Un rapport qui permet de prendre du recul sur l’actualité, bienvenu en période de crise internationale
L’Observatoire franco-russe, créé en 2012, publie son deuxième rapport annuel Regards de l’Observatoire franco-russe . Dans la lignée du rapport précédent, cet ouvrage propose des analyses de spécialistes sur des questions d’actualité. Il compte cinq rubriques , un portfolio et des chronologies thématiques concernant l’année 2013.
Les auteurs des articles sont des universitaires français et russes, mais également des personnalités issues du monde des affaires ou de centres d’observation ; parmi les Russes, on notera la présence de proches du pouvoir comme de personnalités plus indépendantes qui signent des articles parfois engagés .
On retrouve des thématiques abordées dans le rapport précédent, telles que l’incontournable secteur de l’énergie, la démographie, les centres technologiques, la réforme des universités et de la recherche, le Caucase. D’autres sujets font également leur apparition, à la fois car ils sont en lien avec l’actualité, comme l’article sur l’Arctique, et parce qu’ils complètent le rapport précédent sur des questions centrales telles que les industries navales et spatiales. La crise ukrainienne, trop récente, ne fait pas l’objet d’une analyse spécifique, néanmoins le rapport permet de situer cette crise dans un contexte plus large.
Au cœur de la partie consacrée à l’économie se trouve la question du modèle de développement de la Russie. L’article liminaire souligne les problèmes d’infrastructure, évoque la question des investissements à effectuer pour diversifier l’économie et réduire les inégalités ; la politique budgétaire est qualifiée de « conservatrice » car elle privilégie l’accumulation de réserves au lancement de grands projets et à la redistribution . L’idée que « les limites du modèle de croissance sont atteintes » est déjà discutée depuis plusieurs années, mais le brusque ralentissement de la croissance lui donne une actualité nouvelle.
La question du modèle économique est fondamentalement liée à celle de l’intégration et du développement des régions. Selon N. Zoubarevitch et S. Safranov, la Russie doit choisir entre une politique de nivellement des inégalités entre régions, privilégiée par l’Union Européenne, et une politique de « locomotives de croissance », c’est-à-dire de développement ciblé des régions fortes et concurrentielles, pour laquelle optent de nombreux pays émergents .
Sur le plan social, les articles notent la volonté de V. Poutine de préserver la stabilité sociale et politique et d’éviter une fracture au sein des élites. Ils montrent les stratégies de gestion des oppositions et des conflits : ainsi, la nouvelle loi sur les partis a permis à nombre d’entre eux de s’enregistrer, mais un système de filtres limite leur accession au pouvoir.
En matière de politique étrangère, on peut noter la montée en puissance de la Russie comme acteur international. Plusieurs articles évoquent le succès diplomatique qu’a constitué la médiation de la Russie dans la crise syrienne. La politique diplomatique de la Russie est qualifiée de « traditionnelle » et axée sur la défense de la souveraineté . La Russie entend occuper une place privilégiée dans un monde multipolaire, comme le montre son activité au sein des BRICS ; de nombreux articles sont consacrés à son activité en tant que puissance régionale de la Méditerranée au Caucase et au Moyen-Orient. Le pouvoir annonce une réorientation vers l’Asie (que la crise ukrainienne rend encore plus actuelle) ; cependant, les auteurs soulignent les difficultés et les risques de cette approche : pour développer ses partenariats asiatiques, la Russie doit renforcer son économie et notamment stimuler le développement de l’Extrême-Orient et de la Sibérie . On ne peut d’ailleurs qu’espérer plus d’articles consacrés à ces régions dans les prochains rapports.
Les miscellanées, un peu en retrait de l’actualité, donnent une perspective historique bienvenue à la relation franco-russe. L’article sur le traitement dans l’Illustration de Russie au cours de la période 1914-1918 invite à réfléchir à la question du biais médiatique, et celui sur le vin français en Russie, qui évoque les problèmes de douanes et le poids de la volonté politique dans l’établissement de relations commerciales, a un fort goût d’actualité