ou à la partialité du juge. Elle peut contrecarrer les commandements de la loi, c’est pourquoi l’on fit tout, à l’époque révolutionnaire, pour lui barrer la route. Mais comment un juge ne redouterait-il pas de prononcer un jugement inique ? Les glossateurs du Moyen Age expliquaient clairement les choses. Elle est, disaient-ils, la mère (mater), l’origine (origo), la source (fons) de la justice ; en empruntant à Aristote, ils disaient même que l’équitait était la vraie justice (vera justitia). Pour eux, le Droit était tendu vers la Justice, laquelle avait son siège dans l’Equité.

 

Finalement, d’après vous, le « gouvernement des juges » s’impose-t-il bien comme l’une des « maladies » de notre démocratie ?

Il ne faut pas se voiler la face. Je l’ai montré dans un livre précédent (L’Etat de justice, France, XIIIe-XXe siècle, Gallimard, 2 vol. 2009 et 2012), le « gouvernement des juges » a toujours existé (excepté chez nous un temps très court, entre 1789 et 1799). Seul un régime totalitaire peut l’empêcher. Il faudrait donc faire en sorte que les rôles et responsabilités immenses des juges soient aujourd’hui mis en accord avec le principe fondamental de représentativité. Juger « au nom du peuple français » nécessite un mandat suffisamment populaire. Comment concilier compétence, indépendance et désignation élective des juges ? Il nous paraît qu’il y urgence à résoudre cette question, sauf à voir s’effondrer l’autorité de la justice, comme celle des autres pouvoirs.

 

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