Ugo Bimar est le créateur et l'auteur de Confessions d'Histoire, une web-série qui se propose de donner la parole (enfin !) aux acteurs historiques eux-mêmes : César, Vercingétorix, Urbain II ou Baudouin de Boulogne... et d'autres sont à venir…


Nonfiction.fr – Comment t'es venue l'idée de Confessions d'Histoire ?

Ugo Bimar – Depuis toujours, j'aime le cinéma. J’avais fait quelques courts-métrages dans ma jeunesse. Ensuite j'ai fait des études de philosophie à Paris I, ainsi que d’audiovisuel. Depuis une quinzaine d’années, je suis graphiste et truquiste, et j’ai réalisé quelques publicités et institutionnels pour divers annonceurs. Mais j'avais envie, après avoir longtemps travaillé pour les autres, d'avoir une création qui serait vraiment "à moi", que je maîtriserais de bout en bout, sans avoir de comptes à rendre à qui que ce soit. J'avais envie, aussi, de diriger des acteurs, de ne pas m'occuper uniquement d’effets numériques mais de travailler la « matière humaine ». Au début, j'avais pensé utiliser mes connaissances en philosophie, mais c'est plus dur de faire rire avec Kant ! Et il y a quelques années de cela, je me suis replongé à fond dans l'Histoire. Le dernier déclic qui m'a mené à Confessions d'histoire, ça a été l’idée de réutiliser l’imagerie propre à la téléréalité et ses confessionnaux dans lesquels les candidats s’expriment : il suffisait de remplacer Nabilla par Vercingétorix ou César…


Nonfiction.fr – Comment est-ce que tu choisis tes sujets ?

Ugo Bimar – Je pars d'une idée, d'une envie, que je laisse mûrir pendant un moment – des semaines, des mois. Il faut que ce soit intéressant, mais surtout que ce soit drôle. En règle générale, j'aime les périodes qui bougent, les moments de ruptures : j'aimerais faire un épisode sur la bataille d'Actium, un sur la bataille des Champs Catalauniques ou la guerre de 100 ans... Il faut des sujets à fort potentiel comique et dramatique, avec lesquels on peut faire de la dérision, de l'humour et remettre en cause certaines idées reçues. Je ne veux aucune blague gratuite : tout doit être ancré dans une information historique.

Je lis beaucoup, à la fois des travaux d'historiens comme Régine Pernoud ou l’inusable Michelet, mais aussi de "journalistes historiens" tels que François Reynaert ou Jean Sevillia. Je rédige le script petit à petit ; il est d'abord très long, et ensuite je le condense peu à peu. Ceci dit, la durée des épisodes a tendance à s’allonger : La Guerre des Gaules fait 10 minutes, et La Première Croisade 15. Le prochain, sur Aliénor d’Aquitaine, sera probablement un peu plus long encore…


Nonfiction.fr – Tes émissions, on te l'a sûrement déjà dit, font penser à Kaamelott, par le ton décalé...

Ugo Bimar – Beaucoup de monde me le dit. Je suis évidemment très amateur de Kaamelott, et plus généralement des autres œuvres de la famille Astier, comme la pièce du père, Lionnel, La nuit des Camisards (je suis cévenol, comme lui !). La comparaison est donc très flatteuse, même si, lorsque les jeunes font automatiquement le lien avec Kaamelott dès qu’il s’agit de personnages en costumes qui s’expriment de manière contemporaine, ils oublient par exemple le film de Jean Yanne Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ… Les sous-titres qui redéfinissent les personnages à chaque interventions viennent pour leur part plus des Guignols de l’info. Par ailleurs, lorsque j’écris, et sans évidemment pour autant atteindre un tel niveau, je me sens plus guidé par Audiard que par Astier !...


Nonfiction.fr – Tu fais partie de toute une constellation d'acteurs qui contribuent à diffuser l'histoire...

Ugo Bimar – Oui, c'est vrai que l’Histoire est bien servie ces derniers temps. Richard Fremder, avec Temporium (http://temporium.podomatic.com/), la chaîne Nota Bene avec Benjamin « Benarbarbe » (https://www.youtube.com/user/notabenemovies) : il y a plein de gens maintenant qui utilisent différents supports pour vulgariser, pour faire rire, pour instruire tout en s’efforçant de casser des clichés, ou en tout cas de donner des versions un peu plus complètes. Et évidemment il y a toujours des réactions un peu vives, tant l’Histoire est souvent utilisée à des fins politiques en France : par exemple, sur l'épisode sur les croisades, quelques (rares) commentaires ont trouvé que l’on était trop à charge contre les Francs, alors qu’en fait, j’ai surtout essayé d’être le plus multipolaire possible, d’où l’utilisation comme principale source du livre d’Amin Maalouf Les croisades vues par les Arabes. Pour ma part, j’ai autant d’intérêt et d’affection pour tous les protagonistes de cette histoire-là.

J'ai aussi eu depuis la diffusion du pilote beaucoup de contacts avec des reconstituteurs historiques : ils suivent mon travail, et certains me prêtent même des armes ou du matériel pour certains costumes. J'ai d’ailleurs découvert récemment le marché de la reconstitution historique à Pontoise qui est immense et vaut vraiment le coup !

Si on a un point commun, tous, c'est notre passion de l'Histoire, d'une Histoire qui ne s'écrirait pas uniquement dans les livres, mais qui peut aussi être très vivante.


Nonfiction.fr – Qui fait quoi dans la série ?

Ugo Bimar – Je rédige le script, j’auto-produis, je réalise, monte et truque les images et le son. Pour faire un Confessions d'histoire, il faut aussi lors du tournage toute une équipe avec un chef opérateur, une maquilleuse, un ingénieur-son. Depuis peu, un ancien étudiant en Histoire, qui a également travaillé quelques années pour l’Ombre d’un Doute, Simon Bernard, s’est joint à nous pour aider à tout plein de niveaux, depuis la relecture du script jusqu’au tournage.

Pour les costumes, on en loue une partie – en ce moment on travaille avec l'atelier des Vertugadins qui font un travail magnifique (http://www.vertugadins.com/) –, on en fabrique, et je bricole parfois quelques accessoires ! Par exemple, le casque de Kilidj Arslan a été fait avec un cendrier, un saladier, et trois porte-clefs... et la couronne impériale d'Alexis Comnène avec des gonds de porte… Un peu de système D, quoi…

On doit aussi gérer le site internet (http://www.confessionsdhistoire.fr/), sur lequel des Notes historiques apportent un complément d’information à chaque épisode, ainsi que la page Facebook à travers laquelle nous donnons régulièrement des nouvelles du projet et de son développement (https://www.facebook.com/confessionsdhistoire?fref=ts).

Et puis, bien sûr, il y a les acteurs, sans qui rien ne serait possible, et qui sont tous bénévoles. La plupart sont des amis ou des amis d'amis. Je démarche certains par Facebook, à partir du moment où l’on est relié par quelques connaissances communes, et l’on commence même à recevoir des candidatures spontanées d’acteurs aux bandes démos prestigieuses.


Nonfiction.fr – Quel avenir pour Confessions d'histoire ?

Ugo Bimar – C'est une question importante. Pour ce qui est de la diffusion, je sais que les deux épisodes déjà réalisés sont utilisés par des professeurs et des enseignants, du CM1 à l'université ; l'épisode sur la Guerre des Gaules s’est vu projeté cet été dans le théâtre antique d’Arles, devant près de 400 spectateurs enthousiastes, lors du festival Arelate (un grand moment !), et ce même épisode est également diffusé dans l'archéo-site "Le Village gaulois", près de Toulouse, et dans un musée en Belgique. Tout ça fait très plaisir, c'est d’ailleurs la seule récompense de tout ce travail, puisque les épisodes sont disponibles gratuitement, ne sont pas monétisés sur Youtube, et que l’on ne cherche en aucun cas à être racheté (et formaté) par des diffuseurs tels que la télévision.

L'enjeu, maintenant, c'est de pouvoir poursuivre l'aventure. Les deux premiers épisodes, c'est moi qui les ai financés de ma poche – et il faut savoir qu'entre la location du studio, des caméras, des costumes, on parle de plusieurs milliers d'euros par épisode. Nous avons donc créé une association à but non lucratif, qui va entre autre pouvoir encadrer les dons nécessaires à rendre pérenne ce projet. Un crowdfunding, ou financement participatif, est prévu prochainement. Le but consiste simplement à pouvoir continuer à produire des épisodes, sans que cela achève de me ruiner (mais pas pour autant à gagner de l’argent), et surtout à rester le plus indépendant possible


* Propos recueillis par Florian Besson