Un atlas ambitieux et transversal présentant les problématiques urbaines des villes prises dans la mondialisation.

*Article publié en partenariat avec la revue Urbanités.

Publié en novembre 2013 par Le Monde/La Vie, L’atlas des villes interroge le passé, le présent et l’avenir des villes en multipliant les exemples, les cartes et les points de vue (géographes, architectes, historiens, sociologues, scénaristes de BD). Tout au long d’une progression à la fois historique et géographique, cet atlas pose trois grandes questions :

- Les villes vont-elles finir par toutes se ressembler et perdre ainsi ce qui fait leur identité, leur originalité ? Ce que les auteurs remettent ici en question, en particulier Jean Nouvel et Marcel Roncayolo, c’est la reproduction de modèles architecturaux et urbanistiques, quelle que soit la ville.

- Les villes sont-elles pérennes ? Cette question est surtout posée dans la première partie de l’atlas. Dans l’excellente introduction de Marcel Roncayolo, les auteurs de l’atlas se demandent si à l’image des villes emblèmes de civilisations (Athènes, Jérusalem, Rome) qui ont perdu de leur lustre, les villes emblème de la globalisation (Londres, New York et Paris) vont être à leur tour reléguées à force d’être déterritorialisées.

- Quelles sont les limites des villes ? L’atlas explore à la fois la question de l’érection de limites qui accentuent les effets de ségrégation et de séparation (Olivier Mongin), mais aussi les limites architecturales et urbanistiques qui ouvrent la porte à des projets sur mer ou souterrains (faisant écho au #1 de la revue Urbanités sur la ville souterraine).

L’atlas des villes est divisé en quatre parties. Après l’introduction qui donne à lire plusieurs points de vue sur ce qui fait la ville et l’urbanité, la deuxième partie explore le patrimoine historique de certaines villes et les défis de leur conservation. Les portraits de villes sont divers et sujets à des enjeux multiples. Il y a les villes vitrines dont les touristes ont une vision très parcellaire (Venise, Amsterdam), les villes au passé très (trop ?) riche confrontées au défi de la conservation de leur patrimoine (Athènes, Rome pour laquelle on peut également lire l’article de Pierluigi Cervelli sur le même sujet), les villes mondes dont la puissance a été marquée par des choix politiques et urbanistiques forts (Paris versus Londres), les villes créées et pensées de toutes pièces par des architectes (Brasilia, Chandigarh). Ces villes, souvent devenues célèbres grâce au nom de l’architecte auxquels on les associe, sont aujourd’hui des expériences uniques, comme si l’idée d’une cité idéale dessinée d’un seul crayon avait vécu.

La troisième partie continue son exploration villes par villes, mais prend pour point d’appui les enjeux de la mondialisation : le risque de l’homogénéisation urbaine (qui traverse tout l’atlas) ; la ville tentaculaire ou vorace par son extension ; les limites de la ville qui interrogent à la fois les périphéries urbaines et les phénomènes ségrégatifs. Les processus qui illustrent ces enjeux sont multiples et représentés de manière assez juste : les villes au bord de l’asphyxie (Moscou, Bombay), le mélange entre l’urbain formel et informel (Le Caire), les divisions urbaines (Berlin, Jérusalem), les villes ou quartiers vitrines qui ignorent, initient ou éloignent les processus ségrégatifs (Paris, Londres, villes du Golfe), les villes émergentes à l’urbanisation pas toujours contrôlée (Séoul, Sao Paulo). La troisième partie s’éloigne ensuite d’une logique de portraits par ville pour emprunter une logique thématique abordant la question de la gentrification, des bidonvilles, des subprimes ou de la guerre. L’ambition est vaste et L’atlas des villes aurait gagné en cohérence en associant ces logiques aux portraits de villes précédemment présentés.

La quatrième partie s’intéresse plus particulièrement aux défis des villes françaises. Les questions de gouvernance et d’échelle politique de la gestion urbaine sont particulièrement bien traitées, permettant de parler des villes à une autre échelle que la seule échelle mondiale, parfois trop prégnante. La diversité des thèmes ne nuit pas à la cohérence de cette partie riche en cartes et en iconographie.

La cinquième partie développe à son tour une iconographie pertinente afin d’illustrer le futur des villes. Au-delà des thèmes classiques de la ville numérique, de l’agriculture urbaine et des circulations douces, les dernières innovations se révèlent passionnantes. L’atlas des villes évoque des projets étonnants qui nous permettent de repenser la question de la densification urbaine et des usages des sols urbains : gratte-mer et gratte-terre qui remplaceraient les gratte-ciels (Green Float au Japon, Earthscraper au Mexique) ou encore des villes dans l’espace sur le modèle des stations de l’Antarctique