Sous la forme d’un entretien avec Michel Soudais, Jean-Luc Mélenchon s’applique à expliquer, textes à l’appui, la déroute idéologique et électorale de sa famille politique. Après le troisième échec successif du Parti Socialiste à l’élection présidentielle, cette figure emblématique du PS n’est pas en proie aux doutes. Il est toujours en quête de gauche, et toujours plus à gauche.

Critique de la « social-démocratie » en Europe et dans le monde

« La social-démocratie c’est fini ! » : tel est le titre du chapitre premier de ce livre.  L’ancien ministre délégué à l’enseignement professionnel sous l’ère Jospin, dépeint un bilan désastreux de la social-démocratie européenne. Et renchérit : « Les sociaux-démocrates de toute l’Europe démantèlent méthodiquement l’Etat social qu’ils avaient contribué à bâtir en un siècle de compromis et de rapports de force ». Il se plait à démystifier les modèles d’Europe du nord comme celui de la Suède avec le « "blairiste" Göran Persson », le champion de la fermeture des bureaux de poste.  Parallèlement, Schröder accomplit « des exploits libéraux en matière fiscale » aidant les plus riches dès son premier gouvernement pendant que Tony Blair ferme plus de 15.000 lits dans les hôpitaux anglais…

Mélenchon ne se contente pas de contester par des exemples très précis l’action de la gauche européenne : si Tony Blair a gagné trois élections de suite c’est la conséquence triviale d’ « un mode de scrutin complètement archaïque et antidémocratique » (nos amis anglais apprécieront).

Selon l’auteur, la social-démocratie ne rime pas seulement avec renoncement mais aussi avec compromission. L’ancien président social-démocrate vénézuélien Andrès Pérez n’a pas hésité à envoyer l’armée pour réprimer le peuple en 1989 où 3.000 personnes perdront la vie.

Le sénateur de l’Essonne, avec la plus grande méticulosité, dévoile l’affiliation idéologique des partis de gauche européens aux thèses de Bill Clinton. On découvre que depuis 1984, les dirigeants socialistes français, avec François Hollande à sa tête, veulent faire triompher l’orientation « démocrate ».


Pour l'émergence d'une gauche réelle

Certes tout au long de l’ouvrage, il n’oublie pas de critiquer sèchement Ségolène Royal en la traitant de « sexiste féministe » et en l'accusant avoir utilisé sciemment « le terrorisme intellectuel et la victimisation » pour refroidir ses contradicteurs, mais il ne s’acharne pas sur sa personne. Il s’attache à mettre en perspective cette ligne « démocrate »  qui unit depuis des années le groupe des « transcourants » affecté d’une vision « archaïque » de la société où la question de la redistribution des richesses est écartée. Au-delà de ce réquisitoire, Jean-Luc Mélenchon érige en modèle les nouveaux régimes d’Amérique Latine et Chavez en ami et figure de proue. Assurément centré sur les réalités sociales, l’entretien ne soulève pas la question des libertés au Venezuela.

Sans réel espoir, l’auteur propose de revenir à un socialisme français fidèle à son histoire et ses valeurs républicaines. Lui, qui avoue avoir très fortement esquissé l’idée de se présenter à l’élection présidentielle en candidat unique du « Non », ne se fait guère d’illusions sur l’avenir du P.S. et son inévitable dérive droitière.

Face à l’endémie de « clintonite », et le risque que la gauche soit rayée de la carte politique, il  tente alors succinctement d’ouvrir un nouveau chemin avec l’émergence hypothétique d’une nouvelle force de Gauche, « l’autre gauche », regroupant socialistes, communistes, alter-mondialistes à l’image du parti allemand Die Linke.


Une fougue qui confine à l'excès

Fidèle à ses habitudes, Jean-Luc Mélenchon n’use pas de la langue de bois. Mais cet homme passionné s’enferme trop souvent dans ses propres excès : il remet en cause l’exactitude des résultats du référendum interne sur le traité constitutionnel du P.S. ; de même, il accuse le P.S. de relayer les positions de l’extrême droite vénézuélienne pendant qu’il vient à la rescousse du président Chavez attaqué sur ses discours subversifs.

Cette fougue exacerbée qui l’anime sur les estrades et que l’on retrouve tout au long du livre l'empêche de donner une réelle crédibilité à son analyse et des perspectives à un P.S. qui en aurait pourtant bien besoin. S’il se déclare choqué par le fait que l’on puisse adhérer au Parti Socialiste via le net,  espérons qu’il ne voit pas d’objection à ce que les internautes puissent acheter son ouvrage pour un peu moins de 20 euros en passant par nonfiction.fr



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