Deux spécialistes de la lutte anticorruption décrivent et analysent l'affairisme qui entoure le département des Hauts-de-Seine depuis les années 1970. Un document à charge édifiant.

Les Hauts-de-Seine sont-ils le département le plus corrompu de France ? A lire Noël Pons et Jean-Paul Philippe dans 92 Connection   , on est tenté d’y croire. Ces deux spécialistes de la lutte anticorruption font l'inventaire des affaires politico-financières qui ont agité le deuxième département le plus riche du pays ces quarante dernières années… On y "découvre" les petits et gros arrangements de Jacques Chirac ainsi que les pratiques de l’entourage de Nicolas Sarkozy.

De Pasqua à Sarkozy : la boîte à outils de la corruption

Pour s’enrichir soi-même, financer un parti ou dépanner un ami, les options de manquent pas lorsqu’on sait s’organiser : marchés truqués, montages financiers, emplois fictifs, clientélisme, dissimulation fiscale, détournement de personnel municipal…

Aux origines du système : Charles Pasqua, celui qui "avait tout compris avant les autres" et qui a su créer un système opaque mais fluide où l’argent abonde et dans lequel l’intérêt général est surtout la somme des intérêts particuliers. Et ces intérêts particuliers sont nombreux : André Santini, le couple Balkany, Nicolas Sarkozy, la famille Ceccaldi-Raynaud, Patrick Devedjian… ces jeunes gens qui ont commencé leur carrière auprès du parrain corse avant de connaître une belle ascension politique.

Il faut l’avouer : 92 Connection ne fait aucune révélation fracassante. C’est avant tout un document à charge qui présente un travail d’enquête très documenté et très méticuleux. On peut lui reprocher une lecture parfois un peu laborieuse tant on trouve de dates, de chiffres et de détails précis, mais c’est aussi le but de l’ouvrage : montrer que les preuves sont là mais que la justice n’avance pas. L’inertie de cette dernière, voire sa capacité d’obstruction, est ainsi régulièrement pointée comme la principale raison d’un sentiment d’impunité généralisé.

Une notation "triple C" : connivence, corruption et conflits d’intérêts

Un sondage CSA rendu public en avril 2013 indiquait que 55% des Français jugent les hommes et les femmes politiques corrompus, et l’actualité récente ne peut que renforcer ce sentiment : Liliane Bettencourt, Jacques Servier, Jérôme Cahuzac, Bernard Tapie… Autant de noms qui évoquent l'argent et les soupçons, avec un triptyque devenu classique : connivence, corruption et conflits d'intérêts, d’où la notation "triple C" accordée par une agence de notation éthique imaginée par les auteurs.

Cette situation est-elle unique et les Hauts-de-Seine sont-ils l’antichambre de l’enfer financier ? Pas vraiment, avouent Noël Pons et Jean-Paul Philippe. Ce tableau "met en évidence les caractéristiques d'une situation largement partagée en France" et les dix-huit années de gestion chiraquienne de la mairie de Paris viennent illustrer la comparaison : emplois fictifs, micro-partis, associations fantoches, caisses noires… Une telle créativité pourrait inspirer le respect, si elle ne s’exerçait pas au détriment de la démocratie et de l’Etat de droit

 

* À lire aussi sur Nonfiction.fr :

- la recension du livre Sarkozy-Kadhafi. Histoire secrète d'une trahison de Catherine Graciet (Seuil, 2013)

- la recension du livre French Corruption de Gérard Davet et Fabrice Lhomme (Stock, 2013)