De Judas Priest à Converge : la prog' du Hellfest 2018 en 10 clips cultes

Le plus improbable

JUDAS PRIEST – Breaking the Law (Julian Temple, 1980)

Au tournant des décennies 1970 et 1980, alors que MTV n’existe pas encore, certains groupes anglais ont déjà l’habitude de tourner des vidéos promotionnelles. Destinées à des diffusions éparses et/ou confidentielles, ces proto-clips rapidement conçus, tournés et montés, ont vocation à accompagner la période de sortie d’un album, puis à disparaître à tout jamais dans les limbes de l’oubli. C’était sans compter sur l’explosion fabuleuse de MTV dans les années 80-90, puis sur l’archive virtuelle Youtube qui, à partir des années 2000, met à disposition des internautes la quasi-totalité de la production clipée depuis ses origines. Eussent-ils connu ce développement inattendu du média, les membres de Judas Priest et le réalisateur Julian Temple auraient-ils, en 1980, conçu le clip de Breaking the Law de la même façon ? Pas certain… Il faut avouer que la pertinence du concept consistant à montrer les membres du groupe en train de braquer une banque en tenant en joue les personnes présentes à l’aide du manche de leurs guitares (!) avait de quoi laisser sceptique, et que cette idée n’aurait probablement pas résisté longtemps à un examen approfondi, à jeun, si on le lui avait accordé à l’époque. Mais, pour le pire comme pour le meilleur la voici effectivement déployée sur l’écran, et on ne peut pas reprocher à la bande menée par Rob Halford de ne pas avoir joué le jeu à fond pour décrocher son précieux butin, sous la forme d’un disque d’or pour l’album « British Steel » (que l’on peut aussi entendre comme : « British steal », du coup). Davantage comédiens que musiciens en la circonstance, ces entertainers dévoués adoptent avec un professionnalisme inébranlable les poses les plus ridicules prévues par leur feuille de route, dévalisant un décor de banque tout droit sorti d’un sketch des Monty Python, puis s’en repartent triomphalement au volant d’une grosse décapotable américaine, en essaimant aux quatre vents leur riff brise-nuque en power chords et leur refrain martial de mauvais citoyens : « Breaking the law, breaking the law ! ». Le tout en deux minutes trente, montre en main… Oui, à l’époque de « British Steel », il s’agissait aussi pour le groupe de composer des morceaux plus courts que sur leurs précédents albums, afin de « braquer »… les radios !

Vendredi 22 juin - Main Stage 1 - 23h25

 

 

Le plus cinéphile

IRON MAIDEN – The Number of the Beast (David Mallet, 1982)

De la riche production vidéo résultant de la collaboration entre Iron Maiden et le réalisateur David Mallet (par ailleurs auteur de clips fameux pour Queen ou David Bowie) au début des années 80, on retiendra surtout celui-ci. Structuré par un montage alterné entre, d’un côté, des extraits de classiques plus ou moins bis du film fantastique, et de l’autre, des prises de vue du groupe en train d’interpréter son morceau en playback sur une scène reconstituée et stylisée, le clip avance tambour battant, au rythme épique de l’hymne de la New Wave of British Heavy Metal qu’il est chargé d’illustrer. On navigue ainsi entre des images filmiques en noir et blanc, comme surgies du fond des âges, qui font appel à la mémoire cinéphilique du spectateur (on y croise aussi bien Nosferatu que Godzilla, le Loup-Garou que le Teenage Frankenstein, etc.), et des images en couleurs du groupe dans son environnement de lumières et de fumées, qui permettent d’apprécier le jeu virtuose des instrumentistes – ainsi que les fameuses poses « jambes arquées » de Bruce Dickinson, qui venait à l’époque d’intégrer le groupe. Même les tentatives loufoques pour mélanger les deux univers, en introduisant des comédiens grimés sur scène, ne nuisent pas à la cohérence de l’expérience proposée par The Number of the beast : celle d’un rapport à la fois sincère et distancié, tout autant fasciné qu’amusé, avec les codes de l’occulte dans la culture occidentale. « Satan’s work is done ! »

Dimanche 24 juin - Main Stage 2 - 20h30

 

 

Le plus pyrotechnique

ALICE IN CHAINS – Them Bones (Rocky Schenck, 1992)

Au tournant des décennies 80 et 90, en plein triomphe de MTV, le secteur du clip connaît une période particulièrement fastueuse en termes de budgets de production, qui culminera notamment avec les sept millions de dollars dilapidés dépensés pour le tournage du clip de Michael & Janet Jackson, Scream. Avec Them Bones d’Alice In Chains, on est loin de ces chiffres astronomiques, mais on est au moins sûr d’une chose, c’est que le tournage de cette vidéo a bénéficié d’un matériel lourd, type cinéma. En témoigne l’usage particulièrement insistant que le réalisateur Rocky Schenck effectue de la Louma, ce bras articulé virevoltant sur lequel est posé la caméra, pour filmer la performance scénique du groupe le plus sombre et violent de la vague grunge issue de Seattle. L’effet produit est révélateur de la dimension pyrotechnique que peuvent s’autoriser les clips dans la mesure où ils constituent une forme brève destinée au petit écran de la télévision. Essayez d’imaginer le même type de mise en scène sur grand écran et sur toute la durée d’un long métrage, et vous obtenez un film de Baz Luhrmann vous vous sentez déjà un peu nauséeux… Mais sur format court (2.30), et pour accompagner les harmonies abrasives et décadentes de Them Bones, ça se passe mieux, surtout lorsque le montage introduit pour nous des respirations bienvenues, sous la forme d’un grand trip animalier plaçant le groupe (et son regretté chanteur de l’époque, Layle Staley, charismatique white trash aux yeux révulsés) en confrontation avec tout un bestiaire de prédateurs naturels. On ne pouvait concevoir meilleur écrin pour cette chanson noire et intense, qui ouvre en beauté (le départ, avec le riff sur les deux premières mesures, puis le break, puis les gémissements de Staley, « Aahaah / Aahaah » : bienvenue !) l’album « Dirt », pièce maîtresse des musiques hard & heavy des années 90.

Dimanche 24 juin - Main Stage 2 - 22h35

 

 

Le plus abstrait

MARILYN MANSON – Cryptorchid (E. Elias Merhige, 1996)

Quoiqu’on pense, sur le plan musical, de l’œuvre de Marilyn Manson, on ne peut pas lui reprocher de négliger la dimension visuelle de ses clips, essentielle pour la construction et l’évolution de sa persona de star négative de l’Amérique. A cet égard, on aurait pu faire figurer ici les vidéos perturbantes qu’ont tourné pour lui des réalisatrices aussi réputées que Floria Sigismondi (Beautiful People, Tourniquet) et Asia Argento (Saint). Mais l’originalité profonde du clip de Cryptorchid, réalisé par E. Elias Merhige (futur auteur de La Marque du vampire) a aussi de quoi retenir l’attention. Merhige reprend ici, en mode found footage, des images de son film d’horreur culte de 1991, Begotten (qui a d’ailleurs lui-même inspiré Manson pour la composition de l’album-concept « Antichrist Superstar », dont est tiré le titre Cryptorchid). Mais il les retravaille dans le sens de l’effacement des motifs, sans aucun souci pour une quelconque progression narrative, et les exploite ainsi pour leur potentiel d’abstraction. Le résultat, c’est un clip qui consiste avant tout en une inquiétante évolution de formes sombres sur la surface de l’écran,  en accord avec une chanson minimale et planante, petite comptine désespérée avec ses chœurs enfantins passés au vocoder (« Prick your finger it is done / The moon has now eclipsed the sun… »), à mille lieux des habituels tubes indus-rock tonitruants de Manson. Cette courte vidéo dédiée à la contemplation d’un « paysage d’images » sordide et désolé invite donc ouvertement à l’introspection : à peine figurative (Manson lui-même n’y apparaît qu’une fois, furtivement), elle laisse en effet une part importante à l’imagination du spectateur pour « terminer » l’œuvre, en projetant sur elle ses propres ténèbres intérieures.

Dimanche 24 juin - Main Stage 2 - 01h05

 

 

Le plus aquatique

DEFTONES – My Own Summer (Dean Karr, 1997)

Etant donné le nombre élevé de clips qui adoptent la formule consistant à montrer l’artiste musical en train d’interpréter son morceau en play-back, il vaut mieux, pour retenir l’attention, penser à placer ledit artiste dans un décor original. A peine sorti du clip bien glauque qu’il vient de tourner pour Marilyn Manson (Sweet Dreams, 1996), Dean Karr a justement une proposition à faire aux Deftones pour la vidéo du premier single de leur album « Around the fur » : cette proposition consiste à interpréter leur morceau My Own Summer en étant juchés sur des flotteurs au-dessus d’une cage servant à appâter les grands requins blancs. Dit comme cela, il y avait de quoi hésiter… Mais Chino Moreno et ses acolytes se sont exécutés, et grâce à un montage rapide et emballant de plans tremblés, les images des musiciens à la surface (en fait tournées sur un lac de Californie) et celles des requins sous l’eau (provenant, on s’en doute, d’autres endroits du globe) se mélangent dans le cerveau du spectateur, à tel point qu’il est aisé, à la première vision, de se laisser aller à croire aux effets de co-présence entre le groupe et le Grand Blanc. Par effet de contagion, le rouge sanguin envahit le bleu de la mer, et la sauvagerie de la nature transcende un morceau déjà bien efficace et groovy à l’origine. Riff lourd et puissant (le Smoke on the water de la génération neo-metal), chant alternant entre les chuchotements et les hurlements, basse bondissante (tenue par le regretté Chi Cheng qui trempe ici négligemment ses pieds dans l’eau), batterie quasi funk… Et voici le groupe Deftones qui passe de ses flotteurs instables aux sommets des charts de l’an 1997 – bien aidé également par sa participation à la BO du premier Matrix.

Samedi 23 juin - Main Stage 1 - 21h05

 

 

Le plus cinétique

KORN (JONATHAN DAVIES) – Freak on a leash (Jonathan Dayton & Valérie Faris, 1998)

En tant que forme visuelle portée par la musique, un clip vidéo est avant tout conçu pour développer une trajectoire sensorielle, faite d’énergies, de rythmes, de mouvements… Ce qui compte, c’est moins le contenu que l’expérience esthétique. Cela, les époux Jonathan Dayton et Valérie Faris l’ont bien compris, et avant de rafler une moisson de prix avec leur film indé Little Miss Sunshine (2006), ils ont eu le temps d’inonder MTV de clips originaux et accrocheurs – on leur doit notamment la vidéo, en forme de faux jeu vidéo, du Californication des Red Hot Chili Peppers (2000). Avec sa balle de revolver inarrêtable, qui traverse, d’un lieu à l’autre, toutes les couches de la société américaine, frôlant au passage plusieurs corps d’enfants, Freak on a leash (réalisé en collaboration avec Todd McFarlane, l’auteur de la pochette de l’album « Follow the leader », dont est issue la chanson) constitue de loin leur travail le plus dérangeant. Mais quelle dynamique ! Du verre de lait qui explose sur l’entrée de guitare à 2.00, à la danse tribale et borborygmique (« Boom na da mmm dum na ema… ») de Jonathan Davies avec le projectile apprivoisé, en passant par le retour à l’envoyeur dudit projectile (« Goooo ! » à 3.00)…, le clip offre une ribambelle de hooks visuels hyper-entraînants à cet hymne du mal-être adolescent porté par sa basse slappée et son énorme riff final.

Samedi 23 juin - Main Stage 1 - 16h55

 

 

Le plus économique

MESHUGGAH – New Millennium Cyanide Christ (autoproduit, 1998)

Il y a vingt ans, le groupe suédois Meshuggah n’était pas encore la référence incontournable du metal extrême qu’il est devenu depuis. Mais il venait de sortir « Chaosphere », un album aux compositions polyrythmiques avant-gardistes, qui a quasiment inventé un style à lui tout seul, en marquant au fer rouge un grand nombre de musiciens (notamment au sein de l’actuelle vague djent). En 1998, pas forcément très riches, ni très investis dans la culture MTV, les membres du groupe sont contraints par leur label de tourner une vidéo, ce qui n’est pas forcément la chose que l’on préfère faire lorsqu’on joue du death metal. Ils décident alors de jouer à fond la carte amateur low-fi, en profitant d’un trajet en van entre deux dates de leur tournée pour filmer eux-mêmes cet hilarant petit intermède en mode air-guitar, qui mine de rien, est tout de même monté avec suffisamment d’attention pour retranscrire fidèlement à l’image l’énergie unique du morceau New Millenium Cyanide Christ (pour les raccords lumière entre la nuit et le jour, en revanche on repassera). Nul besoin en effet que les musiciens aient en mains de véritables instruments pour que le clip remplisse pleinement sa fonction de guide visuel pour l’écoute : si vous trouvez le morceau musical trop froid, complexe et dissonant au premier abord, et que vous avez du mal à l’apprivoiser, il vous suffit de visionner ce clip qui vous explique très bien comment la composition se structure, sur quels patterns différents évoluent respectivement le batteur et les guitaristes – tout en redoublant à l’image la puissance terrassante du riffing, des solos, des breaks, et des vocaux hurlés de Jens Kidman (« Here to redeem all from liiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiies »). Au-delà de son aspect didactique, cette vidéo a également le mérite d’exposer crûment l’artifice sur lequel est construit le média en général : un clip, par définition, même si l’on y voit des instruments manipulés par les musiciens, cela reste du play-back (à de très rares exceptions près, voir le clip d'Origin ci-dessous). Au moins ici, le spectateur est rendu conscient de cette dimension, et il peut en outre savourer le décalage entre, d’un côté la radicalité de la musique, et de l’autre l’humour distancié des membres du groupe qui, sérieux comme le cancer, « performent » à mains nues avec une précision extrême, en headbanguant furieusement dans l’espace vide d’un camping-car.

Vendredi 22 juin - Main Stage 2 - 17h40

 

 

Le plus honnête

ORIGIN – The Aftermath (Rich « Bebo » Abraham, 2008)

Dans le brutal death metal, on a des principes et on ne triche pas. Le soir de 2008 où le groupe Origin enregistre en son direct le clip de son morceau The Aftermath (tiré du bel album « Antithesis ») à Philadelphie, l’audience est plutôt clairsemée. A la limite, il y a quasiment plus de personnes sur scène que dans la salle. Qu’à cela ne tienne, on tourne quand même ! Du coup, on retrouvera certes un peu moins de plans sur la foule en délire que dans les grands classiques de clips live réalisés par Wayne Isham pour Bon Jovi (You give love a bad name) et Def Leppard (Pour sugar on me) dans les années 80 – mais il est vrai que la musique d’Origin est un tantinet plus violente, me direz-vous. Des plans sur le public, il en reste cependant suffisamment pour constater la belle énergie collective que suscite l’exécution sur scène de ce death ultra rapide, dense et technique. A cet égard, si le chant de James Lee (depuis remplacé par James Keyser) est un peu sous-mixé lors de la captation, le clip de Rich « Bebo » Abraham permet d’admirer de près un prodigieux enchaînement de prouesses instrumentales, du tapping à la basse de Mike Flores aux blasts robotiques de John Longstreth, en passant par les riffs sweepés de Paul Ryan. Pas de temps morts pour les musiciens qui vont au charbon sans discontinuer, et de nombreuses sources d’émerveillement pour l’auditeur, qui se prend mandale sur mandale durant quatre minutes de folie.

Vendredi 22 juin - Altar Stage - 16h00

 

 

Le plus conceptuel

JESSICA93 – Poison (autoproduit, 2013)

Cela aurait pu être « le plus économique » si notre sélection n’avait pas également intégré le clip de Meshuggah. Car le clip Poison du Français Jessica93, avec son budget pharaonique de 8,50 euros (= un salade-tomate-oignon + un supplément frites + une boisson), reste un blockbuster en comparaison de celui de New Millenium Cyanide Christ. En revanche son tournage a dû être assez rapide puisqu’il n’y a en tout et pour tout qu’un plan fixe de 6 minutes sur l’artiste en train de s’envoyer un kebab (on espère pour lui qu’il n’a pas été contraint de faire plusieurs prises). A l’échelle de la forme brève du clip, il y a là quelque chose d’assez warholien (voir le film Sleep de 1964, qui consiste en un plan fixe de cinq heures sur un homme endormi). Mais concrètement, dès lors que vous comprenez que ce type en train de manger un sandwich est tout ce que vous verrez dans la vidéo, que se passe-t-il ? Beaucoup de choses, potentiellement. Vous pourrez par exemple vous dire que ça vous suffit, que vous avez saisi l’idée, et aller étendre votre lessive tout en laissant cet excellent morceau de cold wave se dérouler jusqu’au bout, en revenant éventuellement à la fin pour vérifier si l’artiste a au moins eu le temps de terminer ses frites (après tout, Warhol lui-même ne recommandait-il pas à ses spectateurs de sortir de la projection de ses films, d’aller faire leurs courses ou leur lessive, puis de revenir plus tard la salle ?). Ou alors vous pouvez décider de vivre l’expérience jusqu’au bout, et consacrer six minutes entières de votre vie à la contemplation de cette action minimale. Vous verrez alors s’ouvrir devant vous un monde inédit, dans lequel les sources du spectaculaire se renouvelleront de façon radicale : est-ce que Jessica93 parviendra à finir son kebab en un temps si réduit ? Voilà un enjeu dramaturgique susceptible de vous tenir en haleine, d’autant plus qu’il est accompagné de péripéties diverses : à 1 minute 20, l’artiste garde un peu de mayonnaise au coin des lèvres, s’en rendra-t-il compte avant la fin de la vidéo ? Le titre de la chanson, Poison, désigne-t-il indirectement l’apport calorique pathogène des sandwiches grecs ? Un univers entier de questions s’ouvre ainsi devant nous… Par ailleurs, en visionnant ce clip dans son intégralité, il est probable que vous soyez conduit à remettre en question votre propre position de spectateur : « qu’est-ce que je fais là ? », « pourquoi est-ce que je regarde ça ? », « ma vie est-elle à ce point vide de sens ? », sont des questions que votre esprit aura ainsi tout le temps de formuler. Ce n’est pas rien, et vous pouvez être reconnaissant à cette vidéo de vous amener progressivement à une réflexion sur votre rapport aux images dans le monde numérique. Ce clip vous ouvre en effet un accès vers la vérité de votre condition : il vous expose crûment ce que vous faites une bonne partie de la journée, tous les jours de votre vie, quand vous regardez passer sur vos écrans des images certes un petit peu plus « divertissantes » que celle-ci au premier abord, mais au fond pas beaucoup plus essentielles, tout cela pour vous occuper l’esprit et éviter de vous confronter aux insuffisances de votre vie et à la réalité de votre mort prochaine et inéluctable. Ce n’est pas rien, et cela nous prépare au dernier vidéoclip de cette série.

Samedi 23 juin - Valley Stage - 12h50

 

 

Le plus tragique

CONVERGE – All we love we leave behind (Craig Murray, 2014)

En vingt ans d’une carrière impeccable, jalonnée de disques majeurs, le groupe de Jacob Bannon et Kurt Ballou a affiné un style singulier, mêlant la technicité et les recherches harmoniques du metal à l’énergie furieuse et fraternelle du hardcore. Le résultat, c'est une musique violente et directe, très mature au niveau des thèmes abordés, et en même temps pleine de surprises, d'idées de composition étonnantes, qui communique un puissant sentiment d'urgence et de nécessité. On retrouve dans certains des clips du groupe ce sentiment mêlé d’incarnation (lié à l’exécution imparable des instrumentistes) et de pathos (lié au chant écorché de Bannon), associé à une bande-image très travaillée, en forme de grand trip métaphorico-philosophique. C’est notamment le cas de la vidéo de All we love we leave behind, morceau-titre du flamboyant album éponyme sorti par les Bostoniens en 2014, pour laquelle le réalisateur Craig Murray mobilise le potentiel sublime (au sens burkien) d’un paysage en extérieurs naturels et l’expressivité doloriste d’un montage faisant un large usage des variations de vitesse de l’image et des incrustations, pour conter l’odyssée malheureuse d’un homme qui, ayant fait l’expérience ponctuelle de la perte d’un être cher (en l’occurrence son chien, mais eh, qui sommes-nous pour juger ?), voit s’entrouvrir dans son âme l’idée d’une perte encore plus grande, celle qui nous attend tous et qui nous contraindra à tout abandonner : « All ! we love ! we leave ! behind ! ». Pas besoin de faire un dessin : entre densité existentielle et puissance cathartique, toute la violence et la sincérité du metal en tant que forme musicale sont ici synthétisées. Avant de l’être à nouveau, live, sur les scènes du Hellfest à partir du 22 juin prochain.

Vendredi 22 juin - Main Stage 2 - 16h00

 

 

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