Le contemporain en littérature se caractériserait par sa manière d'assumer pour le dépasser le sentiment de trop plein, la page noire, qui plane sur celle-ci depuis trop longtemps

Johan Faerber, enseignant, critique et éditeur, qui est également l’un des cofondateurs de Diacritik, publie ces jours-ci un important travail de critique littéraire, même si celui-ci ne s’interdit pas la polémique comme on le verra. Il a accepté, très aimablement, de répondre à nos questions pour présenter son livre Après la littérature. Ecrire le contemporain aux lecteurs de Nonfiction.

 

Nonfiction : Vous identifiez dans la littérature française contemporaine un courant qui prend la fin de la littérature au sérieux et s’en empare pour recommencer à écrire. De quelle fin s’agit-il ? De quand la datez-vous et à quelles figures d’écrivains peut-on la relier pour la période qui précède ? 

Johan Faerber : « La littérature est morte » : tel est, en effet, le constat premier d’une fin de la littérature enfin prise au sérieux et réellement advenue à l’écriture qui a présidé à l’ensemble de ma réflexion dans Après la littérature. De manière générale, la mort de la littérature, dont on parle depuis la fin des années 1990, est toujours considérée par nombre d’écrivains comme une rumeur sans fondement qu’on peut aisément balayer d’un revers de main pour continuer à écrire comme si de rien n’était. Pourtant, selon moi, loin d’être une fable, la mort de la littérature a bel et bien eu lieu. De fait, comme je l’explique dans l’essai, écrire aujourd’hui consiste ainsi à écrire dans un grand Après, dans un moment inouï où la littérature française a comme succombé à elle-même, où elle n’est plus la puissance majuscule de nos jours, où elle a comme disparu. Tout se passe comme si nous commencions à écrire dans un temps de post-littérature qui aurait enfin pris conscience que tous les grands livres avaient été écrits, et que l’écriture était, irrémédiablement, derrière nous. Comme si notre époque commençait précisément au moment où la mort de la littérature avait fini par se produire. 

Car si contemporain il y a, si certains écrivains vivent la passion du présent comme un temps d’après littérature, c’est que, plus que d’autres, ces écrivains ont peut-être compris qu’on ne pouvait plus faire comme si cette mort n’avait pas eu lieu. Et sans doute faut-il distinguer plusieurs morts ou fins de la littérature pour bien saisir pourquoi, depuis la fin des années 1990, nous sommes entrés dans un violent changement de paradigme critique et poétique : ce qu’il faudrait ainsi nommer, l’ère de l’Après.  

Cependant, comme je le précise d’emblée dans ma réflexion, il convient avant tout de distinguer plusieurs morts de la littérature selon les personnes qui les énoncent car toutes les morts ne se valent pas. Je mets ainsi en évidence une mort discursive et une mort poétique de la littérature. Il y aurait, tout d’abord, la mort discursive, que je nomme l’incontemporain et dont je détaille la rhétorique mortifère et les modalités de violence sociale et professorale. Ce sont par exemple les discours réactionnaires d’un Antoine Compagnon qui déplore la disparition de la littérature, comme si, aujourd’hui, il n’y avait désormais plus de grands écrivains. On assiste là à une négation pure et simple du contemporain par pure démission de toute intelligence critique. Inversement, mais du côté de la création cette fois, il existe une part de la littérature actuelle qui n’a encore pas compris que la littérature était morte et qui écrit donc comme si de rien n’était, dans un constant retard à son propre temps. Ce sont ceux que je nomme les mécontemporains et dont là aussi je dresse les stratégies d’écriture. Les mécontemporains reconduisent, entre modernité attardée et primitivisme égaré, tous les clichés du romanesque et du modernisme. Ce sont les romans néo-naturalistes de Laurent Binet et de Michel Houellebecq par exemple ou encore les récits poussifs d’Ivan Jablonka et de Jéremy Fel.

Mais, à rebours de ce cassandrisme critique qui est un cliché d’époque et de cet aveuglement d’écriture qui est une impuissance du temps, il y aurait aussi et surtout le contemporain qui lui ne tient pas de discours mondain de déploration mais prend littéralement en charge cette mort, la narrativise, écrit à partir d’elle, sait que la littérature est révolue et qu’il faut écrire précisément à partir de ce point d’effondrement – qu’il faut recommencer l’écriture en nous depuis cette disparition même, depuis la mort de la littérature qui devient l’horizon premier de tout récit. C’est depuis ce souci de ce que je nomme la « revie », qui tâche de surseoir à toutes les disparitions, que s’ouvrent les œuvres fondatrices pour notre temps de Célia Houdart, Tanguy Viel, Stéphane Bouquet, Laurent Mauvignier, David Bosc, Camille de Toledo, Antoine Wauters, Nathalie Quintane, Joris Lacoste ou encore Olivier Cadiot. Ce sont eux nos contemporains, ceux qui surgissent à la fin des années 1990, entre 1997 et 1999 quand finalement la génération précédente a fini de s’écrire, de mettre son point final en entrant à son tour dans un processus de classicisation. Car ces écrivains surgissent depuis un tournant générationnel, quand s’achèvent les œuvres respectives de Michon et d’Echenoz qui sont les deux grandes statues du commandeur de notre temps et qui, il faut le dire avec force, ne sont plus nos contemporains mais qui, aussi proches soient-ils, appartiennent désormais à notre passé, quand bien même ils continuent à écrire. 

 

Différents écrivains, qui ont pour la plupart commencé à écrire à la fin des années 1990, peuvent alors percevoir la difficulté d’écrire après cela de manières quelque peu différentes, comme autant de façons de prendre la mesure d’un trop plein, pourriez-vous éclairer ce point pour nos lecteurs ?

Dans Après la littérature, j’ai cherché à identifier par une figure précise ce sentiment de trop plein qui, à la fin des années 1990, saisit celui qui entend écrire. J’ai ainsi mis en évidence ce que je nomme la page noire, concept qui me paraît fondateur de notre temps : de fait, se mettre à écrire aujourd’hui, c’est comprendre qu’on ne se retrouve pas devant une page blanche. La page blanche est un mythe révolu, comme mort à lui-même. Le 20e siècle, cette grande traversée de l’écriture et cette invention permanente de livres définitifs, a laissé chacun désormais devant une page noire, terriblement noircie par toutes les écritures et les Livres complets qui l’ont précédé. Proust et Faulkner, Camus et Beckett, et enfin Michon et Echenoz ont chacun à leur manière, comme je l’explique, mis un point final à l’écriture et ont tellement incarné la littérature qu’ils ont fini par la faire mourir. Car, contrairement à ce que Maurice Blanchot avait pu croire, le Livre à venir est déjà derrière nous. Les derniers écrivains sont morts. Les dernières pages des derniers livres ont été tournées et il ne reste désormais plus que les rayonnages encombrés de bibliothèques ne pouvant désormais plus accueillir aucun livre supplémentaire. Ecrire revient donc à la fin des années 1990 à trouver une page noire, où les marges mêmes sont saturées. Le contemporain découvre, avant même d’écrire, que toute possibilité d’écrire est comme confisquée.

Avoir conscience qu’il s’agit donc avant tout d’affronter cette page noire, ce serait peut-être le premier pas vers l’écrire contemporain. Il faut revenir ainsi de cette saturation même et éclaircir la page, tâcher de la rendre blanche à nouveau. C’est ici que s’inventent des modalités pour revenir de cette page noire, et pour faire mourir cette mort même de la littérature pour enfin parvenir soi-même à écrire, trouver ce qu’il faut désigner comme le contre-livre du contemporain. Camille de Toledo, Christophe Pradeau et Tanguy Viel ont, selon moi, une conscience aiguë de cette page noire qu’ils ne cessent d’interroger et de questionner dans leurs œuvres qui prennent en charge cette terrassante fin de la littérature pour la surmonter. Judaïque, poëtique ou encore mélancolique, ces trois hommes du livre comme je les appelle identifient chacun ce sentiment critique de la page noire avant de se mettre à écrire et vont élaborer leur patiente revenue à l’écriture depuis les livres définitifs qu’ils ont perçus comme entravant possiblement le leur. La page noire est donc un terme mais aussi les conditions d’un redébut, d’un redépart de l’écriture : une fin qui se donne comme la possibilité d’un recommencement pour ceux qui ont précisément conscience d’elle.

Ecrire aujourd’hui, c’est donc paradoxalement trouver la page noire au commencement de tout et poser la fin comme prémices à tout début : c’est depuis ce critère définitoire que j’ai réuni les différents écrivains que j’évoque et convoque dans l’essai, et cela aussi en réaction à une idée critique trop communément répandue au sujet du contemporain. En effet, pour nombre de critiques littéraires et d’universitaires, le contemporain, ce sont tous ceux qui écrivent, de manière finalement indifférenciée. Il faut pourtant, je le crois et comme je l’indique dans l’essai, se méfier de l’effet d’œcuménisme mou de la critique actuelle, qu’elle soit journalistique ou universitaire : on voudrait rendre compte du présent de l’écriture en cherchant des tendances plus larges que le monde lui-même, en tentant de rassembler tout le monde sous des concepts aussi flous que généraux. C’est comme si tout le monde faisait la même pointure. Or tous les cordonniers le savent, c’est un contresens philosophique sans retour. Ce n’est plus de la critique : c’est le recensement national ou l’intégralité du catalogue en ligne de la BNF. Pourtant, devant une production contemporaine évidemment pléthorique, tout hélas ne se vaut pas si bien qu’il convient avant tout de savoir opérer des choix. Il faut littéralement créer le contemporain : prendre la décision de tracer des lignes de partage dont la principale m’apparaît être la page noire, cette page qui force chacun à écrire après la littérature. C’est là l’inhérente mission, je le crois, d’un critique qui ne se contente pas d’être un juge de paix ou un arbitre de fond de cour. 

 

De même qu’ils peuvent alors chercher à y apporter des réponses différentes, mais que vous identifiez comme autant de moment de la « relève ». Là aussi pourriez-vous éclairer ce point ?

Il faut revenir de la mort de la littérature sans pour autant la nier : tel est le défi plus que le délicat auquel le contemporain s’affronte. Qu’il s’agisse de Laurent Mauvignier, de David Bosc ou de Célia Houdart encore, il s’agit de revenir de la mort, de ne pas la considérer comme un terme mais du mot de Stéphane Bouquet comme un « re-départ » dans les choses et la vie. C’est pourquoi, comme je cherche à le définir dans l’essai, il existe désormais une littérature du grand Après qui ne doit pas se contenter du terme de « contemporain » mais qui doit trouver son nom dans la langue : je propose ainsi notamment le concept et le terme de « re-littérature », pour signaler ce mouvement de « relève » qui, je le rappelle, vient d’une traduction par Jean-Luc Nancy de Hegel. Il faut surseoir à la fin, dépasser dans l’écriture ce que Hegel nommait l’Aufhebung qui, comme toute apocalypse, porte un double sens : celui d’achèvement mais aussi bien celui de relève au sens de recommencement mais aussi bien de celui qui se relève d’entre les morts. C’est le sens de textes tels que Autour du monde de Mauvignier, d’Article 353 du code pénal de Tanguy Viel mais aussi de Relever les déluges de David Bosc dont je déplie les fables noires, allégoriques de notre écriture contemporaine. Nous vivons à l’heure de la relève, de la re-littérature : telle est ma conviction. 

Or, s’agissant de cette question de la relève sur laquelle vous avez la gentillesse de m’interroger, je tiens à préciser ici sans attendre que, dans Après la littérature, la relève que j’évoque n’a rien à voir avec le discours critique actuellement très répandu sur la réparation. Car la littérature n’est jamais là pour réparer les vivants et moins encore le monde. Il ne faut pas réparer les vivants mais relever les mourants. Il faut dès lors cesser, je crois, avec ce discours de la réparation, lénifiant et consensuel – médiatique. La littérature contemporaine, parce qu’elle est écriture, se donne au contraire toujours comme une puissance dissensuelle : elle contredit à chaque instant ce discours du « réparer » qui n’est rien d’autre qu’un discours de développement personnel appliqué à la littérature, c’est-à-dire, comme tout développement personnel, un discours de management, le discours de la récupération après l’effort propre à la tyrannie managériale. Pour cette critique, on répare comme on managerait ses blessures : c’est du management littéraire, du macronisme critique. « Le monde vous brise mais nous avons la solution pour vous faire supporter votre existence détruite » : telle est l’essence nue de ce discours de la réparation. 

On voit alors combien réparer, c’est finalement assurer la permanence du désastre et la reconduite du même monde, ce monde même qui vous a blessé et presque tué, à savoir ce monde de la domination sociale et de l’aliénation économique. Supposément empathique, la réparation est en fait à comprendre comme un discours de puissants, contrairement à ce qu’on voudrait nous faire croire sous le vernis compassionnel. Cette critique que d’aucuns nomment encore empathique et que, pour ma part, je nommerai pathétique, ne peut alors être qu’une critique totalement dépolitisée : elle n’a aucun horizon révolutionnaire et se donne, sans parfois même le savoir, comme profondément réactionnaire. Il ne suffit pas de dire le mot « politique » pour que la critique en question le soit : la politique, c’est le contraire exact du mot « chien ». Si le mot « chien » n’aboie pas, le mot « politique », en revanche, mord toujours immanquablement quand il est présent, et peut-être encore davantage quand il n’a pas besoin de se dire pour être. Il est alors temps de réagir à la réaction : c’est peut-être le mot d’ordre ultime de mon essai. 

Face à cette critique issue du management, il s’agit donc d’opposer la relève qui est à entendre comme ce qui, dans le contemporain, fait mourir la mort afin de retrouver le vivant de la vie au-delà de tout pléonasme. L’Après littérature ou « re-littérature » se dévoile ainsi comme une vaste chaîne de verbes qui dit l’espoir du lendemain après la mort : continuer, apprendre à finir, relever les déluges ou ré-exister. Il faut, dirait encore Camille de Toledo, dépasser les horizons mortifères du 20e siècle pour pleinement exister dans un 21e siècle qui revient de la fin du monde comme j’en détaille dans le livre les différentes opérations poétiques et narratives.

 

En poursuivant, vous montrez comment ces auteurs se coltinent en particulier avec les questions de l’existence du monde, de la fonction de la parole. Vous identifiez ainsi un ensemble de figures rhétoriques et de procédés narratifs, dont vous êtes un spécialiste, auxquels ces auteurs recourent pour ce faire. Pourriez-vous nous en dire un mot ?

Notre époque vit dans la douleur de ne pas trouver son identité dans le temps mais aussi bien vit, avec violence, son impossibilité à trouver ses propres critères définitoires et sa poétique propre. Pourtant, il existe des gestes du contemporain, des traits rhétoriques qui en fondent la singularité dans le temps. Identifier les gestes rhétoriques les plus intimes du contemporain c’est, comme toujours avec la rhétorique, trouver la strate de visibilité et de lisibilité de ce même contemporain au regard des autres époques. C’est peut-être à cet endroit de la critique que se dit avec le plus force et de stupeur le grand hiver théorique que nous traversons et auquel je souhaite, comme je le peux, mettre un terme afin d’apporter un nouveau printemps. On ne peut ainsi pas être indéfiniment nostalgique de l’époque glorieuse de Barthes, Genette et de la furie critique des années du structuralisme si on ne cherche pas à offrir à son tour des concepts opératoires. Il faut là encore sortir de la mort critique pour revenir au vivant de la pensée théorique, dont la rhétorique se fait l’un des leviers les plus lumineux. Il faut agir dans la théorie et dans la critique : c’est en cela que notre époque peut nous appartenir. 

Et cette époque a sa singularité, proprement irréductible, qu’il s’agit de mettre en lumière. Comme je le montre dans l’essai, cette singularité procède d’un retournement paradigmatique, d’une puissance inouïe dans la poétique du récit et la poétique du poème : l’Après littérature veut communiquer. L’Après littérature fait le vœu d’être une littérature directe. De Viel à Bouquet en passant par Simon Johannin, Mauvignier et Quintane, l’Après littérature trouve ce moment inédit de la littérature : celui d’une écriture qui n’est plus intransitive mais qui est proprement transitive. Il faut dire pour, écrire pour, s’adresser à. Loin de la supposée auto-référentialité carcérale de la modernité dont j’analyse la fausse mécanique, l’Après littérature suggère combien notre contemporain désire une écriture profondément adressée, qui apostrophe la matière, le monde et les hommes. 

Car la rhétorique du contemporain a ceci de particulier qu’elle désire précisément mettre fin à la rhétorique : sortir du langage par le langage lui-même, dans une intensité de désir presque rimbaldienne. A partir de là, les figures de rhétorique qu’elle convoque sont autant de figures à la limite de la rhétorique, qui cherchent à effleurer l’atome et à le caresser du doigt du langage. Dans l’essai, j’ai ainsi essayé d’en dessiner un tableau raisonné de manière à fournir autant de matériau, je l’espère, et de grilles de lecture à celles et ceux qui voudraient s’en saisir par la suite. Parmi les figures que j’identifie et dont l’usage neuf est propre à notre contemporain, s’impose l’hypotypose qui est la figure du débord du langage, la figure du faire-voir, qui veut reculer le langage très loin dans le langage pour laisser place à la vision, à la sensation, à l’atome et sa grande nudité. Dans L’Eté des charognes, puissant roman sur lequel je reviens en détail, Simon Johannin excelle notamment à œuvrer à ce dénuement de la matière. C’est une des figures clefs parmi d’autres que je mets en évidence dans Après la littérature. 

 

Vous consacrez le dernier chapitre au thème de la politique et à la manière dont ces auteurs s’en emparent. Que pouvez-vous nous en dire ?

Je voudrais tout d’abord préciser que la politique n’est pas un thème : c’est une fondation d’existence. C’est l’intelligence à vif d’un rapport de forces devenu la claire conscience d’une femme ou d’un homme qui entend alors le renverser, le poursuivre ou, parfois, le subir. La politique, ce n’est pas un accident dans l’existence ni même une étape parmi d’autres : c’est le rapport au monde, initial et terminal, de chacune et chacun. Telle est peut-être la grande leçon de l’Après littérature précisément : ne pas faire de la politique un thème perdu dans un catalogue mais le cœur même de son énonciation et de la possibilité même de son écriture à être. C’est en effet ce que j’analyse dans le dernier chapitre de l’essai notamment pour dénoncer comme un contresens tous les débats critiques, selon moi, vides de sens dès leurs énoncés lorsqu’ils veulent interroger « littérature et politique » ou « littérature et société ». C’est ce « et » que refuse absolument le contemporain qui ne se raccroche pas à la politique comme un naufragé à un débris du Titanic. J’entends çà et là des débats sur « la littérature parle de la société » ou pire « du social », comme si la littérature daignait s’intéresser aux problèmes de société comme pour mieux revenir au réel : mais « la littérature ne parle pas de », ce n’est pas le journal télévisé. Elle n’a jamais quitté le social ni la politique. On ne peut décorréler la littérature de la politique : telle est la grande leçon du romantisme mais plus encore celle du contemporain. De fait, ce n’est pas « littérature et politique » qu’il faut ainsi dire car pour le contemporain, la littérature est politique. 

L’Après littérature commence donc à écrire à partir du moment où elle constate qu’elle arrive dans un trou politique et social de l’histoire et que cherchant à tisser des liens entre les hommes, elle ne trouve partout que l’absence du peuple et la désertion de toute politique. C’est sans doute depuis ce néant politique qui est pris en charge par le contemporain contrairement à tout ce qu’on peut entendre ici ou là que la littérature aujourd’hui débute son grand récit. C’est le cas notamment de Stéphane Bouquet qui entend trouver, depuis le poème, la fraternité des hommes entre eux ou encore Nathalie Quintane qui interroge depuis l’absence du peuple la possibilité de sa revenue et de sa relève. Pour le contemporain, la littérature sera politique ou ne sera pas : tel est son souhait ultime et sa tâche première. Retrouver le commun des hommes et de notre temps s’affirme également comme le projet de mon essai et de ses réflexions. En définitive, il faudrait peut-être le dire ainsi : il n’est de critique que politique. Tel est le sens ultime que peut se fixer la critique si elle entend se saisir du présent qui vient