L’Inde du Premier ministre Narendra Modi suscite l’inquiétude chez de nombreux observateurs. Les nationalistes hindous mettent en péril la construction nationale que les pères de l’indépendance ont tenté laborieusement de promouvoir pour une cohabitation apaisée des diverses communautés religieuses que le pays accueillait. La gauche, dont la composante communiste marxiste est la plus significative, ne semble pas être parvenue à mobiliser une population de plus d’un milliard d’individus, comme en témoigne la sévère défaite du Front des Gauches aux législatives au Bengale occidental en avril dernier.

Deux fois par semaine, la chercheuse Nathalène Reynolds nous propose une analyse de la gauche indienne.

Aujourd'hui, elle rapporte les discours que les partis communistes indiens entretiennent sur le gouvernement Modi.


Le Parti communiste indien fustige un gouvernement Modi que contrôle, selon lui, les lobbies économiques et le Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS, Organisation Nationale des Volontaires). Les récentes conclusions du Conseil National du Parti communiste indien s’attachent à dépeindre la situation que traverse le pays. Lors d’une réunion qui avait duré trois jours (15-17 juillet 2016), cette instance a tenté d’analyser les « diverses politiques économiques » que le gouvernement Modi a mises en œuvre. Elle a souligné « l’orientation clairement à droite » de la politique du pays. Aussi peut-on, selon elle, gager du développement du « fascisme », alors que la « fabrique démocratique et séculaire » est la cible de graves attaques. Quant à l’économie, elle est soumise au diktat des « grandes entreprises privées et du capital financier international ». De même la politique étrangère répond-t-elle aux desseins des « impérialistes, en particulier de la clique que forment les États-Unis et Israël ».

 

Alors que l’Inde célèbre le vingt-cinquième anniversaire de l’adoption de la politique de libéralisation économique, New Age, organe du Parti communiste indien a saisi l’occasion de rappeler :

 

« Les vingt-cinq années de réformes économiques qui débutèrent, en Inde, le 24 juillet 1991 représentent vingt-cinq années de reddition aux diktats en faveur des grandes entreprises privées définis par la Banque Mondiale et le Front Monétaire International ».



Le Parti communiste indien déplore ainsi la grande influence qu’exerce le « capital de la finance internationale » sur l’économie indienne « autrefois caractérisée par l’autosuffisance ». Dans un article reproduit par le site internet de l’organe bengali du Parti, Ganashakti, dans sa version originale, anglaise, le Secrétaire Général du Parti communiste indien (marxiste), Sitaram Yechury, a quant à lui pris la parole alors que le gouvernement Modi concluait sa deuxième année de gestion.

 

Il a rappelé que le PCI(M), lors de son XXIè Congrès (14-19 avril 2015), a insisté sur la « polarisation communaliste agressive » qui vise à transformer la démocratie séculaire indienne en une version de « l’Hindu Rashtra [nation hindoue] farouchement intolérante et fasciste ». Deuxième volet de la politique gouvernementale : la poursuite des réformes économiques néo-libérales que l’Inde a entamées en 1991, mais « d’une manière plus agressive que le précédent gouvernement de coalition que présidait Manmohan Singh », tandis que le sort de la vaste majorité s’aggrave.

 

Yechury a indiqué que « la politique étrangère nationale » répond « aux priorités globales et géostratégiques de l’impérialisme américain, comme en témoignent divers accords bilatéraux indo-américains, notamment ceux qui portent sur la défense et le soutien logistique ». En outre, New Delhi, « lors du récent sommet de l’OMC à Nairobi (Doha Round) », a consenti à une plus grande ouverture de son marché (et tout particulièrement, de son agriculture) à la concurrence internationale», compromettant « la sécurité alimentaire » du peuple indien.

 

Autre dimension qui suscite l’inquiétude du PCI et du PCI(M) : ce que tous deux nomment la saffronisation de l’éducation   ; la « pénétration des membres du Sangh Parivar [la famille nationaliste hindoue] dans toutes les sphères de gouvernance » met en péril « l’autonomie des institutions éducatives et culturelles » . De plus, Yechury déplore les « appels à la haine » que lançent des personnalités politiques nationalistes hindoues dont certaines sont membres du Cabinet du Premier Ministre, tandis que Modi s’abstient de rassurer des parlementaires inquiets de ce que de tels propos ne soient pas punis conformément à la législation en vigueur, preuve - selon le Secrétaire Général - qu’il y a incontestablement « un soutien officiel à la diffusion du poison communaliste ».

 

Le mouvement communiste indien s’attache à se faire le garant sans concession du modèle séculariste indien. De même se veut-il le chef-de-file de l’opposition à ce qu’il estime être une dangereuse pénétration des puissances occidentales dans le sous-continent, car il juge que la libéralisation économique contrevient aux espérances d’un mieux vivre de la majorité.

 

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