Plongée dans la vie quotidienne de la population française durant 14-18, « La Grande Guerre des civils » permet de mieux comprendre l'engagement et le rôle de chacun à l'arrière durant le conflit.

La Grande Guerre des civils d'Eric Alary est paru initialement en 2013. Il sort en 2018 en format poche, dans la collection « Tempus », dans une version revue et augmentée. Dans l'introduction de cette nouvelle version, Eric Alary, professeur en classes préparatoires à Tours, note d'ailleurs que « depuis la première édition en 2013, de nouveaux témoignages et de nouveaux essais ont permis d'enrichir notre propre enquête, autorisant de nouvelles comparaisons entre des situations locales ». Il est vrai que depuis la sortie du livre, le Centenaire de la Première Guerre mondiale a lieu. Dans son sillage, il a entraîné une augmentation conséquente de la production historique sur le sujet, surtout en 2013 et 2014.

Cette parution en poche est d'ailleurs l'occasion de marquer la fin du Centenaire pour cet ouvrage grand public qui a le mérite de bien résumer différents aspects de l'arrière durant le conflit tout en présentant les dernières avancées historiographiques. Sur ce même sujet vient d'ailleurs de sortir Fronts intérieurs européens, l'arrière en guerre (1914-1920), sous la direction de Laurent Dornel et Stéphane Le Bras   , sur lequel nous reviendrons dans une prochaine critique. La Grande Guerre des civils est un ouvrage généraliste centré sur l'organisation de la vie dans l'arrière en France durant la Grande Guerre. D'une écriture alerte et intelligible, Eric Alary propose un ouvrage documenté qui permet une première approche pour le grand public et les étudiants désireux de comprendre cette facette du premier conflit mondial.

 

Les premiers temps de la guerre

La Grande Guerre des civils est un ouvrage organisé de façon chronologique, ce qui a l'intérêt de ne pas perdre le lecteur dans d'incessants va-et-vient. Les douze chapitres ne sont toutefois pas répartis équitablement sur la durée de la guerre puisque cinq d'entre eux traitent des débuts du conflit et un seul parle de la fin des combats et de l'après-guerre. Ainsi, le propos d'Eric Alary n'est pas d'analyser les changements sociétaux survenus dans les années 1920 à la suite de la Première Guerre mondiale.

Son analyse débute sur la mobilisation des hommes, sans trancher sur le débat qui a eu lieu il y a quelques années entre le CRID 14-18   et l'Historial de Péronne sur les notions de contrainte et de consentement. Eric Alary rend tout à fait compte des avancées historiographiques actuelles sur ce thème qui prônent plutôt un « entre-deux ».

De nombreuses notions sont abordées : la mobilisation des hommes (au front et dans les usines), mais aussi des femmes à l'arrière, les embusqués, etc. A partir des travaux de Philippe Nivet   qu'il cite abondamment, Eric Alary reprend le destin des réfugiés des territoires du nord de la France et de la Belgique envahis, tout en évoquant les « atrocités allemandes » dans ces territoires lors de l'invasion, en reprenant les travaux des historiens anglo-saxons John Horne et Alan Kramer   . Il ne s'agit pas ici d'un travail approfondi sur tous ces thèmes mais plutôt d'une évocation par Eric Alary qui renvoie, en bibliographie aux travaux des spécialistes sur les questions évoquées.

Dans la même lignée, Alary évoque l'occupation allemande dans le nord de la France. Là aussi, il se base essentiellement sur l'analyse de Philippe Nivet   : les principaux points sont évoqués mais de façon générale. Ceux qui voudront approfondir se tourneront vers les travaux de Jean-François Condette (La Guerre des cartables, Presses Universitaires du Septentrion), Xavier Boniface (Diocèses en guerre, Presses Universitaires du Septentrion), Emmanuel Debruyne (Femmes à Boches, Belles Lettres) ou encore James Connolly (En territoire ennemi, Presses Universitaires du Septentrion).

 

Une analyse pertinente de la vie sociale et culturelle de l'arrière entre 1914 et 1918

La majeure partie de La Grande Guerre des civils traite, comme on peut s'y attendre avec un tel titre, de la vie sociale et culturelle des civils à l'arrière. Là encore, sans apporter de réelle nouveauté, Eric Alary présente parfaitement l'avancée de la recherche historique actuelle sur ces thèmes. La partie sur la vie intime est parfaitement traitée, à partir d'exemples clairs : on comprend parfaitement les attentes des soldats au front, mais aussi des femmes à l'arrière, que ce soit le manque sexuel ou même le soupçon d'adultère qui peut planer dans certains cas. Dans la veine des travaux proposés par Clémentine Vidal-Naquet (Couples dans la Grande Guerre, Belles Lettres), cette partie est très intéressante et novatrice.

Les autres parties intitulées « Une société recomposée », « Oublier la guerre » et « De guerre lasse » traitent de la natalité pendant la guerre, mais aussi des distractions pendant le conflit ou encore des grèves qui ont touché le pays à partir de 1917. Elles sont plus classiques, mais néanmoins très bien synthétisées par Eric Alary.

La Grande Guerre des civils offre donc un bonne entrée générale sur la vie à l'arrière pendant 14-18.