Un nouvel ouvrage vient orienter quelques réflexions autour de l'art technologique. Il est rédigé par Pascal Krajewski, et s'intitule L'art au risque de la technologie, Les appareils à l'œuvre, volume I et II   . L'auteur remarque que depuis plusieurs années on a vu arriver dans les musées des œuvres qui tentaient de reprendre à leur compte l'évolution technologique : œuvres électrifiées, électroniques, numériques, ... (computer art, net art, web art, bio art, cyber art). Il décide alors de donner un statut conceptuel à ces œuvres qu'il appelle des "œuvres appareillées", et choisit de les adouber comme le dernier avatar englobant de l'aventure de l'hybridation.

Il propose une définition de l'art technologique, après avoir défini ces termes. Ce sont les œuvres dont le mode d'existence passe nécessairement par l'emploi d'un ordinateur, ce qui implique, de facto, que leur mode d'existence est un mode de fonctionnement puisque l'ordinateur doit rester branché pour que l'œuvre fonctionne.

Avec l'irruption de cet art, ce sont les données artistiques qui changent. D'abord le travail poïétique (pas d'affrontement entre l'artiste et une "matière"), d'un artiste qui désormais fait des réglages. Ensuite l'objet même qui devient instable, mobile, dynamique, en fonction de l'activation de son algorithmique interne. Enfin, le rapport au spectateur, rapport sur lequel nous reviendrons dans la "brève" suivante.

Cela étant, afin de préciser l'objet du débat, l'auteur élabore une distinction importante, qu'il est utile ici de présenter. Il distingue les techniques et les technologies. Voici comment : Il y a plusieurs sortes d'artefacts, précise-t-il. Parmi les artefacts techniques, il propose de distinguer deux classes : les objets qui répondent au besoin de l'homme d'agir sur son environnement et ceux qui ont pour tâche de le connaître. Le premier est un moyen d'action, tout en puissance, et l'auteur l'appelle "technique" ; le second est un moyen d'appréhension, tout d'information, et il le nomme "technologie".

Pour l'auteur, l'avènement du règne du technologique n'est rendu possible que par la profusion des appareils. Sur un plan général, l'homme n'habite plus le monde depuis longtemps (au sens de la Nature antique). Un tissu technique est venu revêtir et réchauffer la froidure naturelle, autorisant ainsi l'amélioration du confort de l'habitat humain. Le tissu technologique, quant à lui, vient se greffer entre l'homme et son habitat technique. Et de conclure : "si les appareils sont à la technologie ce que les machines sont à la technique, alors les appareils servent de médiateurs à des médiateurs, et leur part d'intelligence computationnelle leur permet de devenir des interprètes"   . Enfin, l'outil technologique devient beaucoup plus, montre-t-il, un partenaire dialogique. La technologie répond à l'homme   .

Le développement des arts technologiques a plusieurs incidences sur l'art et les pratiques artistiques. Dès lors qu'une œuvre est construite selon ces protocoles, elle devient à la fois, le fruit d'une mise en protocole du faire de l'artiste, l'intériorisation d'un protocole technologique, et la mise en place d'un protocole pour son activation.

Sur le plan de l'artiste-auteur doit suivre une nouvelle logique interne de la technologie. La création (?) se réalise non plus selon la logique de la confrontation à une matière, mais selon la logique protocolaire de la technologie. Le déplacement du sensible vers l'intelligible est patent. Il analyse et retouche des causes algorithmiques qui expliquent le rendu de son œuvre.

Sur le plan de l'œuvre, cette dernière n'existe que parce qu'elle fonctionne correctement en tant qu'appareil. Ainsi, remarque l'auteur, la plupart de ces œuvres sont-elles des installations qui nécessitent un véritable mode d'emploi pour apparaître.

Reste la question du spectateur, par laquelle nous prolongerons cette réflexion, dans la prochaine brève à paraître bientôt

 

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