Lundi a été lancée à l’UNESCO la version française du Rapport mondial de suivi de l’éducation pour tous 2009, Vaincre l’inégalité : l’importance de la gouvernance. Christian Baudelot, professeur de sociologie à l’École Normale Supérieure, et co-auteur de l’ouvrage récent L’élitisme républicain. L’école française à l’épreuve des comparaisons internationales (La République des idées, Le Seuil, 12 mars 2009) a notamment participé à la présentation-débat autour du document. La publication de ce rapport et de cet essai, deux fruits d'évaluations internationales, permet de constater les évolutions de l’éducation en termes d’égalité dans le monde et en France, et d’en questionner les enjeux.

 

Inégalités des systèmes éducatifs dans le monde. Le rapport de l’UNESCO, Vaincre l’inégalité : l’importance de la gouvernance

En 2000, 164 gouvernements ont adopté des engagements concernant l’éducation pour tous à l’horizon de 2015 dans le "Cadre d’action de Dakar", dont l’ambition est couplée par les Objectifs du Millénaire pour le Développement. L’évaluation proposée en 2009, alors qu’est dépassé le point médian nous séparant de la date butoir, intitulée par l’ UNESCO Vaincre l’inégalité : l’importance de la gouvernance, est la 7e édition du Rapport mondial de suivi sur l’Éducation pour tous (EPT). 

Offrant une vue d’ensemble détaillée de l’état de l’éducation dans le monde aujourd’hui, le rapport dénonce l’effet conjugué de l’indifférence politique, de politiques nationales inefficaces et de promesses internationales non tenues. Sur la base des tendances actuelles, le document conclut que l’enseignement primaire universel ne sera pas réalisé à l’échéance de 2015. Divers obstacles ralentissent les progrès dans le domaine éducatif : disparités profondes et persistantes fondées sur la richesse, le sexe, le lieu de résidence, l’appartenance ethnique entre autres.

Le rapport propose un vaste agenda de réforme, dont le message clé est sans surprise que les pouvoirs publics doivent renforcer leur engagement en faveur de l'équité et de la justice sociale   . Les nécessaires efforts de financement doivent être assortis de politiques d’éducation volontaristes, en somme une "bonne gouvernance" dont les traits sont esquissés.


Inégalités dans le système éducatif français. L’élitisme républicain, de Christian Baudelot et Roger Establet

Les résultats de l'évaluation internationale ont été dernièrement utilisés pour mettre en évidence les ingélités du système éducatif français. Le dernier ouvrage des sociologues Christian Baudelot et Roger Establet, qui écrivent depuis des dizaines d’années sur l’éducation, propose une image de l'école française issue de la comparaison des systèmes éducatifs entre plusieurs pays. Le livre, sous-titré L’école française à l’épreuve des comparaisons internationales, invite dans le contexte actuel de discrédit massif de l’évaluation, à envisager les aspects positifs de certains dispositifs d’évaluation publics, quand ils sont bien construits.

L’outil mis en place en 2000, PISA, qui évalue les performances des systèmes éducatifs dans le monde   permet de constater que les analyses de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron   concernant l'importance du capital culturel pour la réussite scolaire sont toujours d’actualité en France. La crédibilité de ce constat serait renforcée aujourd'hui grâce aux preuves fournies par cet instrument international de comparaison. Cet "appareil révolutionnaire" selon la formule de Christian Baudelot   , largement sous-estimé en France, permettrait de porter sur notre système un regard différent, et de comprendre l'importance du décalage entre le discours de la République sur l’école et la réalité mise en lumière par les statistiques.

À la lumière de la comparaison internationale, le système français, dont la performance globale se situe dans la moyenne, se distingue par l’inégalité sociale qu’il reproduit voir génère. Or plus un système d’enseignement est égalitaire socialement, plus le niveau d’ensemble monte. C’est ainsi toute une "philosophie de l’éducation" qu’il s’agit selon les sociologues de revoir en France, en prenant exemple sur des pays où est développée l’estime de soi des élèves, où on entend rarement dans les classes le "vous êtes nuls", corrolaire en France d'une politique de redoublement avérée inefficace. Où il est démontré que la culture de la réussite doit se substituer à celle de l'échec

 

À lire également sur nonfiction.fr :

- Nathalie Mons, Les nouvelles politiques éducatives. La France fait-elle le bon choix? (PUF), par Olivier Rey.

- Jean-Paul Brighelli, Fin de récré. Pour une refondation de l'école (Jean-Claude Gawsewitch), par Julien Llanas.

- Éric Maurin, La nouvelle question scolaire (Seuil), par Luc Goupil.

- Éric Maurin, La nouvelle question scolaire (Seuil), par Diane Angermüller.

- L'article "Politique éducative et couches culottes" (17/02/09) sur le rapport de la Commission européenne "Réduire les inégalité́s sociales et culturelles par l'éducation et l'accueil des jeunes enfants en Europe".