Le dossier Polyphonies syriennes va à la rencontre d'écrivains, d'intellectuels et d'artistes venus de Syrie à Paris : retrouvez un nouveau portrait tous les lundis et vendredis sur nonfiction.fr.

Prêter attention aux voix de ces exilés syriens de Paris – qu’ils soient là depuis longtemps ou qu’ils soient arrivés depuis 2011 –, c’est trouver auprès d’eux des éléments de réponses à la question « Comment en sommes-nous arrivés là ? ».

Avec les artistes syriens exilés à Paris, tentons de mettre de l’ordre dans le flot d’images qui nous sont parvenues de Syrie : pourquoi ce flot d’abord ? N’a-t-il pas été contre-productif ?

 

Ossama Mohammed   , «  réfugié en cinéma  »

 

«  Havalo, quelle est la couleur de la vie ? Quel est le goût du sable ? À quoi ressemble le monde hors du siège de Homs ?  »

Wiam Simav Bedirxan à Ossama Mohammed qu’elle appelle Havalo, «  mon ami  » en kurde (2012)

 

Ossama Mohammed, né en 1954 à Lattaquié, le port de la Syrie, fait de lui-même un autoportrait truculent en 2006 pour la manifestation Le Cinéma du réel « J’étais un enfant trapu et carré, quand à deux ans, au milieu d’une foule familiale, je me suis fait remarquer en marchant sur la tête. » « En 1988, mon premier long métrage, Étoiles de jour, la Quinzaine des réalisateurs, le grand prix et le prix de la critique à Valence… mais le film n’est jamais passé en Syrie. » « Malgré cela, je n’aime pas le mythe de l’intellectuel victime ou de l’intellectuel dissident, cher à l’Occident. »

Ossama Mohammed est le co-auteur, avec Wiam Simav Bedirxan, d’Eau argentée, Syrie autoportrait, 92’ (2014). Ce film documentaire est né de la rencontre à distance d’Ossama Mohammed, exilé à Paris depuis mai 2011, qui trépigne d’impuissance devant les images postées sur YouTube par les jeunes révolutionnaires et de Wiam Simav Bedirxan, une jeune Syrienne kurde, prise dans les rets du siège de Homs, qui s’adresse au cinéaste, le jour de Noël 2011, « si vous étiez à Homs, que filmeriez-vous ? » Le film, présenté hors compétition en séance spéciale à Cannes le 16 mai 2014, a été ovationné par le public du Festival.

 

La diffusion sur ARTE

Le 15 septembre 2014, je suis devant ARTE à 23 h 50 pour voir la version TV du film. Je m’attends aux images de répression et de torture émanant d’activistes anonymes de la première partie. Du fait que je les redoute, curieusement, je note plutôt d’autres aspects du film. Le lyrisme assumé du commentaire qui compose un hymne aux révolutionnaires pacifistes : « Le train de Deraa est parti ». Le premier martyr tombe : « Ouvre tes portes, ô paradis ». Les références historiques et cinématographiques propres à Ossama Mohammed : Spartacus à propos de l’Armée syrienne libre (ASL) ; la victoire sur le fascisme, le 8 mai 1945, fêtée le 9 mai 2012 en Syrie comme en ex-Union soviétique ; Hiroshima mon amour à propos de Douma, dans la Ghouta orientale, l’oasis agricole urbanisée de Damas, encore assiégée aujourd’hui. Autre référence cinématographique, plus tard : La ballade du soldat, URSS.

Au célèbre Institut national de la cinématographie (VGIK) de Moscou, où il a fait ses études de cinéma comme d’autres cinéastes syriens d’après-guerre, « le cinéma (l)’a pris de plein fouet et fait tomber (ses) idéologies », raconte-t-il dans son autoportrait.
Il explicite – pendant qu’à l’image des gouttes d’eau tombent sur une vitre – le sentiment d’impuissance et de culpabilité qui ne le quittent plus depuis qu’il a appelé à la libération de tous les prisonniers politiques à Cannes en mai 2011, prise de position publique qui l’a conduit à rester en France : « J’étais parti pour revenir et je ne suis pas revenu. Je ne suis pas revenu à moi. La nuit, je me dis, je rentre demain ».

Et puis, après les 24 premières minutes du film – premier miracle – apparaît la frêle silhouette de Simav, dont le prénom signifie eau argentée en kurde. Saisie par le désir de laisser une trace de la vie sous les bombes du régime et la menace des tireurs embusqués, elle décide d’acheter une caméra faute d’avoir croisé un seul cameraman sur son chemin durant le siège de Homs, caméra dont elle apprend à se servir sous nos yeux admiratifs. Caméra qu’elle ne veut plus lâcher ni pour dormir ni pour se soigner quand elle est blessée. Sous nos yeux, – deuxième miracle – elle ramène à la vie avec une infinie douceur Omar, petit garçon qui vient de perdre son père. En proie au chagrin, il avait blasphémé, ce qui le mettait lui-même en danger dans cette société empreinte de religiosité. Et maintenant, tout en évitant les tireurs postés sur les toits, il apporte des fleurs et des tomates à son père sur sa tombe et dialogue avec lui « mon petit papa, mon cœur », réconcilié avec lui-même. Les images de Simav suivant Omar sont d’une poésie inoubliable qui font de ce documentaire tourné dans les ruines de Homs un film de cinéma à la portée universelle.

Sur son chemin, elle croise un vieux tourne-disque qui crachote L’hymne à l’amour d’Édith Piaf dans une maison éventrée de Homs… Cette dimension intemporelle et universelle est renforcée par les dialogues entre Simav – « À Homs, le temps est sans aiguille » et Ossama Mohammed à Paris – « Je cherche le temps dans le temps ». « Les mots ont-ils encore un sens ? », demande un jour Simav, lasse et épuisée. « Oui, lui répond Ossama, en l’encourageant. Écris, écris, écris ». « Havalo, j’ai inventé une école ». « Montre un film de Charlot aux enfants. »

Arrive cependant le moment, en avril 2014, où Ossama pousse Simav à quitter Homs avec un argument simple : « Le plus beau des choix est celui de la vie ». « Simav, devance l’appel ! », insiste-t-il, de peur que la révolution ne la dévore. Le 9 mai 2014, Simav quitte Homs. Le 16 après-midi, elle arrive à Cannes et se blottit sous l’aile protectrice d’Ossama Mohammed qu’elle voit pour la première fois, quelques heures avant la projection de leur film.

Générique de fin : le film est dédié à Omar et signé Wiam Simav Bedirxan, Mille et un Syriens et Ossama Mohammed ; Noma Omran musique ; Les Films d’ici ; Potemkine Films distribution. Sous-titres : Vidéo Adapt.

 

La version cinéma en salle

12 février 2015 – Projection sur grand écran à Paris, au Louxor. Ossama Mohammed, devant cette salle mythique, magnifiquement restaurée, a l’air las. Mais après la projection, face aux questions fines qui fusent de la salle – pleine –, il retrouve la vigueur et semble heureux d’expliquer la genèse du film à ce public parisien. Selon ses propres mots, traduits par Nathalie Bontemps, traductrice littéraire, le point de départ, ce sont les autres. Ces « mille et un Syriens », salués dans le générique de fin qui filment la « fête de la liberté en train de se transformer en tragédie sous leurs yeux ». Il les qualifie de « collègues ». Leurs images, comme celles du jeune homme torturé à Damas qu’il avait vues au début du soulèvement quand il y était encore avant son exil parisien, ou celles du jeune garçon sur son père, à l’arrière d’une Suzuki, l’ont marqué, comme citoyen et cinéaste. « Je n’étais plus le même. L’image du jeune homme de la Suzuki m’a fait penser au film Le Cuirassé Potemkine. La musicalité des images, comme au début du cinéma, racontaient la tragédie à leur façon. Enfin, j’avais besoin de sauver mon humanité. »

« Alors je me suis mis à monter treize, quinze, seize heures par jour, à un rythme contraire aux accords syndicaux en France, les images des autres (après des mois de travail, la monteuse a voulu prendre ses week-ends). J’ai construit l’histoire avec les images visionnées sur YouTube, ce que disent les manifestants, ce que moi je dis, les lettres entre Simav et moi et le document filmé par Simav à Homs. À ce stade, les producteurs Serge Lalou, des Films d’ici et Luciano Rigolini d’ARTE, m’ont fait des remarques utiles. Ensuite, j’ai voulu travailler sur l’image, sur le cadre en 16/9. C’était une fausse piste. J’ai refusé l’uniformité à laquelle j’étais parvenu et je suis retourné au format originel, réalisant que la diversité et la multiplicité des images filmées exprimaient la révolution. Chemin faisant, je me demandais “qu’est-ce que la liberté, la Syrie, le cinéma ?”. »

Une question sur les silences de la bande son touche particulièrement Ossama Mohammed : « Sans académisme, ces instants sont les plus expressifs. Par exemple, la présence de l’eau permet d’aller du local vers l’universel. Le petit Omar invente l’autodéfense et incarne la force de l’être pour nous raconter une autre histoire dans une ville détruite, c’est le génie de l’être. Simav est un don en elle-même et elle découvre Omar, qui est un don en lui-même. Le régime a coupé les gens de leurs racines géographiques, il a épuisé complètement les énergies humaines, vidé la scène syrienne et Daech est apparu. Les Syriens subissent deux occupations toutes deux fascistes qui font les mêmes victimes. C’est la septième fois que des gens dans l’assistance évoquent Guernica, le tableau de Picasso devant moi, j’en suis heureux. »

« En Syrie, confie-t-il pour finir, j’étais considéré comme courageux. Mon premier film, Chajar, par exemple, y a été interdit. Mais, une fois à Paris, je suis devenu spectateur de ceux qui filment la répression au péril de leur vie. J’ai donc été confronté à la lâcheté. Simav, au contraire, est le courage même, le courage extrême. La Syrie multiculturelle que Simav, Omar et moi représentons est victime d’un des plus grands crimes de l’histoire. C’est un crime contre la Syrie mais contre le monde lui-même. Car la violence engendre la violence. »

 

 Wiam Simav Bedirxan (© Ammar Abd Rabo)

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LE CINÉ-CLUB SYRIEN

Parcours libre dans un cinéma d’auteurs

Le Ciné-club syrien, lancé par l’association Norias-Europe-Syrie, avec le soutien d’ARTE Actions culturelles et le cinéma L’Accatone, au quartier Latin, à Paris en avril 2014, programme un film par mois, hors vacances estudiantines.

Se souvenant que la première projection publique en Syrie a eu lieu dans un café d’Alep, en 1908, il dédie son activité au cinéma syrien, frappé depuis 2011 par la répression, la guerre et l’exode, rend «  hommage à ses créateurs qui ont refusé, la tête haute, de vendre leur âme  » et estime avoir «  une dette envers ceux qui ont donné leur vie pour que vive le cinéma  ».

Les séances sont animées par Hala Mohammad, poète et documentariste.

 

Aperçu des films programmés.

 

Le 18 avril 2014, Homs, chronique d’une révolte.

 

Return to Homs, Talal Derki, 89’ (2013)

Visible sur YouTube avec des sous-titres en anglais. Abdel Basset Sarout, le footballeur héros du film, est l'auteur d'une chanson devenue un tube de la révolution : «  Je sors manifester avec ma conscience entre mes mains, et si je te reviens martyr, Maman, ne pleure pas sur moi !  ». Après la reddition des quartiers rebelles de Homs, fin 2014, il se serait radicalisé (cf. Des courts métrages en réponse à l’urgence).

 

Le 16 mai 2014, L’Échelle de Damas (Soullamila Dimashq), Mohamed Malas, 112’ (2013)

Ghalia s’installe à Damas où elle rencontre Fouad, un jeune réalisateur qui la prend sous son aile. Il l’emmène vivre dans une maison centenaire au cœur de la capitale où de jeunes Syriens, étudiants et travailleurs habitent ensemble. Les rues sont en proie à la violence. Tourné dans des conditions difficiles, le film tend à montrer sous une forme allégorique le rôle du cinéma en période de troubles politiques, explique Mohamad Malas, né en 1945 dans le Golan et passé par le VGIK de Moscou. Trop vieux selon lui pour défiler dans la rue avec des banderoles, ce film constitue sa «  propre manière de manifester  » pour la démocratie et la liberté d’expression.

 

Le 13 juin 2014, Lorsque le Qassioun est fatigué, Hala Mohammad, 50’ (2008) avec le poète et écrivain Mohamed al-Maghout quelques mois avant sa disparition, qui appartenait dans sa jeunesse au Parti nationaliste syrien, interdit. Il la reçoit en pyjama, chez lui, à Damas, ville qui «  prend mais ne donne pas  », lâche-t-il. Sa vie reste marquée par l’expérience de la prison, en 1955, où il fait la connaissance du poète Adonis, «  fracture  » dont il ne s’est jamais relevé car «  la peur  » est toujours là, nichée «  au creux des genoux  » surtout la nuit… Hala Mohammad accompagne la poésie de Maghout, épris de justice, qui aime les extrêmes – «  la putain ou la sainte  » – et se fiche de la rime, avec des images d’une grande beauté. Du fait qu’elle est poète elle-même, elle parvient à « capter le mot  », à le faire «  s’envoler  », en soignant l’éclairage et en jouant sur les ombres, les couleurs et le rythme des images.

 

Et Le Maître, 50’, Omar Amiralay, Mohamed Malas, Ossama Mohammed (1995).

  

Le 4 juillet 2014, Étoiles de jour, Ossama Mohammed, 105’ (1988). Sélectionné à Cannes à la Quinzaine des réalisateurs en 1988, interdit pendant plusieurs années en Syrie.

Une famille dans la montagne alaouite au-dessus de Lattaquié. Khalil veut marier sa sœur Sana au docteur Marouf par calcul mais Sana s’enfuit… «  Je me situe du côté de la tragi-comédie géorgienne ou de la comédie italienne du type Affreux, sales et méchantsd’Ettore Scola, expliquait Ossama Mohammed en 2006  ». Les scènes symboliques, précisait-il alors, «  servent à souligner le contraste entre les modes de vie passés et les modes de vie présents  », évolution que la société devra assumer si elle veut donner droit de cité aux aspirations individuelles.

 

Le 7 novembre 2014, Les Chebabs de Yarmouk (The Shebab of Yarmouk), Axel Salvatori-Sinz, 78 ‘ (2013), sorti en salles depuis.

 

Les « chebabs », les jeunes de Yarmouk se connaissent depuis l’adolescence… Ils vivent dans le plus grand camp de réfugiés palestiniens du Moyen-Orient, créé en 1957 au sud de Damas – un provisoire qui dure. Troisième génération d’exilés, ils ne rêvent plus de retourner en Palestine. Mais leur soif de vivre se heurte aux murs du camp. Au seuil de choix personnels existentiels, l’histoire les rattrape. En mars 2011, éclate la révolution en Syrie. Le film, tourné juste avant le siège et la destruction d’une grande partie du camp, montre leur quotidien à Yarmouk, tout en laissant affleurer avec finesse les différences de trajectoires et de stratégies entre les garçons et les filles.

Pour moi, m’écrit Marc Hakim après la projection, «  l'importance du film ne tient pas seulement à son sujet, sa sensibilité, son réalisme et sa beauté mais aussi aux circonstances de sa réalisation et au moment précis où il a été tourné. Il a vraiment une importance documentaire et historique.  » 

Le 6 février 2015, LoversNotebooks-Saraqeb Walls (Journal des amoureux - Les murs de Sarakeb), 55’ (2015).

Le 6 mars 2015, Je suis celle qui porte les fleurs vers sa tombe (2006), de Hala Alabdalla. Cf. son portrait où elle présente elle-même son film.

 

Le 19 juin 2015, La vie quotidienne dans un village syrien, 81’24’’,Omar Amiralay (1974), figure majeure du cinéma syrien et arabe, décédé en février 2011… Conçu avec l'auteur de théâtre Saadallah Wannousle film, toujours interdit en Syrie, porte un regard critique sur l'impact de la réforme agraire, plaquée d’en haut dans les années 70, dans des villages d'un autre temps, se termine sur une admonestation : «  Ceci est notre pays. Tout spectateur qui n’agit pas en conséquence est soit un lâche, soit un traître  ».

Omar Amiralay, né en 1944 à Damas, est mort le 5 février 2011. D’abord attiré par le théâtre, il se forme seul au cinéma après avoir davantage fréquenté la Cinémathèque à Paris dans les années 60 quel’Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC) qu’il abandonne en cours de route... En Syrie, en 1970, il s’oriente vers le documentaire «  loin des balivernes de la certitude  », selon l’expression qu’il emploie dans un entretien accordé à Hala Alabdalla en octobre 2005 à Damas (De la Syrie, Cinéma du réel, p.149-150, 2006).  

Dans les années 80, il est contraint à l’exil. Il retourne dans son pays à la fin des années 1990, ce qui lui permet de prendre part à l’éphémère Printemps de Damas, quand Bachar al-Assad succède à son père en 2000.

Opposant actif et respecté, il signe un communiqué saluant les mouvements de contestation en Syrie et en Égypte avant de mourir d’une crise cardiaque. Son œuvre, composée d’une quinzaine de documentaires, dont certains d’entre eux sont salués comme des chefs d’œuvre, est très critique à l’égard de la réalité de son pays et du Proche-Orient. Ses films sont pour la plupart interdits en Syrie.

Hommage du Bureau de Damas (Institute for War and Peace Reporting’s forum forindependent Syrian journalists) posté sur YouTube le 13 février 2011, 4’05, sous-titres en anglais.

  

Le 4 décembre 2015, après les attentats du 13 novembre à Paris, Hala Mohammad introduit la dernière séance de l’année «  Face à la violence qui gagne le monde, le Ciné-club syrien veut maintenir les échanges et le dialogue  ». Elle rappelle que le Ciné-club, fondé à Damas en 1974, par Omar Amiralay, Mohamed Malas et son frère, le cinéaste Ossama Mohammed, installé d’abord dans un sous-sol, puis hébergé par le Centre culturel français, présentait des films étrangers. Son petit-frère parisien, au contraire, «  présente des films syriens à un public composé de Français et de Syriens en vue d’avoir des échanges sur la Syrie, à travers son cinéma. C’est quelque chose que nous ne pouvions pas faire en Syrie et qui nous manquait. C’est pourquoi nous y sommes si attachés  ».

 

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ÉCOUTER

La compositrice et cantatrice Noma Omran, originaire de Homs, interprète un chant phénicien, en langue hourite sur une musique découverte à Ougarit, près de Lattaquié, 5’42.

D’Alep à Royaumont, les 4, 5 et 6 avril 2013 et au théâtre des Abbesses à Paris, le 8 avril 2013elle chante les premières notes de l’humanité, notes ougarites en langue hourite ; le patrimoine syriaque, profane et sacré ; la poésie soufie, Wallâba, poétesse des Xe -XIe siècles, les penseurs des XIIe et XIIIe siècles, des mélodies arabes classiques et des mushawat alépins avec ses musiciens Keyvan Chemirani (zarb, udu, daf) et Jasser Haj Youssef (viole d'amour). En 2005-2006, elle avait participé à l'aventure Maqams et création, tissant des liens entre Alep et Royaumont. Depuis, on sait que cette ville, habitée sans discontinuer depuis huit mille ans, est à moitié détruite par la lutte sans merci que livre le régime aux quartiers tenus par les rebelles. Noma Omran n’ignore rien de cette tragédie mais veut que, des décombres, s’élève cette incantation. Les chants chrétiens syriaques, « hautes et fines enclaves du passé », porteurs d'anciennes espérances, se font l’écho du désastre.

La sélection d’une dizaine de ses spectacles en vidéo choisie par ses soins, à disposition sur son site.

 

VOIR

Essai sur le barrage de l’Euphrate, (Mohawala An Sad Al Forat) 12’ (1970), produit par la Télévision syrienne, qui fait date pour les cinéphiles. Grandeur du chantier et audace des ouvriers… Dans le désert, bergers et paysans se battent contre la sécheresse et le dénuement. Le barrage, c’est l’avenir. Visible sur demande à la Bibliothèque publique d’information (BPI) au Centre Georges Pompidou à Paris.

Les poules (1977) « comme on le sait, note avec humour Omar Amiralay dans un entretien accordé à Hala Alabdalla, la vie des poules est courte, sauf dans les pays qui nient les finitudes et immortalisent les dogmes et les autorités. »

Déluge au pays du Baath (Toufan Fi Balad Al Baath), 46’ (2003), ARTE/Amip Print sur YouTube. Sous-titres anglais. Trente-trois ans après, le cinéaste retourne au Lac Assad, sur l’Euphrate, dans un village façonné par le parti au pouvoir. Façon pour lui de « réparer » son film de propagande de 1970 qu’il considère comme « une erreur de jeunesse ».
 

Coffret DVD Les Films du Grain de sable :

Il y a tant de choses encore à raconter, 52' (1997), Omar Amiralay

Quelques mois avant la mort du dramaturge Saadallah Wannous, son ami Omar Amiralay lui donne la parole. Le film est un témoignage sur leur génération, celle du conflit israélo-arabe.

Le Plat de sardines, ou la première fois où j’ai entendu parler d’Israël…, 18’ (1997), Omar Amiralay avec Mohamed Malas.

Au début, il y avait… le plat de sardines. C’était chez ma tante, dans un quartier populaire de l’ancienne Beyrouth. Un jour de canicule de l’été 1950, j’avais six ans et l’État d’Israël en avait à peine deux !

Eau argentée, Syrie autoportrait, Wiam Simav Bedirxan et Ossama Mohammed, 92’ (2014) en streaming. Accès gratuit illimité.

Voyage dans la mémoire (2006) et La part de gâteau, font partie de la trilogie que Hala Mohammad a consacrée à l’univers carcéral dont Lorsque le Qassioun est fatigué (2008) a été présenté au Ciné-club syrien. cf. Encadré.

Dans Voyage dans la mémoire, en route vers Palmyre, trois intellectuels syriens, anciens prisonniers de la prison de Tadmor – Ghassan Jbaï, Faraj Beraqdar, Yassin Al Hajj Saleh – se souviennent. Chacun d’eux trouve les mots au fond de lui-même pour aborder les répercussions de ces années sur son être, sans esquiver la question du désir en prison comme au sortir de la prison. Un témoignage rare, filmé avec respect.

Notre terrible pays, Ali Atassi et Ziad Homsi (2014), grand prix du Festival international du documentaire de Marseille 2014 (cf. le portrait de Yassin al-Haj Saleh) dont la bande annonce est visible sur YouTube.

 

LIRE

Les articles du « Monde » ont accompagné le film Eau argentée, depuis sa présentation au Festival de Cannes, le 16 mai 2014, comme avant la diffusion du film sur ARTE, le 15 septembre 2014, ou avant sa sortie en salles le 16 décembre 2014

Sur Omar Amiralay, consulter les archives du Cinéma du réel, sur le site de la BPI qui lui a rendu hommage le 24 mars 2011, quelques semaines après sa disparition et, notamment, le dossier très complet datant de 2006, De la Syrie, rassemblé par
par Marie-Pierre Duhamel-Muller

De Mohamed al-Maghout (1934-2006), traduit de l’arabe et présenté par Abdellatif Laâbi dans la collection « Orphée », La joie n’est pas mon métier, éditions La Différence, 2013.