L'écrivain français François Plassat, fin connaisseur des Beatles, a fait l'état des lieux de leur discographie aussi labyrinthique que passionnante.

Près de deux cent pages, richement illustrées, finement argumentées et d'une impressionnante lisibilité : voici ce que propose aujourd'hui François Plassat, déjà auteur d'une belle biographie de Paul McCartney. Ici, il se risque à commenter la discographie des membres des Beatles - et non pas des Beatles, la nuance est importante. Ainsi, le lecteur suit les albums des quatre garçons dans le vent jusqu'à leur séparation houleuse, en 1970, et peut ensuite se plonger dans les projets de John Lennon, Paul McCartney et aussi, moins connus, de George Harrison et de Ringo Starr.

Sans esbrouffe, sans facilité et avec toujours la petite pointe de subjectivité qu'il se doit, François Plassat accomplit ici un ouvrage indispensable, tant destiné aux connaisseurs qu'aux néophytes (si tant il y en ait encore de nos jours...), et réussit à surprendre au détour d'une face B ou d'une étonnante anecdote... Nonfiction.fr se devait d'en savoir plus, comme en témoigne cette passionnante interview.

 

Nonfiction.fr - Pourquoi et comment s'attaquer à un projet aussi… titanesque ?

François Plassat- Tout d’abord, simplement parce que cela n’existait pas. Concernant les Beatles, les ouvrages se comptent par centaines à travers le monde, mais ils retracent le plus souvent la biographie du groupe. Ainsi, on connaît aujourd’hui tout de leur histoire, mais la musique n’y est paradoxalement évoquée qu’en surface, et en particulier celle qu’ils ont produite une fois séparés. J’ai donc voulu créer un véritable guide critique, chronologique et pratique. J’ai également cherché à mettre tout cela en perspective car le nombre d’albums produits par ces quatre musiciens en maintenant 50 ans constitue un corpus absolument considérable et finalement assez mal connu, à l’exception de leurs disques phares. Avec ce livre, les plus curieux pourront ainsi découvrir (ou redécouvrir) les centaines de chansons signées Lennon, McCartney, Harrison et Starr et trier le grain de l’ivraie. C’est un peu le genre d’ouvrage que j’aurais aimé pouvoir consulter lorsque moi-même, il y a bien longtemps, j’ai commencé à m’intéresser aux Beatles. Et pour terminer, j’espère surtout que, une fois qu’ils auront refermé ce livre, mes lecteurs n’auront qu’une envie, c’est de réécouter toutes ces musiques, et rajouter au plaisir que constitue la découverte d’un album, cette entité créative qui commence à être menacée par la consommation numérique.

 


Nonfiction.fr - Quels sont les pièges à éviter ?

François Plassat- Le recensement précis des 170 albums présentés dans le livre ne présente aucun piège. Tous ne sont pas gravés dans le marbre, et il y a naturellement quelques vilains petits canards, en particulier une poignée de disques “expérimentaux” très éloignés des standards des Beatles, et qui pourraient décevoir un public non averti. Bien que l’exercice soit délicat et forcément partial, j’ai pris la liberté de noter chacun des albums afin de guider le lecteur entre les disques anecdotiques et les authentiques chefs-d'œuvre. Mais s’il reste une perle rare sur un disque médiocre, je le mentionne dans mes commentaires. Ceux-ci restent naturellement très personnels, et ils n’engagent que moi (quitte à me faire crucifier à distance par d’éventuels contradicteurs).

 

Nonfiction.fr- Avez-vous fait des découvertes vous-mêmes lors de vos recherches et la rédaction de votre ouvrage ?

François Plassat- Je dois dire, sans aucune prétention, que je n’ai fait que de très rares découvertes. Depuis 1970, j’ai acheté dès leur sortie et écouté avec appétit tous les disques évoqués. C’est mon côté “fan”, par ailleurs totalement assumé. Mais la rédaction du livre m’a amené à replonger dans tout ça avec le même plaisir et la même passion… Une telle production donne toujours le vertige, et si les Beatles demeurent une référence musicale majeure, c’est bien à leur musique qu’ils le doivent, plus qu’à leur image iconique.

 

Nonfiction.fr - Vous avez aussi chapeauté le design du livre - quel est votre regard sur l'identité visuelle des Beatles ?

François Plassat- Le groupe a presque toujours eu un regard très exigeant sur cet aspect des choses. Des pochettes telles que celles des albums Revolver, Sgt.Pepper’s Lonely Hearts Club Band et de l’Album Blanc étaient alors extrêmement novatrices et ont considérablement fait évoluer le langage graphique des pochettes de disques, parallèlement à l’évolution musicale de l’époque. D’autres pochettes, comme celle d’Abbey Road, sont très simples. Mais c’est le contenu même de l’album qui en a fait avec le temps une image emblématique et forte. Tout ce travail a eu un impact très fort sur l’imagerie du groupe, surtout à une époque où les images étaient rares : peu de télé, peu de presse, et pas encore d’Internet. C’est pour cela que tous ces visuels gardent une telle puissance évocatrice. La numérisation de la musique et la disparition progressive des supports physiques auront sur le marché un impact négatif. Les principaux acteurs du métier n’ont pas encore pris la véritable mesure de ce phénomène. Le poids commercial de l’imagerie d’un groupe trouve, avec Pink Floyd, son exemple le plus probant. Quel aurait été son succès sans les visuels emblématiques de chacun de ses albums ? C’est difficilement quantifiable, mais certainement pas anecdotique. Mon livre regorge de pochettes de disques parce qu’elles sont des repères forts et souvent nostalgiques, comme un certain nombre de lecteurs me l’ont fait remarquer avec bienveillance. Je n’ai donc pas boudé mon plaisir et cela contribue à rendre le livre vivant et attractif. Tout du moins je l’espère