Cet ouvrage d'introduction présente toute la diversité des théories du care. Ce concept y apparaît plus intéressant appliqué à la critique sociale que dans ses dimensions philosophiques et normatives.
L’ouvrage de Marie Garrau et Alice Le Goff se présente comme une "introduction aux théories du Care". C’est donc l’occasion de tenter de cerner ce qui se cache sous ce terme quelque peu énigmatique. Dès l’introduction, le care est défini comme "une attitude envers autrui" . Mais, quelques lignes plus tard, il nous est dit que le terme oscille en fait entre "l’attitude" ("l’attention", le "souci" ou encore la "sollicitude") et un certain type d’action ("le soin") – ce qui montre que le concept de care admet donc un certain jeu .
Au-delà du concept même de care, les théories du care (non pas les théories qui cherchent à définir le concept de care, mais celles qui en font usage) se présentent comme une "conception alternative du sujet" qui s’oppose à une vision traditionnelle selon laquelle les champs de la morale et de la politique sont constitués par des interactions entre des individus autonomes et autosuffisants et ont pour norme fondamentale la norme de réciprocité. Plus précisément, les auteurs identifient deux thèses communes à toutes les théories du care. Premièrement, "nous sommes tous fondamentalement vulnérables" car "le développement de nos subjectivités de même que leur maintien dépendent d’autres qui prennent soin de nous, de leur présence attentive, des efforts qu’ils déploient pour répondre à nos besoins – de leur care". Deuxièmement, "cette condition partagée est obscurcie par un certain nombre de pratiques et de relations sociales" .
Care et analyse sociologique I : la question de la dépendance
Ces deux thèses se trouvent précisées dans le premier chapitre de l’ouvrage, qui traite de la question de la dépendance. La notion de dépendance oscille entre deux sens, l’un potentiellement positif et l’autre connoté négativement, qui tend à identifier la dépendance au fait d’être dominé. "[Le] premier sens […] renvoie à la solidarité de fait existant entre deux ou plusieurs éléments : est dépendant ce qui ne peut se réaliser sans l’action ou l’intervention d’un autre élément. La dépendance renvoie ici à une relation nécessaire et productive unissant un élément passif et un élément actif et par le biais de laquelle le premier se réalise. [Le] second sens […] renvoie en revanche à l’idée de l’emprise exercée par un individu sur un autre et à l’état de sujétion qui en dérive : est dépendant celui qui se trouve "sous l’autorité de" . Le paradigme de la première conception est "la dépendance de l’enfant" tandis que le paradigme de la seconde conception "serait plutôt la dépendance de l’esclave" . Quand elles énoncent que nous sommes tous vulnérables, les théories du care signifient que nous sommes tous dépendants au premier sens : "nous ne nous suffisons pas à nous-même, et nous dépendons des autres, de leur disponibilité, de leur soin et de leur travail, pour la satisfaction de besoins aussi bien d’ordre physiologique (boire, manger, dormir), qu’émotionnel (besoin de tendresse, d’amour, de reconnaissance)" . Ce que ces théories appellent vulnérabilité peut être ainsi considéré à la fois comme la source et comme l’effet de notre dépendance.
L’existence d’une seconde conception (négative) de la dépendance fait néanmoins "obstacle à la thèse du caractère fondamental de la dépendance". C’est "ce qu’indiquent un certain nombre de travaux sociologiques, qui partagent un diagnostic commun : dans les représentations sociales dominantes, la dépendance n’apparaîtrait pas comme une figure centrale et irréductible du lien social, mais comme l’attribut de certaines catégories de populations seulement ; dans ce contexte la dépendance serait en outre référée comme à sa cause à une incapacité ou à une déficience individuelle ; enfin, cette conception négative de la dépendance contribuerait à conforter une idéologie de l’autonomie conçue, de manière problématique, comme autosuffisance". Le premier chapitre détaille un certain nombre de ces travaux sociologiques, qui portent sur des sujets aussi divers que la prise en charge des personnes âgées ou les politiques d’assistance. Ces analyses montrent que la dévaluation de la dépendance se traduit socialement par la stigmatisation de certaines catégories comme les personnes âgées ou les bénéficiaires de l’assistance publique au profit de "la promotion de la figure du travailleur salarié comme figure dominante de l’autonomie et de l’utilité sociale" .
Care et philosophie normative I : la morale du Care
Le deuxième chapitre constitue une introduction à l’éthique du care. Contrairement aux théories sociologiques que nous avons présentées, l’éthique du care n’utilise pas la notion de dépendance comme un moyen de "déconstruire la norme d’autonomie à l’aune de laquelle la dépendance est dévaluée" mais en fait un usage plus positif en identifiant "les relations de dépendance comme le lieu d’une expérience morale particulière, propre à l’apprentissage et à la mise en œuvre de compétences morales spécifiques, et comme le fondement des identités personnelles et morales des sujets".
La notion d’éthique du care apparaît pour la première fois dans le champ de la psychologie morale à travers les travaux de Carol Gilligan. Dans son ouvrage Une voix différente, Gilligan critique la théorie du développement moral de Kohlberg. Dans la lignée de Piaget, Kohlberg mesure le développement moral des individus au moyen de dilemmes moraux, non en regardant les réponses qu’ils donnent à ces dilemmes, mais en s’intéressant à la façon dont ils justifient leurs réponses. Au sommet du développement se trouvent les individus qui justifient leur raisonnement en termes de droits et de devoirs et qui considèrent le problème moral comme "un conflit entre des revendications de droits [qui] doit pouvoir être résolu au terme d’un raisonnement déductif et abstrait". Or, "à l’aune de la théorie de Kohlberg, les femmes apparaissent comme moins matures d’un point de vue moral : à âges et niveaux d’éducation égaux, leurs performances semblent moins bonnes" ).
Pour Gilligan, ces résultats sont dus au fait que la théorie de Kohlberg comprend "le développement moral comme un processus de séparation et d’abstraction : la séparation avec les autres tend vers la reconnaissance d’une autonomie qui s’exerce dans la revendication de droits individuels" . Dans un tel modèle, l’importance donnée par de nombreuses femmes aux relations de dépendance et au contexte dans lequel émerge le dilemme moral ne peuvent apparaître que comme des signes d’un développement moral inachevé. En revanche, dès lors que l’on considère que le raisonnement moral n’a pas forcément une forme unique, ces résultats apparaissent sous un nouveau genre : certains sujets (et en particulier certaines femmes) sont les porteurs d’une "voix" différente pour laquelle la relation morale ne s’épuise pas dans le langage des droits et des devoirs. C’est ainsi que l’éthique du care se définit dans un premier temps par différence avec l’éthique de la justice : "sur le plan des compétences morales, l’éthique du care repose sur le développement de dispositions morales plus que sur l’apprentissage de principes ; sur le plan du raisonnement moral, elle privilégie des réponses contextuelles et spécifiques aux cas particuliers, plus qu’elle ne recourt à des principes universellement applicables […], enfin, sur le plan du vocabulaire moral, l’éthique du care se caractérise par l’importance accordée aux responsabilités et au maintien des relations, plus qu’au primat du respect des droits. Corrélativement, l’éthique du care identifie dans l’abandon et la souffrance d’autrui les principaux maux contre lesquels il faut lutter, quand l’éthique de la justice se préoccupe davantage de l’inégalité et de l’oppression" .
La première approche de Gilligan semble ainsi attribuer à l’éthique du care les deux propriétés suivantes : (i) elle s’oppose à l’éthique de la justice et (ii) elle est une éthique féminine, une approche morale propre aux femmes. Le reste du deuxième chapitre est consacré à la façon dont les divers défenseurs de l’éthique du care ont tenté d’en préserver le cœur en mettant de côté ces hypothèses auxiliaires. Contre (i), dès son premier ouvrage, Gilligan définissait la maturité morale comme l’intégration des deux perspectives du care et de la justice. Contre (ii), il s’agit de "dégenrer le care" . Gilligan distingue ainsi deux approches possibles de l’éthique du care : une approche "féminine" et une approche "féministe". L’approche "féminine" "constitue une variation du thème traditionnel de la sollicitude naturelle des femmes, posant une équivalence entre souci des autres et sacrifice de soi et permettant de justifier le confinement des femmes dans la sphère privée comme le fait que les tâches de soin leur soient systématiquement assignées" . L’approche "féministe" "se [déploie] comme interrogation critique sur les mécanismes par lesquels cette première figure du care perdure" et "[met] en question les idéologies complémentaires de l’autonomie (masculine) et du souci des autres (féminin) conçu comme oubli de soi" . Le premier type d’approche peut être retrouvé dans les travaux de Nel Noddings pour qui les dispositions éthiques propres au care (réceptivité et souci de l’autre) s’ancrent dans des vertus spécifiquement (et naturellement) féminines (voire maternelles). Le problème de ces approches est qu’elles font le jeu de l’oppression et du conservatisme politique pour les raisons développées au troisième chapitre.
Care et analyse sociologique II : le travail du Care
L’analyse sociologique entamée au premier chapitre se poursuit au troisième chapitre en montrant comment la dévalorisation de la dépendance entraîne une dévalorisation des activités dont le but est de pallier à cette dépendance, c’est-à-dire des activités de care. Le chapitre 3 est en effet centré sur des approches pour lesquelles "l’enjeu est de savoir ce que signifierait, pour les sociétés contemporaines, le fait de prendre au sérieux et d’intégrer à nos conceptions de la société bonne les valeurs du care que sont la prévenance, la responsabilité, la compassion ou l’attention au besoin des autres" .
Le chapitre se focalise en grande partie sur l’œuvre de Joan Tronto qui tente d’analyser ce qui dans le contexte idéologique, social et politique fait obstacle à une réévaluation des activités de care et à la diffusion à l’échelle de la société de l’éthique du care afin de pouvoir surmonter ces blocages. C’est ainsi qu’elle procède à une généalogie de ce qu’elle appelle les "frontières morales" "qui empêchent la reconnaissance du care comme théorie morale et politique et contribuent, au contraire, à la marginaliser en tant que morale féminine" . Ces frontières sont au nombre de trois. Premièrement, "la distinction opérée entre morale et politique, la première étant définie comme le champ des relations personnelles, et la seconde comme celui de l’ordre public, de l’allocation des ressources et des arguments généraux" . Deuxièmement, le frontière du "point de vue moral" "qui définit le jugement moral selon une tradition kantienne comme un jugement formulé d’un point de vue distant et désintéressé et émanant des exigences de la raison" . Troisièmement, "la distinction des sphères privée et publique qui, dans le monde occidental, a permis de confiner les femmes à la sphère privée, leur assignant en outre les pratiques de care au motif que celles-ci correspondraient à leurs dispositions ‘naturelles’ " . Tronto situe l’émergence de ces trois frontières au XVIIIe siècle, époque à laquelle les transformations des modes de production et de commerce accentuent la séparation entre la sphère domestique et la sphère économique (c’est le déclin de la famille comme unité de production économique) et conduit les acteurs de la sphère économique à se considérer comme "membres d’une société de plus en plus large dont les préoccupations sont moins sociales, plus universelles" . Cette nouvelle configuration entraîne dans le domaine moral la substitution progressive "d’une perspective formelle et universaliste aux approches sentimentalistes" . L’emotion est reléguée dans la sphère domestique, dont les femmes sont sacrées "gardiennes" et présentées comme "des créatures de sentiment exerçant au mieux leurs vertus dans le contexte de la famille" . Rejetée hors de la sphère économique, opposée au travail salarié, la valeur du travail du care est ainsi niée. C’est ainsi que le travail du care se trouve assuré la plupart de du temps par les classes dominéés (les femmes et les immigrés). Tronto se distingue ici des approches "féminines" du care en refusant l’essentialisme : le lien entre les femmes et le care n’est qu’une construction sociale qu’il est possible de surmonter afin de lui permettre d’échapper à la sphère domestique.
La stratégie de Tronto consiste à donner une définition "holiste" et plus large du care. Selon elle, le care désigne "une activité générique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre ‘monde’, de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible" . Selon cette définition, "loin d’avoir lieu uniquement dans le cadre de relations de dépendances caractérisées par une asymétrie évidente, telles que celles qui unissent une mère à son enfant ou un médecin à son patient, le care renvoie à une gamme plus étendue de relations complexes, susceptibles d’engager une multitude d’acteurs sociaux, individuels ou collectifs" . De plus, selon cette définition, les activités de care "peuvent être le fait d’institutions" .
L’un des buts de Tronto est aussi de revaloriser les activités de care au sein de la société. Tout d’abord, pour éviter "l’identification du care au ‘travail de l’amour’ " et "éviter de reconduire les stéréotypes associés au travail de care comme travail féminin reposant sur un ensemble de dispositions naturelles" , Tronto définit le travail du care en se concentrant sur la qualité des pratiques plutôt que sur la nature des dispositions nécessaires, ce qui permet de distinguer le "bon care" du "care mal effectué" et signifie que le travail du care peut être effectué sans l’attitude appropriée.
Care et philosophie normative II : la politique du Care
La prise en compte de notre vulnérabilité et de notre dépendance ainsi que le rôle essentiel que joue le care dans nos vies doivent-ils nous conduire à transformer notre vision de la justice ? Le care a-t-il des implications politiques ? Le dernier et quatrième chapitre de ce livre tente de répondre à ces questions en examinant un à la fois trois ensembles de travaux.
Le premier de ces ensembles est constitué par les travaux d’Eva F. Kittay. Kittay s’attaque à la théorie rawlsienne de la justice et propose de la réformer "du point de vue de la dépendance". Kittay se concentre sur les formes extrêmes de dépendance "qu’illustrent la prime enfance, la maladie, le handicap et le grand âge et [qui] se caractérisent par l’incapacité dans laquelle se trouve la personne dépendante de subvenir à ses besoins vitaux et de rendre ce que lui donne la personne qui s’occupe d’elle . Plus précisément, Kittay tente de mettre les théories classiques de la justice en échec en développant l’exemple des handicaps mentaux sévères. En effet, "la théorie de la justice comme la théorie morale repose en effet sur une conception de la personne selon laquelle c’est en vertu de notre intellect que nous accédons à un statut moral […] Mais une telle conception de la personne est précisément ce qui rend problématique la détermination du statut moral des personnes atteintes de handicap sévère. La justice s’applique-t-elle à quelqu’un qui ne fait partie ni des agents moraux ni des citoyens libres tels qu’on les définit ?" .
De la même façon, Kittay interroge la construction par Rawls de la "position originelle". Rappelons que, pour Rawls, sont justes les règles que choisirait un individu qui ne connaît pas à l’avance sa place dans la société ainsi que ses fins et ses capacités propres. Mais, dans la présentation rawlsienne de la position originelle, cet individu est décrit comme "rationnel et doté d’un sens de la justice" , "ce qui exclue de la procédure de choix des principes les personnes qui ne possèdent pas de telles capacités". Kittay propose ainsi de compléter la formulation des principes rawlsiens de liberté et de différence en ajoutant un troisième principe : un "principe de responsabilité sociale" qui "requiert que chacun soit pris en compte selon son besoin de care, ou requis selon sa capacité à en dispenser, et que soit mis en place un soutien des institutions qui rendent accessibles aux dispensateurs de care les ressources et opportunités conditionnant l’établissement de relations de dépendance appropriées" .
Le deuxième ensemble de travaux abordé est constitué par l’œuvre de Martha Nussbaum. Comme Kittay, Nussbaum part de la question du handicap pour mettre en question la théorie de la justice. Mais là où Kittay conservait le cadre contractualiste de la théorie de la justice, Nussbaum le remet radicalement en question. Contrairement à Kittay, Nussbaum ne trace pas de frontières entre la dépendance extrême et les autres formes de dépendance, entre lesquelles elle établit une sorte de continuité. Nussbaum "[cherche] à développer, en référence à Aristote, une anthropologie insistant sur le mélange d’animalité et de rationalité en lequel consiste l’humain, et soulignant la dignité de la vie humaine comme vie marquée par la dépendance et la fragilité" . La reconnaissance d’une dignité indexée sur la dépendance et la part d’animalité de l’humain "vont de pair avec l’idée que toute vie humaine doit être traitée comme une vie autonome, ne serait-ce que de façon minimale". Avec Sen, Nussbaum considère que cette autonomie ne peut être assurée que par l’égalité des "capabilités de base". "Définies comme des manières d’être et de faire, les capabilités traduisent la liberté que nous avons d’accomplir des fonctionnements, combinaisons d’état et d’actions qui vont du plus élémentaire (avoir de quoi manger, être en bonne santé...) au plus complexe (être heureux, participer à la vie de la communauté…) et qui constituent le bien-être" . Nussbaum définit ainsi une liste de dix "capabilités fondamentales" qui "donne contenu à l’idée de dignité humaine sans trahir le pluralisme, le but politique étant de mettre les citoyens en capacité, non de leur imposer certains fonctionnements" et auxquelles l’Etat doit assurer l’accès. C’est à ce niveau que Nussbaum réintègre l’apport des théories du care : "le care renvoie à un ensemble de pratiques et d’attitudes sans lesquelles aucune des capabilités humaines centrales ne peut être acquise ni exercée" . Le care est ainsi indispensable à la justice en constituant le moyen par lequel chacun peut avoir accès aux capabilités fondamentales.
Les derniers travaux présentés tentent de repenser la notion de citoyenneté au prisme du care. La section se concentre notamment sur l’intégration de la perspective du care dans le néo-républicanisme de Philip Pettit, qui cherche à "définir une conception de la liberté politique qui dépasse le dilemme classique de la liberté positive, définie en termes d’autonomie et d’autoréalisation, et de la liberté négative, définies en termes d’absence d’obstacles et de non-interférence" . Cette conception, Pettit la trouve dans la définition de la liberté comme "non-domination". Or, "l’attractivité de l’idéal de non-domination se fonde sur la reconnaissance d’une situation existentielle commune, caractérisée par l’indépendance et la vulnérabilité à la domination – deux faits dont les théoriciennes du care ont montré l’importance mais aussi le lien" .
Le care, quel intérêt ?
Comme nous avons pu le voir, cet ouvrage d’introduction passe en revue un grand nombre de travaux et offre un panorama très diversifié des théories du care. On peut distinguer deux grands types d’applications de ces théories : les applications sociologiques (la critique de l’idéologie de l’autonomie, de la stigmatisation des personnes dépendantes et de la marginalisation et de la dévaluation des activités du care) et les applications normatives (l’élaboration de nouvelles perspectives morales et politiques). Si cet ouvrage présente de façon convaincante le versant sociologique et convainc le lecteur de l’intérêt du concept de care pour la critique sociale, c’est loin d’être le cas pour les applications philosophiques et normatives (ce qui n’est pas nécessairement la faute des auteurs).
Au niveau moral, l’éthique du care ne semble pas pouvoir constituer une éthique autonome. Déjà, son contenu est loin d’être défini et sa définition semble ne pas être une préoccupation majeure des théoriciennes du care. Par exemple on peut lire que "Tronto procède […] à un repositionnement du problème : au problème méta-éthique du contenu de l’éthique du care elle privilégie le problème politique du contexte de sa mise en œuvre" . L’éthique du care semble ici plus être une certaine injonction à porter son attention sur des éléments quelque peu négligés qu’une véritable éthique. Pareil pour le domaine politique : dans les trois grands ensembles de travaux présentés au quatrième chapitre, seul le premier est le produit d’une véritable théoricienne du care. Et même dans ce cas, il n’en résulte qu’un aménagement d’une théorie déjà existante. Les deux autres ensembles de travaux sont des théories qui, bien que partageant des éléments avec les théories du care, se sont développées en grande partie indépendamment. Dans ces conditions, et même si la prise en compte de la dépendance est importante pour l’éthique, on a du mal à voir en quoi les théories du care révolutionneraient l’éthique et la philosophie politique
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