L’Inde du Premier ministre Narendra Modi suscite l’inquiétude chez de nombreux observateurs. Les nationalistes hindous mettent en péril la construction nationale que les pères de l’indépendance ont tenté laborieusement de promouvoir pour une cohabitation apaisée des diverses communautés religieuses que le pays accueillait. La gauche, dont la composante communiste marxiste est la plus significative, ne semble pas être parvenue à mobiliser une population de plus d’un milliard d’individus, comme en témoigne la sévère défaite du Front des Gauches aux législatives au Bengale occidental en avril dernier.

Nathalène Reynolds clôt cette chronique en rappelant les causes possibles de la défaite politique de la gauche, ainsi que les différentes stratégies électorales qui la divisent.

 

 

Au lendemain du récent scrutin législatif au Bengale occidental, les intellectuels de gauche que nous avons pu rencontrer ont déclaré la fin d’une gauche qui domine les destinées de l’État depuis la fin des années 1970. Ils arguent de ce que la direction de la section bengalie du Parti communiste indien (marxiste) (PCI(M)) n’a guère accordé foi aux analyses du Comité Central et du Politburo. Son seul objectif aurait été de regagner le pouvoir, et de reprendre une politique interrompue par les cinq années de gouvernement du Trinamool Congress. Selon une telle analyse, la section bengalie du PCI(M) se plierait avec difficulté à une longue traversée du désert qui l’autoriserait pourtant à regagner l’estime de la population. Quant aux nouvelles générations de communistes, nées alors que le Front des Gauches était au pouvoir (1977-2011), elles chercheraient à éviter l’expérience de l’opposition et des sacrifices que cette posture nécessiterait.

 

Surya Kanta Mishra, chef de la section bengalie du PCI(M), défend pour sa part l’entente électorale avec le Congrès, regrettant que cette dernière soit intervenue tardivement. C’est ainsi qu’il explique la sévère défaite du Parti communiste marxiste. Il souligne que la campagne électorale que son parti a menée a insisté, avec raison, sur les nombreux suicides de paysans acculés à la misère, « la famine qui frappe les ouvriers agricoles qui travaillent dans les plantations de thé », enfin l’aggravation du chômage. Il fustige Mamata Banerjee, Cheffe de l’Etat du Bengale occidental, qui s’est ainsi abstenue de toute politique de développement. Il est vrai que le Trinamool Congress a cédé à ce que le Bengale nomme la « politique des cadeaux »   qui autorise par exemple les plus défavorisés à obtenir du riz à 2 roupies le kilo ; de même des bicyclettes sont-elles offertes aux petites filles qui continuent leur scolarité (bicyclettes qui leur sont vraisemblablement retirées, si leurs familles ne votent pas pour le Trinamool Congress). Enfin, Mamata Banerjee a entamé une politique de grands travaux, construisant par exemple des hôpitaux dans des lieux éloignés des grandes agglomérations. Le budget de l’État et le service de la dette paient un lourd tribut. Cependant, les campagnes sont sensibles à des mesures qui leur semblent, une fois n’est pas coutume, favorables.

 

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