Antoine Gaudin : Bon, je recycle sans vergogne le titre de mon live report de 2012 (avec sa référence à Bernanos/Pialat), mais cela me semblait s'imposer, étant donnée la météo radieuse qui a accompagné cette édition 2014 du Hellfest...

François Oualia : Un soleil éclatant qui a d'ailleurs marqué au fer rouge pas mal de chairs humaines. Notamment chez les amateurs de punk hardcore, puisque la scène dédiée à ce style musical (la Warzone) était découverte... Tous les concerts ont eu lieu sous le cagnard. À la fin du troisième jour, pour certains, je pense qu'on pouvait parler de brûlures au deuxième degré sans exagérer.

AG : J'en ai vu un le dimanche après-midi, toujours torse-nu, il était écarlate, on aurait dit Hellboy... Quand on lui a dit qu'il devrait peut-être se couvrir à présent, essayer de sauver sa peau, il a fait comprendre que les frôlements d'un t-shirt sur sa chair à vif lui étaient intolérables... Mais il est resté à faire des mosh-pits devant Tagada Jones, sous un soleil de plomb. Perdu pour perdu, autant aller au bout, quoi !

FO : Les gens choisissent leur destin. C'est aussi ça, l'esprit hardcore.

AG : C'était d'ailleurs intéressant de voir, aux heures tapantes de l'après-midi, à quel point l'ombre devenait une denrée précieuse pour les festivaliers... D'où la révélation d'une utilité supplémentaire pour la déco pachydermique du festival : produire de l'ombre.

FO : Oui, un arbre décharné, un corbeau géant, une tête de mort gonflable... tout est bon pour s'abriter du feu céleste. Avec la déco, tu soulignes un point important : on a senti cette année que le Hellfest avait changé de dimension. Pour le pire comme pour le meilleur... Le pire, c'est une affluence parfois un peu critique pour les capacités du site : les trajets d'une scène à l'autre deviennent plus longs, et pour certains concerts (Iron Maiden, Clutch...), si tu n'es pas sur place 30 minutes avant, tu ne vois rien.

AG : Il y a aussi la progression menaçante d'une tendance un peu "Disneyland du metal", avec notamment l'introduction d'une grande roue sur le site (on attend les autos tamponneuses l'an prochain)... Cela dit, à la nuit tombée, certains effets de décoration étaient vraiment réussis. Au crépuscule pendant Soundgarden ou Emperor, les flammes au sommet des remparts (!), c'était de toute beauté.

FO : Et puis le Hellfest a toujours fondé son decorum sur un équilibre entre ambiances sombres et prenantes d'un côté, et pyrotechnie un peu kitsch de l'autre... Cela fait partie de l'ethos de l'amateur de metal, qui vient pour faire des expériences musicales très sérieuses et engageantes, mais qui approuve aussi un jeu distancié et ironique sur les codes visuels et thématiques de son univers.

AG : Mais si on vient au Hellfest, c'est avant tout pour la musique... Cette année, le line-up était stratosphérique... Quand on voit la liste des groupes programmés, la diversité de leurs provenances...

FO : ...à en juger aussi par le nombre de mélomanes enthousiastes venus des quatre coins du monde, on sent bien que Clisson est devenu un épicentre sur la mappemonde des musiques extrêmes.

AG : Niveau musique, quelles ont été les deux-trois plus grosses sensations de cette édition pour toi ?

FO : Ecoute, je repars à la maison en portant au fond de mon coeur l'extrême violence du set de 1349, la plénitude de celui d'Emperor, et le plaisir inouï pris devant celui de Carcass. Je connaissais un peu moins ce dernier groupe, et je ne m'attendais pas à un live de ce niveau.

AG : Moi qui suivais leur parcours depuis longtemps, j'ai été bluffé par ce concert. L'intro avec le fameux riff de "Buried Dreams", les enchaînements entre les titres plus grindcore de leurs débuts et les compositions death poisseuses et mélodiques de leur maturité (leur chef d'oeuvre Heartwork), tout était féroce, sanguin et majestueux. Il y a parfois des concerts qui donnent la sensation que le temps s'arrête, que tout se concentre dans le présent incessant d'une jeunesse incandescente et éternelle. C'était peut-être l'émotion primaire liée au rock à ses touts-débuts ; je crois que c'est ce qu'on a vécu dans la nuit du samedi devant Carcass. Avec, sur le plan personnel, le petit regret de ne pas avoir entendu "No Love Lost", qui est le titre d'eux que je préfère. Ils étaient partis pour la jouer à la fin, mais leur temps de scène était écoulé. Dommage...

FO : Il faut dire que le chanteur-bassiste Jeff Walker parle un peu trop entre les morceaux... De l'inconvénient de trop communiquer avec le public...

AG : Un problème que n'ont pas rencontré 1349, Tsjuder, Gorgoroth et Gehenna - soit quatre grands groupes de black metal norvégien invités à se produire sur la scène Temple.

FO : Quatre excellents concerts pour moi, même si je distinguerais particulièrement celui de 1349, qui a été une hallucinante décharge de maîtrise et de brutalité - un peu au niveau de celle qu'avait proposé Marduk sur la même scène l'an passé, mais avec un son beaucoup plus saturé. Le morceau "Chasing Dragons", pourtant assez subtil sur disque, a été joué avec une agressivité incroyable. C'était pour moi le dernier concert du festival, et il m'a rendu fou. Mais encore une fois, les trois autres groupes ont été d'un excellent niveau. Toujours pour le black, je regrette de ne pas avoir vu les Suédois de Watain (au moins pour le show, leur évolution musicale me plaît de moins en moins), ayant personnellement connu une petite baisse de régime vendredi soir (je jure que je ne reprendrai plus de shots de Jägermeister par cette chaleur). Mêmes regrets pour les Polonais de MGLA et les Hollandais d'Urfaust (remplacés par Heretic, un groupe au style assez éparpillé, pour rester diplomate), qui ont dû annuler leur venue au dernier moment...

AG : De mon côté j'ai raté 1349, qui passait en même temps que Black Sabbath et Unida le dimanche soir. Pour les trois autres, je partage ton analyse, même si je mettrais Tsjuder au-dessus, pour leur son tranchant, leur absence totale de compromis, et pour l'interprétation prenante qu'ils ont livrée de leur hymne "Ghoul", ainsi que leur reprise du "Sacrifice" de Bathory. Les trois membres du groupe sont des esclaves maniaques dévoués à leur instrument, ça crève les yeux (mention spéciale à la technique de blast du batteur Dirge Rep). Gorgoroth m'a fait une impression un peu moins marquante, peut-être à cause d'un set un peu moins "true black" (on a même entendu le frontman Pest au chant clair dans un style pagan). Quant à Gehenna, c'était une proposition musicale très forte, un black atmosphérique mid-tempo, planant, avec un de bons gros riffs bien froids et vicieux...

FO : Cela n'était pas gagné d'avance, surtout vue la dégaine de Sanrabb, le chanteur-guitariste, lors de son entrée en scène. La dernière fois que j'avais vu quelqu'un à ce point anémique et zombifié, il s'agissait d'un homme qui s'était perdu en mélangeant opium et absinthe... Mais dès que la musique a démarré, c'était hypnotique. Même si Sanrabb a regardé fixement pendant une heure un point précis situé au-dessus de nos têtes (où il n'y avait rien, a priori), son allure renforçait encore l'aspect lancinant et litanique de certaines compositions, comme "Death to them all".

AG : Un autre chanteur auquel son corps joue des tours, c'est Ozzy Osbourne, le frontman de Black Sabbath...

FO : Oui, après 45 années d'existence (quand même!), ce groupe que l'on cite souvent comme étant le fondateur du heavy était venu couver sa descendance (combien de groupes programmés au Hellfest existeraient sans Black Sabbath ?). Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils ont assuré, avec un concert hard-blues-cuir de grande classe, agrémenté d'un très beau visuel (leur écran géant en background avait une résolution vegassienne). Mais au sujet d'Ozzy, comment dire... ?

AG : Je propose de reprendre les termes dont tu t'es servi tout à l'heure : sa prestation était un équilibre instable entre un aspect sombre et entraînant d'un côté, et un côté kitsch et grandiloquent de l'autre. Il ressemble à une vieille sorcière liftée et tremblotante ; sa "spéciale", c'est le combo je-décroche-le-micro-pour-arpenter-la-largeur-de-la-scène-mais-je-me-rends-vite-compte-que-c'est-trop-fatigant-alors-je-viens-reposer-le-micro-sur-son-support ; par ailleurs, il fait le débile entre les morceaux, et puis il ne chante vraiment pas juste, c'est clair.

FO : En même temps, il n'a jamais su chanter juste, ce n'est pas à 70 ans qu'il va commencer. Cette voix chevrotante et mal assurée fait aussi partie du son et de l'identité Black Sabbath. Le regretter, ce serait comme aimer Leonard Cohen mais trouver qu'il joue un peu trop avec sa voix grave... Un contresens, presque.

AG : Cela permet aussi au public de l'aider, en chantant avec lui, notamment sur des titres fédérateurs à l'instrumentation limitée, comme "Black Sabbath", où il chante presque a cappella au début... Ensuite, Ozzy dit qu'il nous aime, imite le coucou, et tout est à sa place, tout va bien...

FO : "Black Sabbath" qui a d'ailleurs été, de mémoire, le titre le plus lent joué sur une scène pendant ce festival. Preuve que dès l'origine (1970), les membres du groupe éponyme avaient poussé très loin les expérimentations sur la lourdeur du son...

AG : Cela dit, petit regret de ne pas avoir entendu de titre punchy de la période Heaven & Hell, mais c'est vrai que leur vocaliste d'alors, Ronnie James Dio, avait un style de chant très éloigné de celui d'Ozzy. N'empêche, un petit "Neon Knight" aurait eu de la gueule sur une telle scène et avec un tel son (car contrairement à d'autres groupes, Black Sabbath avait un super son sur la Main Stage 1)...

FO : Sans doute, mais dans leur formation actuelle, ils ne vont pas sur ce terrain. Il faut dire qu'avec les titres mythiques de la période 70-75 ("War Pigs", "Paranoid", etc.), ils ont déjà de quoi remplir trois setlists différentes...

AG : On pourrait en dire de même de Deep Purple, autre fondateur patenté du courant sombre et heavy du rock'n'roll à se produire au Hellfest... Ils n'ont même pas eu le temps de nous caser un petit "Highway Star" ou un "Child in Time"...

FO : Ils ne disposaient que d'une heure de show, et c'est vrai qu'ils ont accordé dans leur set une certaine importance à des morceaux plus récents (à partir des années 80), que l'on peut juger moins essentiels, surtout lorsqu'on les compare aux grandes chansons de l'album Machine Head qui ont été jouées, comme "Smoke on the Water", "Lazy" ou "Space Truckin'".

AG : En tout cas, la classe et la virtuosité étaient au rendez-vous, avec de nombreuses et très précises exécutions de solos, de la part de tous les instruments. Mention spéciale au clavier de Don Airey et à la basse de Roger Glover, qui ont envoyé des plans de très haut niveau pendant tout le concert.

FO : Sans parler du célébrissime riff de "Smoke on the water", même si son inventeur, Ritchie Blackmore, n'était pas là pour l'exécuter. Oserais-je te dire que dans la catégorie des glorieux anciens, j'ai préféré le live de Status Quo. Plus simple, plus direct, un gros boogie rock huilé et efficace, une ribambelle de tubes ("Caroline", "Down Down", "Roll Over", "Big Fat Mama" et même l'hymne pacifiste "In the army now"), notamment tirés de l'album culte Hello !... Que du plaisir !

AG : Un groupe de vieux briscards fédérateurs, c'est une denrée recherchée sur le marché des festivals. C'est ce qu'on appelle un bon groupe de l'après-midi : c'est artistiquement mort depuis trente ans mais ça joue toujours, c'est rock'n'roll, ça groove, c'est familial... Pour la recherche de sensations plus originales ou plus extrêmes, on attend que la nuit tombe... Avec Emperor, notamment.

FO : In the nightside Eclipse, l'album fondateur (et chef d'oeuvre absolu) du black symphonique joué en intégralité pour fêter les vingt ans de sa sortie. Que dire de plus ? Leur heure de live est passée à toute vitesse, comme un grand vent glacé. Les pieds fermement ancrés sur le sol, les frissons qui te parcourent l'échine te connectent avec la Terre. Pour ceux qui ont écouté ado In the nightside Eclipse, l'entendre adulte dans ce contexte, interprété par les membres originels du groupe (Samoth et Faust sont de la partie), c'était un peu comme raccorder une part essentielle de sa propre histoire au destin du monde...

AG : Oh, c'est beau, ça. C'est fou comme on devient lyrique lorsqu'on évoque Emperor. Mais leurs compositions sont magnifiques : c'est ultra-technique, violent (la double pédale faiblit rarement), harmoniquement complexe (les nappes de claviers sont souvent dissonantes), ça ne baisse jamais d'intensité, et en même temps ça procure une impression de grandeur et de plénitude, une puissance d'ouverture qui te raccorde aux éléments.

FO : Du coup, c'est un peu en décalage (productif) avec le look de prof d'arts plastique d'Ihsahn, le guitariste et chanteur... qui, comme Jeff Walker de Carcass, possède une voix criée incroyable, au timbre très original. Cela fait beaucoup pour l'identité du groupe. Sinon c'est vrai que si on les compare à Watain, Tsjuder ou Gorgoroth, c'est assez sobre sur scène : pas de corpse paint, pas de bracelets à clous, pas de crucifix renversé... Mais ce côté épuré, sévère, presque straight-edge, participe de la dimension singulière qu'Emperor a réussi à déployer, bien au-delà des frontières du black metal.

AG : On a parlé du black, on peut aussi évoquer le death, qui était plutôt bien représenté cette année. Il n'y avait pas que Carcass, mais aussi Unleashed, Pungent Stench, Opeth, Nile, Brutal Truth, et... Death - enfin le tribute à ce groupe mythique dont le charismatique guitariste-chanteur Chuck Schuldiner est mort en 2001... Alors il se trouve que cette scène dédiée à Death avait lieu en même temps que le concert d'un des plus grands groupes de trash metal : Slayer. C'était d'ailleurs un des dilemmes les plus compliqués proposé par le running-order. Parce que bon, c'est sûr que quand Carcass est programmé en même temps qu'Avenged Sevenfold ou Millencolin, on n'hésite pas longtemps. Mais là, Slayer ou Death...

FO : Moi ça allait, c'était le vendredi, j'étais en train de cuver le Jägermeister, et mon unique dilemme c'était : est-ce que j'ai moins de chances de vomir en m'allongeant ou en restant assis... ?

AG : Je me suis finalement décidé pour Slayer, et j'ai pris une grosse claque. Leur setlist était parfaite, avec de bonnes tueries de trash old-school pour commencer, puis une bonne partie de concert tournée autour de l'album Seasons in the Abyss (ont notamment été jouées la chanson éponyme et "Dead Skin Mask"), et un petit "Angel of Death" pour se finir, en rendant hommage à leur guitariste Jeff Hanneman, disparu l'an passé. Un concert qui avait, à la fois, l'intensité démente des jeunes groupes et la force tranquille des anciens (les changements de tempos et l'exécution des breaks, magnifiques). Slayer a conclu une belle journée trash, après le live épique et accrocheur des Australiens de Destroyer 666, dégoulinant de riffs massifs et de solos techniques du plus bel effet. Et avant le concert de Death Angel, une autre légende du trash de la Bay Area, qu'on n'aura pas vu car on était un peu claqués, étant arrivés aux aurores vendredi matin...

FO : Oui, mais il ne fallait pas rater Conan à 11h du mat', une des révélations du festival pour moi : doom hyper-lourd, prestation scénique sobre et efficace... Pour revenir aux groupes qu'on a loupés vendredi, il faut citer Electric Wizard, que j'aurais bien aimé voir avec leur nouveau line-up.

AG : Le vendredi n'était pas la journée la plus triomphale pour nous cette année, mais on a quand même eu deux belles surprises en fin d'après-midi. D'abord Kadavar a livré un live hyper rock'n'roll, façon power trio stoner, assez éloigné du style hard-blues hipster qu'ils cultivaient à leurs débuts. Ensuite, Sepultura c'était bien mieux que ce qu'on pouvait craindre, même si c'était dans une formation qui n'avait plus grand chose à voir avec celle des origines (seul Paolo Jr. est resté à la basse). Un live rond et efficace, très axé sur l'album-charnière "Roots", et qui m'a semblé bien plus headbangant que le concert régressif de leurs compatriotes brésiliens de Soulfly (où officie Max Cavalera, l'ancien leader de Sepultura) le surlendemain... Cela nous ramène au death metal, dont on avait commencé à parler, notamment avec Unleashed et Pungent Stench, deux groupes qui ont construit l'essentiel de leur oeuvre dans les années 90.

FO : Unleashed, c'est un peu l'archétype du death metal suédois : puissant, carré, guerrier. Ils fêtaient leurs 25 ans et ils ont joué tous leurs hits ("Death Metal Victory", "Hammer Batallion", "Wir kapitulieren niemals", "Before the creation of time"...) - y compris le morceau culte "Midvinterblot". C'était très efficace, avec des riffs acérés, des refrains fédérateurs et des solos bien trashy. La surprise, elle venait plutôt des Autrichiens de Pungent Stench, dans la mesure où on ne savait pas trop à quoi s'attendre de leur part... Leur son et leur univers ont une telle personnalité sur disque qu'il était peu évident de prévoir ce que ça allait donner sur scène... Et ils ont livré un live très jouissif et groovy, idéal pour "commencer" (un peu tardivement) la meilleure journée du festival, le samedi.

AG : Journée au cours de laquelle on aura également eu l'occasion de se laisser planer sur le stoner-doom pénétrant d'Acid King... Une balade sonore massive, profonde et dynamique, accompagnée par la voix désabusée de Lori S. (la seule voix féminine qu'on aura entendu au Hellfest cette année, mais il faut dire qu'on a évité les propositions "lyriques" douteuses d'Angra ou, à un degré moindre, de Royal Thunder)... Avec sur l'écran derrière les musiciens, des petits montages d'images à la Kenneth Anger en mode repeat anarchique, sans aucune recherche particulière de synchronisation. Esprit "Acid test", à la Grateful Dead.

FO : C'était d'autant plus surprenant de voir quelques spectateurs slammer là-dessus... Je veux bien qu'on vienne dans un festival pour s'éclater, et qu'on reprenne certaines pratiques inscrites dans le folklore metal, mais là c'était en complète contradiction avec la musique, la lenteur des riffs, le bourdonnement de la distorsion... On verra à l'avenir si ce type de comportement se généralise avec la démocratisation du Hellfest, et l'attrait nouveau qu'il va exercer sur des publics "festifs" non mélomanes... En tout cas, les musiciens qui voyaient ça depuis la scène avaient une expression qui semblait dire : "Ok... Whatever..."

AG : Très beau set d'Acid King, mais pour moi la grande émotion du festival sur la scène Valley, ce fut Unida. Le dernier concert du dimanche soir, quand le corps et l'esprit réclament du repos et du silence, et qu'on se retrouve face à la version pour puriste du stoner rock le plus brut et le plus débridé, ça décape. Un triomphe pour John Garcia et ce groupe qu'il a fondé en quittant Kyuss à la fin des années 90.

FO : Je n'y étais pas, car retenu par 1349 (je tenais à finir le festival sur une irresponsable décharge de violence et de noirceur).

AG : Sans aller jusque là, Unida n'a pas fait dans le style "enfant de choeur" non plus. Par ailleurs, John Garcia aurait gardé un peu plus de public s'il n'avait pas commencé le set en disant : "Thank you for bein' here, considering that Black Sabbath is playing on the other stage, we appreciate that...". À ce moment là, trois mecs bourrés à côté de moi se sont regardés, ont dit : "Oh purée, ils jouent en ce moment, Black Sabbath ?!"... Et ils sont partis. Du coup, ils ont raté un des concerts rock les plus effrénés auxquels j'ai pu assister. Le groupe est bien rentré dans le lard de son public, et lui a même offert, en guise de final, une jam session de dix minutes ! Quelle pêche ça donnait pour rentrer à la voiture, avec la horde des morts-vivants de fin de festival...

FO : On rentre aussi parce que notre corps n'en pouvait plus, mais notre esprit, lui, serait bien resté voir Opeth, qui avaient l'air d'envoyer du lourd sur la scène Altar...

AG : Une petite anecdote crunchy pour finir... ?

FO : Tu veux vraiment que je raconte comment j'ai dû négocier avec un mec bourré qui tenait absolument à me dessiner une bite sur le front... ? Tu n'as pas mieux, toi ?

AG : Eh bien vendredi soir, en quittant l'espace presse, je bouscule involontairement un gros barbu... Je m'excuse auprès de lui, et voyant qu'il porte un t-shirt de Slayer, je lui dis avec un clin d'oeil : "Sorry man, but I'm on my way to see Slayer tonight !" - "No problem, man, I'll be there too, see ya !", me répond-il, hilare. Et il ne mentait pas... Au coeur de la nuit, il était bien là, au centre de la scène : c'était le bassiste et chanteur du groupe, Tom Araya.

 

 

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