L'ouvrage part du constat qu'écologie et anticapitalisme proposent deux points de vue valable sur la réalité, mais partiaux. Les auteurs tentent d'avancer vers une synthèse.

Fabrice Flipo a écrit plusieurs ouvrages de philosophie sur l'écologie et Chistian Pilichowski est syndicaliste. Dans ce court livre, ils se proposent de dessiner les principales lignes de la situation économique et écologique en vue d'avancer vers une synthèse qui articule l'écologie et la question sociale.

Cet état des lieux commence par la question agricole. Les auteurs rappellent l'importance qu'occupe l'agriculture dans une économie présentée comme industrielle, voire parfois comme post-industrielle. Ils soulignent comment au niveau mondial c'est encore 900 millions de personnes qui ne mangent pas encore à leur faim. Ils mettent également en relief comment l'agriculture industrielle est dépendante d'énergies fossiles et par conséquent de ressources limitées. Ils font apparaître comment cette agro-industrie simplifie les écosystèmes et fait chuter la variété des espèces.  Mais la révolution verte n'a pas qu'un impact écologique. Elle n'est pas bénéfique également pour les agriculteurs qui ne gagnent pas correctement leur vie. Les enjeux de l'agriculture sont également sanitaires car les produits de l'agro-industrie favorisent l'obésité.  La surproduction de viande implique également une concurrence entre les animaux d'élevage et les êtres humains dans l'accès à l'alimentation. Ces constats s'étendent à la pêche avec l'épuisement des réserves halieutiques. L'agro-industrie génère en outre énormément d'emballages et donc de déchet. Face à cette situation, les auteurs défendent l'agriculture biologique et paysanne.

La deuxième étape du constat est consacrée au bilan du compromis fordiste. Les auteurs occupent ainsi une partie de leur réflexion avec la place qu'à prise l'accession à l'habitat individuel dans le mode de vie des français. Mais s'ils mettent en relief l'accession à la propriété d'une partie de la  population, y compris ouvrière, cela ne les empêche pas de souligner que trois millions de personnes en France sont dans une situation de mal-logement. Les auteurs rappellent également les difficultés causées par le développement de l'habitat péri-urbain en particulier en matière de transport. Néanmoins, même si au quotidien les classes populaires polluent plus que les classes aisées, il faut tenir compte du poids de l'usage de l'avion dans le bilan carbone des classes supérieures. Tout cela supposerait de repenser des moyens de transports moins polluant et de favoriser les transports en commun. Autre point auquel s'attachent les auteurs : la durabilité des biens dans une société de consommation. Car cela conduit en particulier à augmenter la quantité de déchets dont une grande partie n'est pas recyclée. Les auteurs défendent l'idée d'une économie circulaire en rappelant les ambiguïtés de ce concept : ils appellent à se méfier de certaines versions d'une telle économie.

La troisième étape de ce portrait de société s'attache à la monté de la flexibilité dans la société néolibérale. Les auteurs nuancent la tertiarisation de l'économie, surtout lorsqu'on met cette thèse au regard de l'économie mondiale. La tertiarisation de l'économie française a pour corollaire, non pas la disparition de l'industrie, mais sa délocalisation. La mondialisation de l'économie trouve l'un de ses moteurs dans la flexibilité du travail lié à la recherche d'une main d'oeuvre moins chère. En France, cette flexibilité du travail se traduit par une augmentation du taux de licenciement et des emplois à durée déterminée. Cette précarité du travail est également économique avec une augmentation du nombre de travailleurs pauvres. Les auteurs se montrent critiques quant au neuf solutions industrielles d'Emmanuel Macron. Ils soulignent l'insuffisance de la prise en compte des enjeux écologiques dans les orientations proposées.

Après les constats, les auteurs tiennent à justifier quelques idées forces.  Tout d'abord, ils affirment l'existence d'une classe moyenne. Il s'agit là d'une affirmation qui fait débat au sein de la gauche radicale dans la mesure où l'idée de classe moyenne peut être considérée comme une notion qui tend à invisibiliser l'importance des classes populaires. De même, les auteurs adhèrent à la thèse d'un enrichissement global de la population. Néanmoins, ils admettent que la confiscation des richesses et des inégalités sont massives. De ce fait pour les auteurs, ce n'est pas la revendication autour des revenus qui est centrale. Mais c'est une réflexion plus large autour de la « vie bonne » (buen vivir) qui est nécessaire. Les luttes autour de la « vie bonne » impliquent dès lors un ensemble de la population qui est plus large que celle de la lutte des classes. Elles concernent toutes les personnes qui ont plus à gagner par l'amélioration de la situation. Les auteurs terminent leur ouvrage en examinant quelques points de tension : le recours au privé ou au public, les petits gestes quotidiens ou la révolution, la centralisation ou la décentralisation, la réindustrialisation ou la désindustrialisation, la lutte contre le capitalisme ou contre le productivisme, la foi en la science ou la critique de la science, la centralité du travail ou de la nature...

Ce petit ouvrage de Fabrice Flipo et de Christian Pilichowski présente une synthèse des maux économiques et écologiques de notre époque. Il constitue de ce fait un vade-mecum utile à tout militant qui désire actualiser et compléter ses connaissances de base. On reste néanmoins sur sa fin quant à la production de la synthèse attendue entre anticapitalisme et écologie. Mais nul doute que les auteurs n'en resteront pas là dans leurs constats et dans leurs analyses...