Un opuscule rédigé par le célèbre théoricien américain du langage, qui rend hommage au mouvement de contestation pacifique "Occupy".
Regroupant plusieurs interventions, qu'il s'agisse par exemple d'une séance de questions-réponses au mouvement "Occupy Boston" ou d'un discours prononcé à l'université du Maryland, l'ouvrage Occupy partage plusieurs points communs avec l'ouvrage Indignez-vous ! de Stéphane Hessel, tant sur la forme que sur le fond.
Bien qu'il ne rencontrera probablement pas un succès d'une telle ampleur (comme on le sait, il s'est finalement vendu plus de 4 millions d'exemplaires de la brochure de Stéphane Hessel), Occupy est un livre politique d'un genre similaire en ce qu'il vise à diffuser un certain "esprit de résistance", à l'image du message de soutien apporté en préambule par Chomsky aux personnes du mouvement "Occupy" arrêtées par la police new-yorkaise.
Comme chez Stéphane Hessel, disparu en février de cette année, l'appel à ce sentiment noble qu'est l'indignation, qui doit mener par suite à la révolte (pacifique dans les deux cas), demeure très présent chez Chomsky, un auteur qui, à 84 ans, a traversé de part en part le XXe siècle ("J'ai connu la grande Dépression", affirme d'emblée Noam Chomsky au début du livre).
La thématique principale, qui sous-tend le début du livre, est celle du creusement des inégalités de richesses dans le monde, de leur hyper-concentration au profit de 1% de la population mondiale. Comme les acteurs du mouvement, il y dénonce l'hypertrophie du système financier dans l'économie mondiale. Faisant le parallèle avec "l'économie de la production" et le secteur industriel, il s'attarde un moment sur la solution de l'autogestion qui, on le comprend, a clairement sa sympathie. Il cite ainsi l'exemple des usines d'aciérie dans les années 70 aux Etats-Unis, en regrettant que la mobilisation ait à l'époque échoué de peu à contraindre le patronat de retenir cette voie. Aussi met-il en parallèle cet exemple avec le secteur de l'automobile aujourd'hui, nationalisé par le président Obama, regrettant à nouveau que l'autogestion ne soit pas plus qu'avant expérimentée.
Puis l'auteur de dénoncer pêle-mêle le danger du nucléaire, la "catastrophe écologique" qui s'annonce et qui est d'ailleurs déjà en marche, mais aussi la politique étrangère des Etats-Unis. Ainsi, dépourvu de tout contenu théorique, cet ouvrage constitue avant tout un livre de circonstance, exprimant un soutien politique et une véritable sympathie aux acteurs de ces mouvements. Bien qu'internationalement reconnu dans sa discipline, la linguistique, qui appartient au champ des sciences sociales, Noam Chosmky se refuse à toute statistique détaillée dans son argumentaire politique. Si on peut raisonnablement le suivre lorsqu'il concède que "ces pourcentages [des 99% et 1%] ne sont peut-être pas exacts, mais qu'il traduisent bien l'idée générale", on aura peut-être plus de mal lorsqu'il affirme sans démonstration que "le déficit [américain] serait tout simplement résorbé si notre système de santé était digne d'un pays développé".
C'est peut-être là toute la limite de l'exercice et du discours de Chomsky qui, lorsqu'il est interrogé à plusieurs reprises et de façon précise sur les modalités de la résistance, se garde bien d'entrer dans les détails et d'en appeler simplement à "l'instauration de réseaux d'entraide et d'une démocratie participative". Noam Chomsky ne formule donc pas de précepte clair concernant la structuration du mouvement "Occupy" aux Etats-Unis ou, en Europe, "les Indignés". Le livre ne vise pas à faire de l'auteur le héraut théorique dont le mouvement pourrait avoir besoin.
D'une sensibilité clairement anarchiste, "Occupy" rejoint sans contre-pied la continuité de ses engagements antérieurs (opposition à la guerre au Vietnam et à la politique étrangère américaine en général, critique des mass media, etc.).
Dans cet opuscule, Noam Chomsky ne cherche nullement à mettre en application ses concepts issus de la linguistique, même pas sur un mode vulgarisateur : "Occupy" est à prendre comme un livre émanant d'un citoyen américain toujours très engagé, et non pour un ouvrage (semi)théorique du linguiste et philosophe américain sur l'actualité politique et économique contemporaine mondiale.