Discréditant les projets ministériels français en matière d’éducation de la petite enfance, la Commission européenne a décidé de faire de l’enseignement préprimaire un thème prioritaire pour la coopération entre les États membres en 2009-2010, afin de promouvoir un accès équitable, de renforcer la qualité des cours et d'intensifier le soutien aux enseignants.

La rumeur de la suppression de l’école maternelle ne cesse de courir depuis la nomination de M. Darcos. Le ministre a notamment exposé cet été devant la commission des Finances du Sénat son objectif de réduire le nombre d'enseignants en première section de maternelle, arguant que leur activité principale consistait à "changer des couches"   .

Un rapport publié hier par l'agence européenne "éducation, audiovisuel et culture" permet d’évaluer à leur juste mesure les conséquences de cette éventuelle disparition. Ce document disponible sur le site d’Eurydice (le réseau d’information sur l’éducation en Europe), intitulé "réduire les inégalité́s sociales et culturelles par l'éducation et l'accueil des jeunes enfants en Europe", conclut qu’il est à la fois plus efficace et plus équitable pour les gouvernements d’investir au plus tôt dans l’enseignement. À partir d’une riche analyse comparative, le compte-rendu juge que l’enseignement prépimaire constitue un "moyen efficace de jeter les bases pour l’apprentissage ultérieur, la prévention des abandons scolaires, l’amélioration de l’équité des résultats et le relèvement des niveaux globaux de compétences".

En France, selon une enquête de Louise Fessard pour Mediapart ("Les moins de 3 ans bientôt renvoyés de l'école maternelle"), le taux de scolarisation des deux-trois ans a baissé de 40% entre 2000 et 2007. Et au sein de ce bilan, les ZEP sont les moins bien couvertes, alors que selon le récent rapport européen, l’enseignement préprimaire affiche le rendement le plus élevé sur le plan de l’adaptation sociale des enfants. L’école maternelle peut contribuer de manière considérable à lutter contre les désavantages éducatifs subis notamment par les enfants issus de minorités ethniques ou de familles défavorisées à faibles revenus. Outil d’homogénéisation sociale et culturelle, la scolarisation des plus petits reste un levier politique indispensable pour progresser vers l’égalité réelle.

Certaines analyses issues de la sociologie bourdivine introduisent un contrepoint intéressant à ce type d'étude en démontrant que l’école, contrairement à sa mission initiale, produit des inégalités   . Si elles sont à prendre en compte pour améliorer le fonctionnement effectif de l’institution scolaire, ces critiques ne peuvent pour autant servir d’argument pour attaquer la raison d'être de l’école, qu'il s'agit au fond de continuer à défendre. Car de l’école maternelle à l’université, c’est bien l’ensemble de la politique éducative qui est aujourd’hui en débat en France

 

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- Nathalie Mons, Les nouvelles politiques éducatives. La France fait-elle le bon choix? (PUF), par Olivier Rey.

- Jean-Paul Brighelli, Fin de récré. Pour une refondation de l'école (Jean-Claude Gawsewitch), par Julien Llanas.

- Éric Maurin, La nouvelle question scolaire (Seuil), par Luc Goupil.

- Éric Maurin, La nouvelle question scolaire (Seuil), par Diane Angermüller.