La remise en question de nombreuses thèses de l’économie libérale incite à rouvrir de nombreuses questions, et à suggérer quelques pistes…

« Economie : on n’a pas tout essayé ! », son titre pourrait laisser croire que ce livre dit quoi faire. Il adopte toutefois plutôt une position critique, qu’on pourrait résumer d’une autre phrase : on sait maintenant ce qui ne marche pas !

Gilles Raveaud, maître de conférences en économie à l’université Paris 8-Saint Denis, résume dans ce livre les objections faites aux théories de l’économie libérale, avant d’en prendre le contrepied. Ces objections ont acquis, il est vrai, une plus forte visibilité ces derniers temps, en étant notamment plus souvent partagées par des économistes réputés (en particulier depuis la publication du livre de T. Piketty), mais sans doute pas au point de supplanter celles-ci, comme il voudrait nous le faire accroire (« La citadelle vacille »).

 

Oublier l’Union européenne

Cet examen, plus ou moins approfondi selon le thème, conduit ainsi l’auteur à recommander en premier lieu de refuser le libre-échange pour réguler les échanges internationaux et, en particulier, de refuser les traités visant à libéraliser les échanges et les investissements lorsque ceux-ci ne prennent pas en compte les conditions sociales et environnementales. Il propose de la même manière de réguler la finance pour la mettre au service de l’économie et donc notamment d’encadrer l’activité des banques, de contrôler les mouvements de capitaux et de lutter contre la fraude fiscale.

Il suggère également d’abandonner les politiques centrées sur la concurrence et l’austérité, où l’Union européenne s’est particulièrement illustrée, notamment avec le Pacte budgétaire signé en 2012 dans lequel les Etats se sont engagés à ramener leur dette publique en vingt ans à 60 % du PIB au maximum. Il explique ne pas croire qu’une majorité pourrait être trouvée à court terme pour faire évoluer la gouvernance et les orientations de l’Union européenne, mais soutient que la France pourrait tout à fait ne pas en tenir compte et mener, au plan national, une politique progressiste et écologique.

Le lecteur aura peut-être un peu de mal à le suivre sur ce terrain. Il faudrait ici a minima considérer le détail des mesures envisagées et les réponses que celles-ci pourraient s’attirer de la part de nos partenaires, et s’assurer des moyens de les financer. Il est vrai que l’auteur prend soin d’indiquer qu’il recommande un retour rapide à l’équilibre budgétaire qui devrait être obtenu en accroissant la fiscalité par la suppression des niches fiscales, la lutte contre la fraude et un alourdissement de la fiscalité sur les hauts revenus et le patrimoine. Il réserve l’augmentation de l’endettement public au financement de la transition écologique.

 

Investir pour le futur

Gilles Raveaud appelle à soutenir l’industrie par des subventions et des investissements publics et à renouer avec la planification, sans en donner la méthode toutefois. Il recommande de même de rompre avec l’austérité salariale, et donc de favoriser l’augmentation des salaires pour soutenir la consommation ; ce que Patrick Artus et Marie-Paule Virard proposaient également dans leur dernier ouvrage. Mais aussi de partager le travail pour réduire le chômage, Raveaud expliquant que le plein-emploi n’existe plus nulle part si l’on considère et compare les pays selon le taux d’emploi ramené en équivalent temps plein. La croissance de l’activité s’accompagne toujours d’un accroissement de la productivité qui vient réduire les emplois correspondants, si bien que la croissance ne crée pas d’emplois à long terme. L’auteur rappelle également la proposition d’Anthony Atkinson d’offrir à toute personne au chômage un poste à temps plein, payé au salaire minimum, dans un organisme public ou une institution à but non lucratif pour répondre à des besoins non satisfaits et l’expérimentation en cours en France, à petite échelle, « Territoires zéro chômeur de longue durée ».

L’auteur plaide également en faveur de la réduction des inégalités, qui est peut-être le sujet sur lequel les avis ont le plus évolué ces dernières années au sein de la communauté des économistes, qui conviendraient sans doute aujourd’hui majoritairement que celles-ci posent de sérieux problèmes, et également contre les discriminations. Il conclut sur la nécessité de renoncer à la croissance dans le cadre de la transition écologique, qui ne pourra pas se faire sans cela, tout en notant que celle-ci devrait permettre de créer des emplois.

Le dernier chapitre développe encore trois thèmes que l’auteur juge alors essentiels : l’école, pour apprendre aux élèves à coopérer, la planification économique, avec laquelle il explique qu’il faut renouer, sans être beaucoup plus explicite que lorsqu’il l’avait abordée plus haut sur la méthode qui permettrait de garantir à celle-ci au moins une certaine efficacité, et la démocratie au travail, sans laquelle il n’y aura pas de progrès de la démocratie tout court. Sur ce dernier point, il rejoint l’ouvrage de T. Coutrot qui l’a précédé dans la même série.

 

Bien écrit et très agréable à lire, l’ouvrage peine tout de même à nous faire partager son optimisme. Si l’échec d’un modèle permet en effet souvent de rouvrir de nombreuses questions, il est rare qu’il procure de lui-même une alternative viable, et c’est pourtant de cela dont nous aurions besoin d’être convaincus.