Ce texte constitue la première partie d'un grand entretien avec Gérard Noiriel.

 

Nonfiction.fr – Dans un livre théorique sur le travail des historiens paru il y a douze ans   , vous perceviez à travers les débats sur une éventuelle "crise" de l’histoire la difficulté des historiens à nouer avec la philosophie un dialogue fécond. Pour développer une épistémologie susceptible d’avoir de véritables résonances avec leur pratique, vous suggériez notamment l’intérêt que pourrait avoir une certaine institutionnalisation de la formation épistémologique des historiens. Avez-vous observé des évolutions sur ce terrain depuis la publication de ce livre ?

Gérard Noiriel – Les termes "histoire" et "historien" recouvrent une multitude de pratiques et aujourd’hui, ce qui s’est aggravé ou en tout cas développé – si on ne veut pas émettre de jugement de valeur par rapport à l’époque où j’ai écrit Sur la "crise" de l’histoire   – c’est la division du travail dans le métier. On trouve maintenant des historiens qui sont nettement plus formés en épistémologie qu’il y a trente ou cinquante ans et certains collègues ont une véritable culture épistémologique. Mais aujourd’hui comme hier, ils ne représentent qu’une toute petite partie de la profession. Je pense que cette évolution, qui a été impulsée par des gens comme Paul Veyne ou Michel de Certeau, n’a pas permis de transformer ce que j’appelais dans ce livre "la science normale de l’histoire", celle qui est pratiquée par la grande majorité des historiens.

De ce point de vue là, l’épistémologie – il faudrait d’ailleurs définir le mot, mais prenons-le dans son sens philosophique – n’a pas été efficace pour la discipline. La raison pour laquelle elle ne l’est pas, selon moi, c’est qu’une discipline scientifique, c’est avant tout une pratique sociale, et non pas quelque-chose d’abstrait, une "idée" d’histoire, un but vers lequel on irait. Or dans cette pratique, on est confronté à des forces très lourdes, institutionnelles surtout, liées notamment à son enseignement, mais aussi à sa réception au-delà du marché des professionnels, dans le grand public, etc. Dans cette perspective-là, j’avais fait la critique de l’épistémologie de Paul Veyne parce qu’elle me semblait écrite dans un langage inconnu de la quasi-totalité des historiens. Ce qui m’avait frappé également, c’est le degré d’aliénation qui existe parmi les historiens. J’avais vécu cela en tant qu’étudiant, avec Marx, dont le rayonnement m’avait incité à me former en autodidacte à la philosophie : je faisais de l’histoire le jour et je suivais des cours du soir en philosophie, cours qui avaient surtout pour but de comprendre Le Capital. Avec le désenchantement à l’égard du marxisme, ce savoir théorique ne m’a guère été utile. Néanmoins, comme j’avais tenté d’"apprendre à marcher dans la théorie", comme nous le demandait le philosophe marxiste Louis Althusser, j’ai gardé quelques rudiments d’une gymnastique intellectuelle qui m’a servi à critiquer ceux qui faisaient de l’esbroufe avec des pseudo-traités de philosophie historique ou d’épistémologie historique, pour justifier leur petit savoir.

Pour dire les choses autrement, la conception de l’épistémologie historique que présentait Paul Veyne dans Comment on écrit l’histoire   me semblait être inefficace, parce qu’il s’adressait explicitement à un public d’historiens professionnels – il dit constamment dans ce livre : "nous historiens" – tout en leur parlant un langage que seuls des professionnels de la philosophie pouvaient comprendre.

Ce livre est paru au début des années 70, à une époque où la théorie était très à la mode. A la faculté de lettres de Nancy, où j’ai fait mes premières années d’études supérieures, je suivais un cours de "théorie de la littérature" dispensé par Guy Scarpetta, un émule de Philippe Sollers. A l’époque, je n’avais pas lu Bourdieu, mais je ressentais cet enseignement – auquel je ne comprenais strictement rien, sans doute parce qu’il n’y avait rien à comprendre – comme une forme de domination symbolique. Cela a fait fuir beaucoup d’étudiants. Mais dans mon cas, ça a fonctionné comme une incitation à la lecture, parce que je ne pouvais pas admettre de ne pas comprendre. Et c’est en me plongeant dans la lecture des ouvrages qui étaient en vogue (Lévi-Strauss, Althusser, Foucault, Deleuze, Lacan, etc.) que j’ai forgé peu à peu les armes avec lesquelles j’ai ensuite défendu ma pratique de chercheur contre ceux qui me prenaient de haut.

La plupart des historiens qui convoquent cet ouvrage de Paul Veyne se contentent d’une phrase du genre : "Comme le dit Paul Veyne, l’histoire est une intrigue". Cela me rappelait ma période marxiste où la formule "comme le dit Marx" suffisait à clore une discussion. Lorsque Marx n’a plus été à la mode, beaucoup de gens se sont contentés de changer de cheval. Ils ont cité Derrida, Gadamer, Ricœur, etc. Pour ma part, le désenchantement à l’égard du marxisme m’a conduit à changer mon rapport à la philosophie.

Si l’on examine ce qui se publie aujourd’hui chez les historiens universitaires, force est de constater que l’intérêt pour les sciences sociales a plutôt régressé, en dépit de la diversification des champs de recherche.

Vous disiez tout-à-l’heure qu’il faudrait définir ce qu’on entend par épistémologie : qu’est-ce que ça peut être, l’épistémologie de l’histoire ?

L’épistémologie peut effectivement être définie de différentes manières. Pour Pierre Bourdieu, cela consistait à "savoir ce qu’on fait quand on cherche". C’est une définition qui me convient. Dès le début du XXe siècle, Max Weber avait écrit que l’historien n’avait pas plus besoin de connaître l’épistémologie pour faire ses recherches, que les individus n’ont besoin de connaître l’anatomie pour marcher. Et c’est vrai que les meilleurs historiens (comme les meilleurs physiciens) sont rarement les meilleurs épistémologues.

Dans ce livre sur la "crise" de l’histoire, j’ai beaucoup insisté pour qu’on distingue bien l’histoire en tant que pratique professionnelle et les discours sur l’histoire. Pendant longtemps, j’ai été littéralement obsédé par ce problème de l’écart entre la pratique et le discours sur la pratique. C’est ce qui m’a conduit, y compris dans mes travaux empiriques, à accorder une importance de plus en plus grande à la question des justifications que les individus donnent à leurs actions.

Bref. Si l’on définit l’épistémologie comme le fait de "réfléchir sur ce qu’on fait", je suis pour. Mais si c’est pour dégager les lois de l’histoire ou construire une théorie présentée comme la clé qui ouvrirait toutes les serrures, ça ne m’intéresse pas.

Dans une note récente de votre blog inspiré par les réflexions de Pierre Bourdieu, vous évoquez "l’immense écart qui exist(e) entre les pratiques des historiens et leurs discours sur ces pratiques". Et déjà en 2003, vous écriviez que "les discours sur l’histoire ne sont pas de l’histoire et pourtant nous ne pouvons pas nous en passer car nous avons besoin de justifier ce que nous savons faire."   Quelle peut être alors être la scientificité ou, pour reprendre le mot de Foucault, le "régime de vérité" de l’histoire ?

Vous voyez, là encore, combien je reste préoccupé par ces questions de justification. Je pense qu’on ne peut pas dégager des critères qui définiraient la Vérité (avec un grand V) en histoire. Le régime de vérité de l’histoire, c’est celui qu’en donne les historiens. La philosophie pragmatiste (au sens large du terme) m’a beaucoup aidé à clarifier ces problèmes. Je pense que les historiens ont intérêt à définir la vérité historique en se référant aux philosophies qui ne leur demande pas d’échapper, par un coup de baguette magique, à leur sphère de compétence. Au lieu d’aller chercher dans je ne sais quel philosophe les secrets de notre discipline, faisons en sorte que nos actes soient en accord avec les règles qui gouvernent notre profession. Nos institutions nous imposent des normes – par exemple les règles de la soutenance de thèse, du recrutement des jeunes chercheurs, etc. – qui sont aussi des normes implicites concernant le savoir. La première de ces normes implicites, c’est l’idée que nos pratiques reposent sur une communication partagée par tous les membres de notre communauté professionnelle. C’est bien parce qu’on postule qu’il existe une communication partagée – par exemple, entre un étudiant qui soutient sa thèse et ses juges – que notre activité a du sens. Dès que nous acceptons de faire partie de cette communauté professionnelle, nous acceptons cette norme, même si nous n’en sommes pas conscients. Voilà le point dont il faut partir quand on veut réfléchir sérieusement à l’histoire, en tant que connaissance scientifique.

La vérité, c’est aussi un problème pratique. Quand on attribue une bourse à un étudiant au détriment d’un autre, il faut bien donner des raisons, sinon on est dans l’arbitraire le plus total. Cette question me préoccupe peut-être plus que d’autres, mais il me semble important de savoir quel type de pouvoir j’exerce ; car nous avons un pouvoir qui n’est pas négligeable, puisque nous orientons la carrière et donc la vie de ces gens. Il faut en rendre compte et adopter des règles pour ne pas verser dans l’arbitraire. Ces règles supposent des critères, et des critères qui soient partagés. Ce sont donc ces principes là qui fonctionnent de fait dans nos disciplines, et se sont ces problèmes que nous devons affronter en tant qu’historiens au lieu de s’enfermer dans de grandes discussions théoriques que nous ne maîtrisons pas parce que nous ne sommes pas des philosophes professionnels. Comme vous le voyez, j’ai un rapport très pratique à la connaissance.

En 2003, dans Penser avec, penser contre, vous êtes justement revenu sur votre rapport personnel à la philosophie, et notamment aux travaux de M. Foucault et de R. Rorty. Or autant le premier est devenu une référence importante dans l’historiographie française contemporaine, autant la référence au pragmatisme y reste particulièrement rare. Pourriez-vous revenir sur votre rapport à ces auteurs ? Et par ailleurs, d’autres auteurs ou d’autres domaines de la philosophie vous semblent-ils mériter particulièrement que les historiens leur tendent l’oreille aujourd’hui ? 

On pourrait discuter longtemps sur la question du "mérite". Pour moi il ne s’agit nullement de dresser un Panthéon des grands Auteurs, mais de trouver dans la littérature philosophique des outils adaptés à mon travail et à mes intérêts. J’ai été très marqué par la lecture des ouvrages de Richard Rorty parce que j’y ai retrouvé beaucoup de mes préoccupations. J’ai cherché dans la philosophie des arguments me permettant de défendre ma pratique d’historien ou plutôt de socio-historien. Là encore, c’est une référence à Max Weber qui me vient à l’esprit. Je ne sais plus exactement dans quel texte il dit, en gros, aux historiens : l’épistémologie (conçue comme discours sur les fondements de la science) ne vous servira à rien, sauf qu’elle vous fournira le langage grâce auquel vous pourrez défendre votre pratique face à ceux qui voudront vous faire taire avec de grandes théories.

J’ai lu Richard Rorty dans la même perspective. Ces écrits m’ont été très utiles pour combattre ceux qui, dans ma discipline, cherchaient à imposer la suprématie de leur domaine de recherche au nom d’arguments théoriques. Mais j’insiste sur le fait que je ne me considère nullement comme un philosophe. Mon but n’est pas de porter un jugement global sur l’œuvre de Rorty (j’en serai d’ailleurs incapable), mais d’intervenir dans les usages que les historiens font de la philosophie, en mobilisant le pragmatisme contre les théories qu’on appelle "fondationnalistes". Tout cela peut paraître compliqué, mais au fond c’est très simple. J’ai toujours eu pour principe de défendre ce que je faisais jusqu’à ce qu’on m’ait démontré le contraire.

Il faut dire un mot sur le contexte intellectuel dans lequel j’ai écrit ce livre sur la "crise" de l’histoire. L’histoire sociale, dont j’étais proche, était alors fortement dévalorisée par les partisans du linguistic turn qui découvraient très naïvement l’importance du langage. En gros, ces historiens affirmaient que leur domaine de recherche (l’histoire du langage, de l’imaginaire, des représentations) était plus important que les autres parce que la réalité n’était accessible que par le biais du langage. Je me suis appuyé sur les écrits de Richard Rorty pour critiquer ce vieil argument nominaliste. Je pense que ces enjeux sont moins sérieux aujourd’hui parce que les polémiques ont reculé, mais à l’époque il fallait monter au créneau. Y compris pour défendre nos étudiants, parce que quand des étudiants sont venus vers vous et ont fait une thèse sous votre direction, vous êtes tenu de défendre la légitimité de leur travail. Vous voyez en tout cas que ce sont toujours des questions pratiques qui ont motivé mes engagements et mes choix dans le domaine philosophique. Contrairement à ce qu’écrivait Roger Chartier dans le compte-rendu, par ailleurs très positif, qu’il a publié sur la "crise" de l’histoire   , je n’ai jamais été hostile à la philosophie. Affirmer cela, c’est réduire la philosophie à une seule de ses composantes : la philosophie fondationnaliste. Mais les gens dont je me réclame : Wittgenstein, Rorty ou Bouveresse, sont aussi des philosophes, et non des moindres.  Je connaissais assez mal l’œuvre de Jacques Bouveresse  à l’époque, mais j’en suis très proche intellectuellement. Bien qu’il soit un philosophe professionnel par excellence, il s’est toujours battu contre les usages policiers (ou judiciaires) de la philosophie. 

Prenons donc ce cas précis : vous pensez donc qu’il y a chez Bouveresse des outils qui pourraient être utiles à des historiens aujourd’hui ?

Quand on le lit, on comprend que la philosophie est une discipline de professionnels. J’ai découvert ses travaux en cherchant à mieux comprendre la notion de "jeux de langage", développée par Wittgenstein. Mais en lisant Bouveresse, je me suis rendu compte que tout cela était terriblement compliqué. Bouveresse est un philosophe utile aux historiens tout d’abord parce qu’il nous permet de mesurer nos limites, alors que d’autres philosophes dissertent sur le sens commun en laissant croire que la philosophie est spontanément accessible à tous, ce qui est le piège par excellence. Et puis dans d’autres essais de Bouveresse, et notamment dans ses cours publiés chez Agone sur la croyance ou sur la connaissance de l’écrivain   , j’ai aussi trouvé des choses qui m’ont servi plus directement, et plus ponctuellement. D’une manière plus globale, je crois qu’il peut être utile à des historiens comme moi par les batailles qu’il a lui-même menées dans sa défense de la science contre ceux qui, à l’instar de Bruno Latour, veulent nous faire croire que les sciences sociales ne sont qu’une forme de littérature   . Tout individu exerçant un métier défend ce qu’il sait faire. Pour moi les chercheurs en sciences sociales qui refusent d’assumer le caractère scientifique de leur travail, se comportent comme des aristocrates refusant de justifier leur pratique.

J’ai vu comment des historiens-journalistes comme François Furet avaient utilisé la dénonciation du "positivisme" pour casser l’autonomie de la recherche historique en faisant croire à leurs lecteurs qu’un article du Nouvel Observateur pouvait être mis sur le même plan qu’un article dans une revue savante. La critique du positivisme permettait de se placer sur les hauteurs de la réflexion philosophique pour dénoncer les besogneux de l’archive.  Cette division du travail me paraissait (et me parait toujours) très injuste. Mon apprentissage, je l’ai aussi fait dans ce monde là. Venant de l’extérieur, je n’y comprenais rien au début, et progressivement, j’ai cherché des points de repère me permettant de prendre des positions qui correspondaient vraiment à ce que j’étais, à ce que je voulais faire dans cette discipline.

Défendre l’autonomie de la science ne signifie pas que l’on ne puisse avoir aucune activité en dehors de la recherche.  Moi-même j’en ai beaucoup. Mais il ne faut pas mélanger les genres. Le pragmatisme, j’y reviens, c’est la clarification des activités : oui, on a le droit de se livrer à différents types d’exercices, mais il faut à chaque fois les caractériser. Quand je fais un livre de vulgarisation, je trouve toujours un moyen de glisser que c’est une synthèse, que ce n’est pas un travail de première main, pour donner au lecteur des outils lui permettant d’évaluer ce qu’il lit.

A la fin des années 1990, vous avez tenté de lancer un débat sur l’histoire du temps présent, tout en déplorant la grande difficulté à mener des discussions et à négocier des accords en sciences sociales. Ce débat  a-t-il finalement pu avoir lieu ? En général, les historiens vous semblent-ils avoir avancé dans le développement d’une nouvelle éthique de la discussion adaptée aux spécificités de leur genre de savoir ?

Le premier chapitre de ce livre s’inscrivait effectivement dans un débat par rapport à l’histoire du temps présent, et je disais que ce rapport au présent, on pouvait l’envisager de différentes manières. Celle que prônait l’Institut du temps présent, lié à Sciences Po, en était une parmi d’autres. Ce qui me gênait, dans cette conception de l’histoire largement dominante à l’époque, c’était la valorisation de l’expertise historienne (on était à l’époque du procès Papon). Cela me semblait inadmissible parce que je pensais – je le pense toujours – que l’autonomie de la discipline était malmenée. Les historiens positivistes avaient au moins eu le mérite d’affirmer qu’il faut une distance du temps pour pouvoir faire de la science objective. Aujourd’hui, cela peut bien sûr sembler naïf, mais ils avaient raison de souligner que si on supprime la distance du temps sans la remplacer par rien, on fait du journalisme historique, ou de l’expertise, mais plus de la science historique. Dans ce livre, j’ai pris un certain nombre d’exemples, à partir de controverse de l’époque. Cela m’a évidemment valu une volée de bois vert de la part des collègues ayant un accès direct aux grands journaux. Néanmoins, la controverse a eu des effets à retardement. C’est toujours comme ça dans notre monde. Quand vous avez le courage – il faut bien le dire ainsi – de monter au créneau contre des gens qui sont en position dominante, vous n’avez aucune chance de l’emporter sur le coup. Mais les choses changent avec le renouvellement des générations. J’ai vu récemment un certain nombre de jeunes historiens qui ne dépendaient pas de ces réseaux dominants reprendre la problématique du passé/présent que j’opposais à l’histoire du temps présent.

Les choses ont-elles progressé au niveau de la discussion scientifique dans le monde des historiens ? Je dois d’abord avouer honnêtement – puisqu’il faut aussi être lucide sur soi-même – que j’ai toujours prôné la discussion mais que je ne suis pas nécessairement un modèle sur ce plan. J’ai essayé de m’améliorer en adoptant une manière d’écrire plus respectueuse du point de vue des autres. J’incite les jeunes à mettre peut-être davantage de formes, à être plus sociables et conviviaux avec leurs collègues que je n’ai pu l’être. On est sans doute plus efficace lorsqu’on est plus tolérant dans son écriture. Ceci dit, je ne pense pas que cela suffise à créer un véritable espace public de l’histoire où les arguments pourraient être échangés de manière conviviale. Il y a d’une manière générale un progrès dans la sociabilité des sciences sociales – on n’est plus à l’époque des grandes polémiques – mais ça n’empêche pas que dans les cuisines de la recherche, il y ait toujours les mêmes affrontements.

Je me suis fixé comme règle déontologique d’exprimer publiquement mes points de vue, mes critiques. Je n’ai donc jamais été partie prenante des multiples polémiques à caractère privé qui existent dans notre milieu. En revanche, j’ai été très exposé dans les débats publics, parce que c’est aussi ma conception du respect des personnes : quand vous critiquez quelqu’un publiquement, c’est que vous avez une forme de respect pour ce qu’il a écrit – sinon, vous n’en dites rien. C’est aussi cela qui souvent n’est pas bien compris. Sur la forme, j’aurais pu poser les questions d’une manière différente, mais sur le fond, je reste fidèle à ce que j’ai écrit



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