Les individus présents sur le territoire national sans détenir la nationalité française doivent-ils pouvoir voter aux différents scrutins de la République ? La question du « droit de vote des étrangers », posée à voix haute en 2012, sera-t-elle la question sociétale de 2017 ? Ce second volet des « Débats publics » (*) tente d’en identifier les grands enjeux, et les positions de ceux qui se sont prononcé à son sujet.

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En France, depuis 1998   , les étrangers en provenance des pays de l’Union européenne ont le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales et européennes. Ils ne peuvent cependant pas devenir maire ou adjoint, ni participer aux élections sénatoriales. En revanche, les étrangers extra-communautaires (issus d’un pays qui n’est pas membre de l’Union européenne) n’ont pas le droit de vote. En 2011, on estimait qu’ils étaient 2,3 millions d'étrangers non européens majeurs résident en France, dont 1,8 million depuis plus de cinq ans.

 

UN VIEUX DEBAT

 

1. Nationalité ou citoyenneté ?

 

Au cœur du débat sur le droit de vote des étrangers, il y a la question du lien qui unit nationalité et citoyenneté.

– La nationalité (dont le nom renvoie à la « nation », donc à la « naissance ») désigne le lien juridique et politique qui rattache un individu à un État souverain, que les membres participent ou non à la vie politique. Au contraire la citoyenneté (dont le nom renvoie à la cité), désigne la qualité d’un membre d’une communauté politique organisée, dans laquelle chacun prend part au pouvoir.

– En d'autres termes, tous les nationaux ne sont pas citoyens : ainsi des mineurs, des personnes sous tutelle, des personnes déchues de leurs droits politiques, etc.

 

Cette qualité est inventée par les cités grecques dans l’Antiquité et se fonde sur le principe d’équité : tous les citoyens sont égaux devant la loi, et ont le droit de prendre part aux décisions politiques (sauf les femmes, les esclaves et, précisément, les étrangers).

– Dans les démocraties contemporaines, au contraire des régimes monarchiques et dictatoriaux, la citoyenneté est donc en premier lieu le principe fondateur de la légitimité politique. Le citoyen, celui qui participe à la vie publique, est le détenteur et l’acteur de la souveraineté politique.

– C’est pourquoi le droit de vote représente le privilège du citoyen, et le symbole le plus fort de la citoyenneté. Comme le rappelle la sociologue Dominique Schnapper : « En proclamant la souveraineté du citoyen, les révolutionnaires français posent un principe de transcendance des particularismes. (...) Ce qui fonde la citoyenneté, c'est l'opposition entre les spécificités de l'homme privé, membre de la société civile, et l'universalisme du citoyen » car les citoyens cessent d'être des individus concrets pour agir dans l'espace public en tant que citoyens.

 

Les rapports entre citoyenneté et appartenance nationale ont varié au cours de l'histoire de la République :

– La question de l'extension de la citoyenneté et du droit de vote a été au coeur de la définition du projet républicain, à l'époque révolutionnaire. La Constitution de 1793, qui proclamait un droit de citoyenneté distinct de la nationalité, n’a jamais été appliquée. En 1795, l’article 3 de la nouvelle Constitution déclare que : « Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques ». Quoique proches, « nationalité » et « citoyenneté » ne se confondent pas.  

– Jusqu'à aujourd'hui, la nationalité française est donc une condition nécessaire - mais pas suffisante - de l’acquisition de la citoyenneté. L'historien Patrick Weil rappelle ainsi que tout au long du XXe siècle, les débats récurrents sur l'ouverture du corps des citoyens aux étrangers ont pris la forme de débats sur les conditions d'attribution de la nationalité.


2. Actualité du droit de vote des étrangers

 

Un droit déjà en vigueur dans plusieurs démocraties occidentales

 

Le droit de vote des étrangers non communautaires n’est pas inhabituel dans les démocraties occidentales :

– C'est d'abord le cas dans les anciens empires coloniaux : en Espagne et au Portugal, le droit de vote est réservé aux ressortissants de certains pays (souvent issus des empires coloniaux) et sous certaines conditions (de réciprocité et de durée minimale de résidence, fixées au cas par cas). Au Royaume-Uni, il faut être citoyen d’un pays du Commonwealth.

– C'est aussi le cas dans des petits Etats, libéraux et très ouverts : en Belgique, au Danemark, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Estonie, en Suède, mais aussi en Slovénie, en Lituanie, en Hongrie, en République tchèque, en Slovaquie et en Finlande, le droit de vote est accordé pour tous les étrangers résidant de façon continue sur le territoire depuis un certain temps.

 

La citoyenneté européenne : une déconnexion entre nationalité et citoyenneté ?

 

En 1992, avec le traité de Maastricht, une déconnexion entre nationalité et citoyenneté est opérée :

– avec la promulgation d’une « citoyenneté européenne », les citoyens des pays membres de l’Union européenne obtiennent « le droit de vote et le droit de se présenter aux élections locales et européennes dans n'importe quel État membre sous les mêmes conditions que les nationaux de cet État »   .

– lls sont ainsi dotés d’un des éléments essentiels de la citoyenneté, le droit de vote, sans être nationaux de l’État considéré. L’objectif est de favoriser un rapprochement entre les peuples des divers États membres, ainsi que de réaliser l'unité politique de l'Europe au travers un acte qui confère une légitimité politique à une nouvelle organisation supranationale.

– Comme le rappelle le juriste Ivo Petru : « La citoyenneté européenne n'est évidemment pas de même nature que les citoyennetés nationales. (...) Celles-ci représentent un lien juridique forcé rattachant des hommes aux collectivités étatiques définies territorialement, démographiquement et administrativement. La citoyenneté européenne doit être comprise plutôt comme un statut juridique unique conférant aux citoyens des États membres quelques prérogatives supplémentaires qui ne trouvent leur justification que sur le plan dépassant le cadre national. »

Pour autant, même dans le cadre européen, la possession de la citoyenneté européenne demeure fondée sur l'appartenance aux nations qui composent l'Europe : « La citoyenneté européenne est une citoyenneté de superposition : elle s’ajoute à la citoyenneté nationale, mais elle ne la remplace pas. Son attribution est ainsi intimement liée à la possession de la nationalité de l’un des États membres de l’UE, sans rattachement à une nationalité européenne qui n’existe pas. »

 

Un vieux débat français

 

En France, le droit de vote des étrangers est une vieille promesse.

– Elle émerge au milieu des années 1970, François Mitterrand en fait l’une des promesses de son mandat en 1981, mais le tollé suscité par cette annonce oblige le gouvernement à y renoncer.

– En 2000, sous le gouvernement de Lionel Jospin, l’Assemblée a accepté une proposition de loi en faveur du projet.

– En décembre 2011, le Sénat, majoritairement à gauche, vote un amendement de la Constitution pour reconnaître le droit de vote aux étrangers non-communautaires. La sénatrice EELV Esther Benbassa est la rapporteuse du texte adopté.

 

Le chef de l'Etat et les gouvernements de l'actuelle législature ont envisagé d'adopter le droit de vote des étrangers, avant d'y renoncer :

– En mai 2012, peu après son élection à la présidence de la république, François Hollande répétait le 50e engagement de son programme électoral : « J’accorderai le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant légalement en France depuis cinq ans ».

– C'était sans compter avec le cadre légal de la République, puisqu'une telle réforme nécessite en effet une révision de la Constitution, qui doit être validée soit par référendum, soit par la majorité des 3/5e des suffrages exprimés au Congrès. De fait, le projet porté par François Hollande n’a pas vu le jour, faute de bénéficier d'une majorité suffisante, ni parmi les parlementaires, ni parmi le corps électoral.

– D’après Jean-Christophe Cambadélis, juste après l’élection de François Hollande en 2012, certains centristes auraient pu apporter leur soutien à la réforme mais le gouvernement a trop tardé à relancer le sujet, et ceux-ci ont changé de position. La question est donc reportée à 2017 et à ses nouveaux équilibres.


LES ARGUMENTS DES PARTISANS


1. C’est un enjeu d’équité, donc une avancée démocratique

 

Ce droit mettra fin à une asymétrie injuste entre étrangers européens et non européens qui disposent, sans condition de durée de résidence, du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales. Contestant que la France ait davantage de liens avec les autres pays de l’Union européenne qu’avec nos anciennes colonies, cet argument invoque donc un enjeu de dignité pour ces étrangers.

Cette réforme aura un impact symbolique très fort chez les étrangers qui se sentiront intégrés à la société française.

C’est la raison même de l'élection démocratique que de faire vivre ensemble des gens qui ont des intérêts et des identités différentes.

 

2. Revivifier la démocratie locale

 

Selon certains observateurs, face au constat de l’épuisement de la démocratie locale gagnée par l’abstention, la participation des étrangers lui permettrait de retrouver de la vivacité.

 

3. C’est un levier d’intégration contre le communautarisme

 

C’est un investissement sur l’intégration des générations futures, d’autant plus important que les enfants d’immigrés ayant acquis la nationalité restent en retrait de la vie politique. Comme l’a montré le sociologue Vincent Tiberj dans une enquête de 2010 les Français d’origine immigrée étaient moins fréquemment inscrits sur les listes électorales que les autres catégories de Français (23 % d’entre eux ne sont pas inscrits sur les listes électorales, contre 7 % pour le reste de la population) alors même que les autres indicateurs de participation montraient qu’ils étaient tout autant intéressés que leurs concitoyens par la vie politique. D’après lui, cela s’explique par un déficit de « socialisation au vote » car au-delà d’être un acte politique, le vote est également un acte symbolique et social qui est favorisé par l’« habituation » (c’est-à-dire, notamment, le fait d’avoir ses parents ou ses proches y procéder, et donc de le considérer comme un acte usuel et naturel).

Les pratiques des étrangers ne seront pas forcément communautaristes car on vote en tant qu’individu, et non pas en tant que membre d’une communauté. La sénatrice ELLV Esther Benbassa, rapporteuse du projet pour le Sénat en 2011, déclarait lors de l’examen en commission : « Les ouvriers votent-ils massivement pour des candidats ouvriers, les Juifs pour des Juifs, les femmes pour des femmes ? Que je sache, Mme Rachida Dati n’a pas été élue maire du VIIe arrondissement grâce au vote massif d’électeurs d’origine arabe… »

Avec ce droit de vote, il y aura une meilleure prise en compte des intérêts des « minorités » par la classe politique ainsi qu’une plus forte présence de ces « minorités » au sein de la direction des partis politiques et sur les bancs du Parlement. Or cela est un gage d’intégration des « minorités » au sein de la vie politique nationale qui fera barrage à la tentation communautariste.

L’espace citoyen ouvert par le vote peut permettre l’émancipation de l’individu en l’extrayant des pressions que peut exercer sur lui la communauté à laquelle il appartient.

Enfin, le communautarisme est déjà une pratique courante des élus politiques locaux.


4. Il est trop compliqué d'obtenir une naturalisation aujourd'hui en France

 

La dureté des conditions actuelles d’obtention de la naturalisation (qui exige entre autres une stabilité des revenus) laisse à la marge de la nationalité un grand nombre d’individus et de groupes, qui mériteraient pourtant de participer à l’organisation de la vie collective.

De fait, la pérennité de l'établissement de certains étrangers sur le sol français est une source d'implication dans la vie collective à l'échelle locale. 

 

5. Le lien entre nationalité et citoyenneté est illégitime

 

Nationalité et citoyenneté répondent à deux logiques différentes : la nationalité relève d'un sentiment identitaire individuel, (elle répond à la question « qui suis-je ? »), tandis que la citoyenneté relève de l'organisation de la vie collectibe, ( elle répond à la question « que faire ensemble ? »). La nationalité est attachée à une personne, la citoyenneté s'attache à la collectivité.

La citoyenneté est une notion dynamique, en mouvement, et non pas un bloc monolithique immuable. Ainsi il est même envisageable voire souhaitable de reconnaître une pluralité de citoyennetés, définitivement disjointes de la nationalité.

Enfin, on doit respecter le fait que certains étrangers ne trouvent pas de sens identitaire à devenir français, mais souhaitent s’impliquer dans la vie politique locale. 

 

LES ARGUMENTS DES OPPOSANTS


1. Le privilège des étrangers européens n’est pas inique, mais justifié par la proximité et la réciprocité

 

La citoyenneté européenne est l’expression d’une proximité qui existe de fait entre les Européens, et qu’ils n’ont pas avec les pays tiers.

On ne peut bâtir un système juridique sans réciprocité. La réciprocité renvoie d’ailleurs à quelque-chose qui est d’emblée jugé citoyenneté-compatible en Grèce au Ive sicèle avec les accords d’isopolitie (des accords bilatéraux d’échange de nationalité). Nous avons un espace commun et des règles communes avec les pays des étrangers concernés par ce droit de vote selon un principe de réciprocité : si un Portugais habitant en France peut voter pour les élections municipales (et européennes), un Français peut voter aux mêmes élections au Portugal. Une telle réciprocité sera impossible avec les pays tiers.

Le statut des citoyens européens fait partie d’un effort pour constituer une nouvelle entité politique supra-nationale. La citoyenneté européenne, au-dessus des nations et des nationalités, est ce qui donne à l’UE une réalité au niveau des individus. Le droit de vote des Européens aux élections locales est ce qui ancre la construction européenne dans les territoires.

 

2. C’est un levier pour le communautarisme et le clientélisme

 

Il faut veiller au maintien des équilibres sociaux et cette réforme risque de donner du pouvoir à des groupes qui ne respectent pas les valeurs de la République.

D’après le politologue de gauche Laurent Bouvet, en proposant « un mille-feuille de droits et statuts différenciés en termes de citoyenneté » on entrave la dynamique républicaine qui est de proposer un monde commun à travers une identité civique commune. Or plus une société est en crise, plus cette dynamique doit se traduire par une « traduction institutionnelle forte », sinon les individus risquent d’être de plus en plus tentée par le communautarisme qui, à cette identité civique commune, substitue des identités collectives, souvent essentialistes, autour de critères « ethniques » ou religieux.


3. Il faut maintenir l’unité de la citoyenneté fondée sur la nationalité

 

Nationalité et citoyenneté sont légitimement liées : la nationalité ne réfère pas uniquement à l’identité personnelle, elle relève d’une communauté de territoire, de langue, d’une histoire, et surtout, de l’élaboration d’une trajectoire commune à l’ensemble de ses composantes.

Disjoindre la citoyenneté de la nationalité, c’est dissoudre un des fondements du droit politique républicain, qui définit la nation française comme une communauté civique et politique, et non pas culturelle ou identitaire. Le lien entre citoyenneté et nationalité est « la pierre angulaire de la définition du peuple français comme communauté de citoyens libres et égaux et comme souverain (…) On est français parce qu'on est citoyen (participant pleinement au peuple souverain) comme on est citoyen parce qu'on est français. Il ne peut donc y avoir de demi-mesure, de demi-citoyenneté (…) ou de degré dans celle-ci », explique Laurent Bouvet.

La citoyenneté n’est pas la négation des différences : elle est au contraire un espace public ouvert à chacun en dehors de ses « identités », l'expression même de cette ouverture à un monde commun malgré les différences. Créer une catégorie à part, au risque qu’elle se pérennise, c’est remettre en cause la viabilité de cet espace public.

Dans l’immédiat, le vote communautaire laisse le champ libre à des revendications de tous ordres en termes de « distinction territoriale ».

A plus long terme, décomposer ainsi le droit de vote risque de créer une citoyenneté à deux vitesses.

Plusieurs opposants de gauche considèrent ainsi qu’il faut œuvrer à une intégration qui passe par l’acquisition de la nationalité française, et davantage ouvrir cette dernière.

 

4. Un enjeu pragmatique : cette loi sera une entrave à la naturalisation des étrangers

 

L’établissement d’un droit de vote sans nationalité peut se retourner contre les étrangers, si un gouvernement cherche des arguments pour restreindre l’accès à la nationalité. Certains redoutent même qu’elle rende pensable la suppression du droit du sol – justifiée du fait que les étrangers pourraient déjà voter aux élections locales.

 

LE SPECTRE DES POSITIONS

 

1. Une gauche divisée

 

Malgré une majorité insuffisante au congrès, 77 députés PS ont tout de même signé une tribune dans le journal Le Monde en septembre 2012 appelant à voter la réforme. Ce débat hautement polémique n’est pas relancé par le gouvernement. En juillet 2014François Hollande répètait qu’il ne renonçait pas à sa promesseToutefois, mais le passage à droite du Sénat en septembre 2014, réduisant encore les effectifs de la gauche au Congrès, a définitivement enterré la réforme pour cette législature.

 

Au PS, dans la perspective des débats à venir, plusieurs lignes semblent se dessiner.

 

- En novembre 2015, Manuel Valls déclarait que cette réforme était impraticable, car elle ne recevrait pas de majorité au Congrès, et que l’opinion voterait massivement contre dans un referendum. Replacer cette question au cœur du débat public serait même dangereux, car cela risquerait de radicaliser l’opinion hostile à la mesure. Il faut donc se concentrer sur la naturalisation des étrangers. Peu après ces déclarations du premier ministre, Jean-Christophe Cambadélis assurait pourtant que le sujet « est toujours à l'ordre du jour du Parti socialiste»

- Pour d’autres au contraire, le contexte de tensions plaide en faveur de la réforme. Dans le cadre de la réforme constitutionnelle sur la déchéance de nationalité, Aurélie Filippetti et Benoît Hamon ont proposé un amendement instaurant le droit de vote des étrangers aux élections locales. L’accent principal est mis sur l’unité nationale, avec l’idée que celle-ci est fondée sur la concorde, qui elle-même implique une participation active à la vie locale.

- La majorité du groupe socialiste au sénat a cependant rejeté cet amendement à la quasi-unanimité, exprimant ainsi la prudence de mise au PS vis-à-vis du risque politique que représenterait une telle mesure dans le contexte post-attentats. Depuis lors, le PS est partagé en une l’incertitude qui reste de mise, et une certaine volonté de se refermer la boîte de Pandore : en témoigne un rapport sur les institutions qui relance la question en pressant avant tout de la trancher, dans un sens ou dans l’autre.

 

Unanimisme dans les autres partis de gauche

 

- Le groupe EELV, fervent promoteur de la réforme, y est toujours aussi attaché : pour ses primaires qui auront lieu en octobre prochain, le parti a ouvert le droit de vote aux étrangers.

- Pour les partis de gauche radicale représentés au parlement, le groupe parlementaire communiste, républicain et citoyen (CRC) refuse la prudence de rigueur au PS et déclarait après les propos du Premier Ministre : « Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, avec le Front de Gauche, ne renoncent pas. Ils portent haut ce choix de solidarité, de progrès, d’humanité, ce choix profondément républicain. »

- Françoise Dumont, présidente de la Ligue des droits de l’Homme, confiait à l’Humanité ses craintes quant aux « dégâts que peut faire le sentiment d’être traités en sous-citoyens » chez les étrangers qui n’ont pas le droit de vote.


2. Le centre incertain

 

En 2012, UDI et Modem faisaient front commun contre la réforme. Dans une tribune au journal Le Monde, le président actuel de l’UDI Jean-Christophe Lagarde   avançait : « Si ce résident étranger refuse d'adhérer à notre nation, donc à la citoyenneté qui lui est liée, pourquoi lui imposer une sous-citoyenneté au rabais ? » Il réaffirmait en 2013 que « la position du groupe UDI (était) unanimement contre».

Ce n’est plus le cas du Modem qui propose pour 2017 de « Reconnaitre le droit de vote aux élections municipales aux étrangers qui résident en situation régulière en France depuis au moins 10 ans. »

 

3. Une droite unie dans son refus

 

Les Républicains

 

Si les Républicains sont unanimement opposés au projet, certains l’ont toujours été, tandis que d’autre adoptent le refus de manière plus tactique.

Ainsi en 2001, dans son livre Libre, Nicolas Sarkozy déclarait à ce sujet : « je ne vois pas au nom de quelle logique nous pourrions empêcher (les étrangers résidents de longue date) de donner une appréciation sur la façon dont est organisé leur cadre de vie quotidien. » Et il répétait en 2005 y être favorable. Cependant il change de position en 2011, au moment où le Sénat vote le projet, pour ne plus y revenir par la suite : il faut posséder la nationalité française pour voter. 

Plus au diapason de la ligne actuelle, Henri Guaino, ancien conseiller spécial de Nicolas Sarkozy aujourd’hui candidat à la présidentielle, déclarait en 2014 que le « droit de vote des étrangers achèvera de détruire la nation ».

Dans le programme des Républicains pour 2017, le vote des étrangers non communautaires n’est donc mentionné nulle part. Par ailleurs, tous semblent promouvoir une politique migratoire beaucoup plus restrictive (notamment concernant la naturalisation et l’accès aux soins).

 

Debout la France

 

En juin 2015, Maxime Thiébaut, tête de liste du parti de Nicolas Dupont-Aignan   , saluait le « bon sens » des Luxembourgeois qui avaient refusé par referendum le droit de vote des étrangers.

Parmi les projets politiques pour 2017, présentés sur le site du parti, il est question de « Maîtriser l’immigration et réconcilier les Français » en « [redéfinissant] les critères de citoyenneté française » : il sera maintenu que seules les personnes possédant la nationalité française seront autorisées à voter. Concernant la naturalisation des étrangers, ceux-ci devront fournir des preuves de leur assimilation « via, par exemple, la maîtrise de la langue française ou la signature d’une charte des valeurs ». Le parti insiste en outre sur sa grande fermeté vis-à-vis des manquements « aux valeurs républicaines ».

 

Front National

 

Sans surprise, le Front National avait lancé en 2011 une pétition contre le projet de droit de vote aux étrangers, avec trois arguments principaux :

- Le fait que les étrangers paient des impôts a déjà pour contrepartie les prestations sociales dont ils bénéficient.

- Les étrangers bénéficieraient d’un droit de vote supérieur à celui des Français, puisqu’ils cumuleraient le droit de vote dans leurs pays et en France.

- A une époque où l’identité française est mise à mal, il serait mal venu de faire perdre de son sens à ce droit exclusif des Français, qui fonde leur sentiment d’appartenance à la nation française.

 

QU'EN PENSENT LES FRANCAIS ?

 

Alors que dans les années 1980, seul ¼ des Français étaient favorables au droit de vote des étrangers aux élections locales, ils étaient plus de 60% en 2012. Mais en 2014, la tendance s'inverse et ils sont 60 % contre ! Selon les derniers chiffres, ils seraient aujourd'hui désormais 54% pour. Reste qu'une étude sociologique a démontré à quel point les réponses variaient selon la formulation de la question...

 

 

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(*) Les « Débats publics » de Nonfiction sont des cartographies des grands enjeux politiques soumis à la délibération des électeurs. Non pas dans le but d’en faire le tour, ou de les épuiser, mais pour donner à nos lecteurs le moyen de les embrasser dans leur complexité. Et de se faire leur opinion, en conscience et en toute liberté.