Les reportages de Curzio Malaparte pendant la seconde guerre mondiale, de la campagne d’Ukraine au siège de Leningrad.

C’est par un ouvrage presque introuvable que les éditions Les Belles Lettres ont choisi d’ouvrir leur nouvelle collection de Mémoires de Guerre. La Volga nait en Europe - qui rassemble les reportages effectués par Curzio Malaparte à partir de 1941 durant la campagne d’Ukraine et le siège de Leningrad - n’avait pas été publié en France depuis 1948.

Au long de ces chroniques, l’écrivain italien, correspondant de guerre pour Le Corriere della Sera, suit les troupes roumaines et allemandes dans les plaines d’Ukraine en flammes. Il y découvre des champs de bataille nettoyés par des troupes soviétiques qui reculent en emportant leurs morts et jusqu’aux traces de la guerre, rencontre des paysans inquiets pour l’avenir de leurs récoltes avec la disparition de l’administration de l’URSS, assiste à l’étrange remise en état d’une église, se perd dans des villes en ruines où il dîne avec de vagues fantômes de l’ancien régime. Puis, plus au nord, depuis les tranchées finlandaises, il observe la ville de Leningrad assiégée et les navires de Kronstadt pris dans la mer gelée. Il se perd dans les forêts de Carélie où les soldats finlandais évoluent en silence, étonnamment légers sur leurs skis, tandis que sur le lac Ladoga, qui garde l’emprunte des visages des morts, les soviétiques tentent de ravitailler la ville agonisante par un dangereux pont de glace. 

Au fil des pages, l’écriture de Malaparte devient plus lyrique, annonçant par endroits le ton baroque et fantastique de Kaputt, le roman qu’il tirera peu après de cette expérience sur le front de l’Est. 

Mais ce livre n’a pas qu’un intérêt littéraire. L’auteur de Technique du coup d’Etat, qui tient à se présenter comme un observateur objectif, y insiste sur la "morale ouvrière" des soldats soviétiques, de cette armée qui, au même titre que l’armée allemande, est une armée dont la discipline est "centrée sur la machine" contrairement aux armées vaincues par l’Allemagne au début de la guerre. Dans la préface rédigée en français pour l’édition française de 1948, il souligne le "sens social de cette guerre, dans laquelle, à côté des armes et des éléments se rapportant à l’art militaire […] prédominaient tous ces éléments sociaux de la lutte de classes et de la technique de l’action révolutionnaire ouvrière". Sens social que l’on retrouve dans les titres des deux grandes parties de l’ouvrage : "La guerre et la grève"   qui rassemble les reportages réalisés durant la campagne d’Ukraine, et "La forteresse ouvrière" qui relate le siège de Leningrad.

Dans sa préface – qui doit sans doute être examinée avec une certaine prudence, en gardant en mémoire les différentes facettes de l’écrivain   – Malaparte invite le lecteur à lire entre les lignes de ces chroniques dont peu de passages avaient à l’époque été censurés, et à y voir l’annonce de la défaite de l’Allemagne contre une armée formée par vingt-cinq ans de communisme… et peut-être plus encore

 

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