On savait The Economist hostile aux positions du gouvernement français sur l’immigration, notamment depuis le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy. L’éloge que l’hebdomadaire britannique fait du livre d’Ian Goldin, Geoffrey Cameron et Meera Balarajan, Exceptional People : How Migration Shaped Our World and Will Define Our Future (Princeton University Press) confirme que sa vision des mouvements migratoires à l’heure de la mondialisation est parfaitement incompatible avec celle du président de la République.


Cet ouvrage présente en effet des chiffres étonnants : si les pays riches acceptaient dans leurs frontières suffisamment d’immigrants pour augmenter leur main d’œuvre de 3 %, le monde serait plus riche de 356 milliards de dollars par an. Dans un contexte où la différence de salaires entre pays riches et pays pauvres est beaucoup plus grande qu’il y a un siècle, et où une personne qui quitte son pays peut être à peu près sûre de pouvoir "skyper" sa famille de son pays d’arrivée, les motivations au départ sont nombreuses. Le nombre de migrants internationaux aurait ainsi doublé en un quart de siècle pour atteindre plus de 200 millions de personnes.


A partir de ces données factuelles   , Exceptional People passe en revue les coûts et bénéfices de la migration à l’ère moderne. Globalement, elle apparaît comme une chance pour le pays d’accueil et le pays d’origine. La perspective du départ incite des migrants à acquérir des compétences qu’ils peuvent proposer à l’étranger. Certains décident finalement de ne pas partir, d’autres partent pour revenir avec d’autres qualités, de nouveaux réseaux professionnels et, en général, plus d’argent. En ce sens, même si la fuite des cerveaux peut avoir des conséquences nuisibles à court terme- comme dans le cas des docteurs libériens, qui travaillent à 43 % en Amérique du Nord-, elle peut être globalement considérée comme utile aux pays d’origine.


Enfin, alors que les prophètes de malheur annoncent sans détour que le réchauffement de la planète élèvera à 200 millions le nombre de réfugiés climatiques en 2050, les trois auteurs se veulent plus nuancés. D’après les inondations qui ont touché le Mozambique en 2000 et la côte américaine du Golfe, la plupart des victimes reviennent chez eux après ce type de catastrophes.
Ainsi, le constat est clair : les mouvements migratoires ne s’accélèreront pas nécessairement pour des mauvaises raisons mais parce que les pays riches auront toujours besoin d’une main d’œuvre jeune et dynamique, dans les professions de la santé notamment. La compétition pour attirer des travailleurs qualifiés devrait aussi s’intensifier à mesure que la demande augmente. Au moment où le débat en France sur la possibilité d’une gouvernance globale des migrations continue, peut-être faudrait-il s’appuyer sur des éléments de réflexion comme ceux-ci pour mieux différencier enjeux politiques intérieurs et tendances mondiales irréfutables

 

* "The future of mobility", The Economist, 26 mai 2011. 

 

A lire aussi : 

- Une analyse du troisième sondage de TNS Sofres/ German Marshall Fund, publié en février 2011, sur la perception de l'immigration en Europe.