Comment s'adapter à la révolution induite par le téléchargement ?

N’avez-vous jamais été tenté de télécharger une chanson gratuitement sur Internet via un logiciel de partage (peer to peer) ? Et vous êtes-vous posé la question de la légalité de cet acte ? Ou encore du manque à gagner pour l’industrie musicale suite à l’explosion du libre échange des fichiers Mp3 ? Ces questions sont, entre autres, le point de départ de la réflexion de cet ouvrage dont le but est d’explorer la façon pour le monde du disque de s’adapter à cette révolution. Car d’après l’auteur, il s’agit bien d’une révolution à laquelle sont confrontés les professionnels du secteur et essayer de s’y opposer serait peine perdue. La chaîne de distribution unique via le support matériel (disque vinyle puis CD) est dorénavant dépassée et de nouvelles alternatives doivent être trouvées pour financer les différents protagonistes.

Musicien à ses heures, Philippe Axel est également bien placé pour étudier ce phénomène du téléchargement du point de vue de l’internaute en tant que créateur et professionnel du Web. Il prend comme point de départ la législation actuelle afin de comprendre ce qu’il est permis ou non de faire. La loi Dadvsi (sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information) qui a mis 3 ans pour être adoptée est toujours aussi floue en ce qui concerne le téléchargement musical. En effet si l’échange de fichiers en peer to peer est considéré comme un délit par la loi, le fichier musical rentre dans le cadre de l’exception culturelle en tant que support d’idée et donc on ne devrait s’opposer à son partage, que ce soit par la copie ou le téléchargement. La principale distinction est l’usage que l’on en fait : tant que cela reste à but non lucratif, le "citoilien" n’a pas grand chose à craindre. C’est pourquoi cette pratique va continuer de se répandre à un rythme exponentiel, ce qui est loin de déplaire à l’auteur.

Selon lui, il est temps de changer le système en place centré sur le conditionnement actuel de l’artiste, dicté par les impératifs marketings. Depuis deux décennies, les maisons de disques ont fait le pari du profit à court terme en "starisant" un interprète pour en faire une marque. Les directeurs artistiques proviennent dorénavant du milieu marketing dont le critère principal de sélection est la médiatisation télévisée potentielle. Ce qui frustre au plus haut point Philippe Axel est que ce n’est plus le talent et le mérite qui priment mais la notoriété présente ou à venir créée par le battage médiatique.

La toile devrait rétablir une sélection démocratique planétaire, une démocratie sur la compétence par opposition aux jeux des audiences. Ce bloggeur considère définitivement Internet comme une chance plutôt qu’une menace pour l’industrie musicale. Reste cependant l’épineuse question du financement des artistes puisque si cette libre circulation sur le net est un excellent tremplin pour les amateurs, elle ne règle pas le problème des coûts de production ou de la répartition des dividendes.

L’auteur évoque plusieurs alternatives actuelles au système du peer du peer : des systèmes de téléchargement payant (iTunes et autres) à des participations à la production en retour d’access backstage ou de dividendes (artistshare.com & sellaband.com) en passant par le monde virtuel Second Life où chacun peut créer sa station de radio. Cependant, aucune de ces options ne semblent répondre au besoin de l’artiste de le placer en position de force.

Au final, l’auteur vient avec son propre modèle économique avec un nouveau statut d’artiste producteur indépendant exploitant les licences ouvertes (Creative Commons), artiste reconnu via un processus de sélection par ses pairs (music ladder) et distribué par plusieurs médias (dont le CD musical interactif et une participation Internet versée par l’abonné sur la base de la popularité du site). Ce modèle en est toutefois au stade de l’ébauche et mérite davantage de recherches.

En résumé, une réflexion intéressante qui va pour sûr en appeler d’autres, particulièrement avec l’arrivée du nouveau projet de loi (dit loi"Hadopi"). Je regrette néanmoins que l’auteur passe plus de temps à décrire les limites du système actuel plutôt que d’explorer davantage les pistes du futur.


Précédemment, sur nonfiction.fr :

> La nouvelle ère du marketing, la critique du livre de François Laurent, Marketing 2.0, l'intelligence collective (M21), par Capucine Cousin.
> Participons !, critique du livre de Thierry Maillet, Génération participation - de la société de consommation à la société de participation (M21), par Stéphane Huet.
> Le web 2.0 sauvera-t-il la musique enregistrée ?, la critique du livre de Borey Sok, Musique 2.0 - solutions pratiques pour nouveaux usages marketing (IRMA), par Nicolas Gaudemet.