Le patron du groupe industriel Cevital, l’Algérien Issad Rebrab, vient de racheter le groupe Fagor-Brandt, le spécialiste de l’électroménager en France. Dans une interview accordée à France TV5 Monde, Issad Rebrab a déclaré que le rachat du groupe Fagor-Brandt s’inscrit dans une stratégie d’ouverture vers l’international et d’investissement dans les pays étrangers. Par ailleurs, il a certifié que le développement de Fagor Brandt se fera via le groupe Cevital. 

Issad Rebrab est d’origine kabyle, il est né en mai 1944 dans le village de Taguemount-Azouz, dans les collines à 20 km au sud de Tizi-Ouzou. Un livre a été publié récemment par les éditions Casbah, sous le titre de : Issad Rebrab : Voir grand, commencer petit et aller vite, de Taïeb Hafsi. À travers ce livre, l’auteur Taïeb Hafsi nous dit que : « L’Algérie (…) est une nation très prometteuse. Elle peut tout réussir. Mais il faut que sa base sociale, ses jeunes, la plus précieuse de ses ressources, reste enthousiaste et confiante qu’elle peut construire » et que : « l’économie algérienne, après plus de quatre décennies de management public centralisé, reste très dépendante des ressources pétrolières en particulier. Malgré des sources d’opportunités particulièrement fécondes, comme la disponibilité de l’énergie à un prix réduit, la vaste superficie du territoire des ressources en eau relativement bonnes, la proximité de marchés importants, un marché national en plein développement, et une population habituée à travailler fort pour survivre, le développement de l’économie hors hydrocarbure reste en-deçà des espérances ».

Les causes de cette situation économique que connaît l’Algérie peuvent être attribuées au  « management actuel de l’économie. On peut aussi attribuer à l’héritage du management socialiste qui a démobilisé les travailleurs. On peut aussi l’attribuer à la chute des valeurs morales des dirigeants qui peut faire croire aux jeunes et à la population en général que le travail est moins important que les relations. On peut aussi l’attribuer au faible niveau d’éducation des élites et de la population en général. Dans tous les cas, qu’elle que soit la raison, la renaissance de l’économie ne peut venir que des actions des individus ». L’auteur ajoute que les jeunes Algériens « ont perdu confiance dans leurs propres moyens. Ils sont tentés de croire que l’Algérie est maudite, que les Algériens ne sont pas bons, et que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue. C’est peut-être aussi cela qui les attire vers les extrêmes, soit de la violence envers les autres, soit de la destruction sociale et l’autodestruction comme le montre le désespoir des “harragas” ».

Le grand handicap pour les Algériens demeure toutefois dans le système bureaucratique, et dans ce sens, Taïeb Hafsi confirme : « Les Algériens n’ont pas besoin d’ennemis pour les détruire. Les appareils bureaucratiques de leur État détruisent inévitablement leurs capacités d’action. Le désordre et le chaos paralysent. La multiplication de règles inutiles et contradictoires fait que personne ne sait ce qu’il faut faire, et malgré la présence de cadres dont les qualités sont souvent indéniables, la paralysie est totale ». L’objet de ce livre est : « simplement de dire que les Algériens sont capables du meilleur. Nous savions qu’ils étaient capables du pire. Nous savons maintenant qu’ils sont aussi capables du meilleur (…) que les Algériens avaient beaucoup plus de valeur qu’ils ne le croient eux-mêmes ». Ledit livre parle aussi de la grande aventure industrielle de Rebrab et « la naissance d’une entreprise de classe mondiale » : Cevital.

Par ailleurs, l’enfance de Rebrab était marquée par la Guerre de Libération, « Taguemount-Azouz et les villages environnant ont été le théâtre de moments marquants pendant la révolution (…) Le frère aîné d’Issad, Amar, a rejoint l’ALN (Armée de libération nationale) en 1956. Il est mort en martyr entre 1958 et 1962 ». Rebrab raconte : « Mon père était un militant de longue date du mouvement de libération nationale. Il était détenu politique à Ajenin Bourzig (Colom Bechar) dans les années 30. Il a aussi été un militant très actif de la fédération de France. Ma mère a été emprisonnée durant 5 mois et est restée en résidence surveillée jusqu’à l’indépendance ».

En 1968, il crée son cabinet d’expertise comptable. Son premier grand saut dans l’industrie se présenta avec la société SOCOMEG, sise à Bab-Ezzour, et spécialisée dans l’acier. Il est aussi l’un des fondateur du quotidien en français Liberté. Le 08 mai 1998, il crée l’entreprise Cevital, Rebrab affirme : « L’idée m’est venue d’aller vers les produits de première nécessité. Le secteur était démonopolisé et les autres secteurs connaissaient la crise du fait que l’Algérie était en difficulté financière. Je me suis dit que les premières dépenses d’une population en difficulté portent d’abord sur la nourriture et surtout les produits de première nécessité : sucre, huile, farine, lait, semoule et légumes secs. C’est-à-dire les produits vitaux, d’où le nom de la société Cevital (c’est vital) (…) nous avons décidé d’aller d’abord vers l’huile et ensuite le sucre ». 

Au départ, Cevital s’est dirigée vers la fabrication des emballages et le conditionnement des huiles raffinées.  Rebrab décida par la suite de s’intéresser à la culture en serre des produits maraîchers et des agrumes, à produire des tomates, des fraises, des courgettes, des melons et d’autres produits similaires ; et « il réussit à atteindre des niveaux de productivité rares en Algérie ». « L’agroalimentaire a été la base principale du Groupe Cevital et générait en 2010 une grande partie de son cash-flow, environ 60% (…) Ces activités ont été à la source de tous les investissements qui ont été faits depuis la création de l’entreprise ».