La mesure faisait partie des 60 engagements de François Hollande, elle est parmi les premières annonces du ministre de l’Intérieur Manuel Valls. Les zones de sécurité prioritaires seront créées en septembre. L’objectif est clair : lutter contre l’économie souterraine et les violences urbaines. Dans ce sens, il s’agira de créer cent nouvelles zones, au sein desquelles la police et la gendarmerie auront vocation à collaborer afin de mettre en place un renseignement territorialisé. Si elles illustrent l’effort général du gouvernement pour prendre en main les questions de sécurité dans un esprit nouveau, illustré par la recherche d’une meilleure intégration du travail policier dans la chaîne judiciaire, elles soulèvent aussi des questionnements.
Les intentions sont bonnes, les résultats à court terme le seront sans doute autant. Pourtant, ce type de zonage n’est pas sans danger. Traditionnellement, la délimitation de zones (zones d’aménagement concerté, zones urbaines sensibles, zones franches urbaines, etc.) est utilisé par les politiques de la ville pour territorialiser les aides destinées à un quartier en difficulté qu’il s’agit de développer. L’usage de cet outil par les forces de l’ordre est une première. La détermination d’espaces particulièrement criminels aussi. Les effets secondaires du traditionnel zonage avaient déjà révélé un rapide glissement de représentation. Aujourd’hui, l’appellation "ZUS" résonne davantage comme le symbole d’une France menaçante que d’une France malade. Il faut ajouter à cela qu’une grande partie des espaces concernés recouvrira sans doute largement les morceaux de territoires déjà inclus dans les précédentes politiques de zonage. Cette solution pourrait s’avérer contre-productive puisque les quartiers en relégation glisseront encore davantage vers l’exclusion en même temps qu’ils entreront officiellement dans le rang des zones dangereuses.
Pour estomper ces risques, une réflexion préalable doit être lancée. Le ministère n’a encore livré que peu d’informations sur le sujet. Cependant, il a d’ores et déjà annoncé que les zones en question présenteraient des profils variés – du centre-ville à la banlieue, en passant par certains quartiers résidentiels périphériques. Bien qu’au cœur du dispositif, les espaces en relégation déjà cernés par les politiques de la ville ne seront pas considérés comme les seuls lieux de criminalité. Pour être efficace et limiter les effets indésirables, cette réflexion globale nécessite d’intégrer les zones de sécurité prioritaires à un plan d’ensemble à l’échelle de la France - ici prévu pour être piloté par une mission interministérielle. La lutte contre les crimes et les délits passe par une meilleure connaissance des territoires et par des politiques en mesure d’être adaptées aux spécificités locales, tout en demeurant pensées au niveau national. Le défi semble de taille face à une situation troublée. Didier Fassin, anthropologue, a montré à quel point les policiers en mission dans les quartiers sensibles considéraient les populations non comme des citoyens usagers d’un service public mais comme des masses hostiles. La territorialisation des moyens des forces de l’ordre permettra-t-elle de renouer le lien entre police et habitants des zones "dangereuses" et de réconcilier sécurité et égalité ?
* A lire aussi sur Nonfiction.fr, un dossier sur la politique de la ville.