Le désespoir d’un homme dont la fille a été enlevée et retrouvée décapitée justifie-t-il la torture du principal suspect ? C’est la question que pose Big Bad Wolves, le second film (de genre) des réalisateurs israéliens Aharon Keshales et Navot Papushado. Par un enchainement de circonstances peu justifié par les cinéastes, un suspect est violemment appréhendé par la police puis libéré faute de preuves, avant d’être enlevé et séquestré par le père de la victime désireux de retrouver la tête de sa fille – et de faire passer un mauvais quart d’heure au supposé psychopathe. S’ensuivent de longues scènes de torture dans la cave d’une paisible maison de campagne, interrompues par une série d’évènements grotesques (appel de la grand-mère envahissante, gâteau empoisonné soporifique…) qui font jaillir des pointes d’humour noir dans un contexte par ailleurs très sombre.
Or, bien plus qu’un film politique sur la torture comme a pu l’être Zero Dark Thirty de Katheryn Bigelow, Big Bad Wolves est un film de torture, à la fois sadique et grotesque, qui interroge notre rapport à la torture au regard du principe de plaisir. Les protagonistes ne sont clairement pas violents par hasard, la torture est pour eux à la fois le moyen d’accéder à une sortie de crise (l’aveu de la culpabilité du suspect et l’indication du lieu où il aurait enterré la tête de la fillette) et un savant exutoire libidinal. En témoigne le dialogue hallucinant entre le père et le grand père de la victime sur les meilleures techniques de torture du suspect (« les jeunes ne savent plus torturer comme avant »), tandis que celui-ci agonise sous leurs yeux. Il est par ailleurs clair que le plaisir des bourreaux est aussi celui des spectateurs du film, victimes d’une attraction morbide pour l’exercice de la violence et d’un jeu de justification morale douteux.
Au-delà de l’ambigüité de son discours latent sur la torture, Big Bad Wolves reste un bon film de genre qui apporte son lot de sensations tout en étant singulièrement dépassé dans ses enjeux et ses effets par les ténors du genre (Tarantino notamment)