* Dans le cadre du partenariat entre nonfiction.fr et Megalopolis, "le journal du très grand Paris", retrouvez un article de Jérôme Lefilliâtre sur les "malheurs" de Christian Blanc.

 

Le secrétaire d’Etat à la région capitale, Christian Blanc, a dû bien profiter de son week-end prolongé de la Pentecôte. Défié par Jean Nouvel, corrigé par les experts et désavoué par le Parlement, il venait de vivre une semaine difficile. 

On le croyait sorti de la tempête après le débat public à l’Assemblée, qui s’est achevé au début du mois. Il faisait depuis le tour des médias pour promouvoir son livre, Le Grand Paris du XXIe siècle (Ed. Le Cherche-midi). L’épreuve du feu était passée ? Pas du tout. 

C’est d’abord Jean Nouvel, l’architecte star de la consultation du Grand Paris, qui attaque le secrétaire d’Etat dans une tribune mordante pour Le Monde. Avec ironie, il démonte le bouquin de son ennemi, dont il avait déjà demandé la démission en octobre dernier : “à défaut de vous auréoler par la qualité de son style, votre plume a l’habileté de noyer l’information, donc d’être protectrice”. Le concepteur du Musée du quai Branly moque “le chapelet de platitudes et de truismes qui caractérisent [la] vision” de Christian Blanc, à extraire de “la gangue des interminables considérations générales” du livre. Dans la tribune, Jean Nouvel s’en prend, pêle-mêle, à son manque de perspicacité, de concertation, de culture urbanistique et de respect pour les architectes. Et conclut, d’un paragraphe assassin : “Monsieur Blanc, dans l’immensité des questions du Grand Paris, vous vous êtes perdu. Vous faites souvent référence à Haussmann. Comme lui, vous êtes préfet, mais vous ne serez jamais Baron. Ce livre aura servi à prouver une chose : vous n’êtes pas le secrétaire d’état au développement de la région-capitale, vous êtes un secrétaire d’Etat à l’extension du réseau de transport de la capitale”. Pourquoi une réponse aussi féroce ? Sans doute parce que Christian Blanc avait eu ce mot malheureux quelques jours plus tôt dans Paris-Match : Jean Nouvel est “un génie du dessin architectural, mais il ne passe pas vraiment pour un urbaniste auprès de ses collègues”. 

La deuxième salve, plus discrète, vient de ceux qu’on appelle, dans la presse, les experts. En l’occurrence, l’Insee, la Direction régionale de l’équipement d’Ile-de-France (Dreif, sous tutelle de l’Etat) et l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région IDF (Iuarif, sous tutelle régionale). Une étude conduite par ces trois instituts, révélée par l’édition du 20 mai du Monde, contredit les prévisions de Christian Blanc. Le secrétaire d’Etat estime que la région capitale doit gagner sur 15 ans entre 710 000 et 900 000 actifs. L’Insee, la Dreif et l’Iuarif penchent plutôt pour 300 000 d’ici 2030, et 480 000 au maximum. Ce qui veut dire - si on en doutait encore - que le projet de loi porté par le gouvernement est plus qu’incertain quant à ses chances de parvenir à l’objectif fixé : la création d’un million d’emplois en 15 ans. 

Le coup de grâce a été porté hier par les parlementaires de la commission mixte paritaire, qui doivent livrer une version du projet de loi acceptable par le Sénat et l’Assemblée. La Haute Chambre avait, en première lecture, conformément au vœu de Christian Blanc, enterré le projet régional Arc Express, parce qu’il faisait selon elle doublon avec le Grand Huit. La CMP a supprimé cet amendement, réactivant de fait le projet de rocade en petite couronne défendu par Jean-Paul Huchon, président de la région IDF. Un petit désaveu pour le secrétaire d’Etat, qui voit ainsi la pire semaine de sa carrière gouvernementale se terminer sur un tacle parlementaire

 

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