Une enquête sur (et au profit de) Didier Schuller, porteur de valises et intermédiaire des petits arrangements du RPR. Un document qui se lit comme un roman.

Gérard Davet et Fabrice Lhomme, les deux auteurs de French Corruption   , tiennent à le préciser : leur ouvrage n’est pas le livre de Didier Schuller mais un livre sur Didier Schuller. Pour autant, au fil des pages, c’est tout de même l’ancien conseiller général de Clichy-la-Garenne qui tire la couverture à lui et qui s’attribue presque le beau rôle. Celui d’un aventurier idéaliste, au service de l’Etat et de ses hautes convictions politiques.

Didier Schuller, un roman français

French Corruption se lit comme un roman, tant le talent de plume des auteurs se met au service du récit. On ne peut éviter de le remarquer, mais on prend aussi beaucoup de plaisir à découvrir la vie d’un jeune homme de bonne famille qui découvre la politique et ses rouages, qui ne manque pas de zèle pour séduire les puissants, qui utilise son entregent pour les affaires de pouvoir et d’argent…

Et les anecdotes croustillantes ne manquent pas ! De Jacques Chirac qui sifflote "La Marseillaise" en empilant des liasses de grosses coupures rapatriées de Genève dans le coffre de son bureau de la Mairie de Paris, à cette partie fine dans laquelle une belle inconnue accepte de se coucher nue sur un lit tapissé de billets dans la chambre d’un grand hôtel, en passant par la chasse au trésor dans sa propriété privée après qu’un sanglier eut déterré une boîte remplie d’argent qu’il devait remettre le lendemain à son destinataire.

On ne sait pas si tout est vrai et on se doute que Didier Schuller grossit souvent le trait, embellit les choses et se fait parfois conteur plutôt que raconteur, mais il faut avouer qu’on se surprend à sourire voire à rire à la lecture de toutes ces aventures et mésaventures d’un petit bourgeois amoureux de l’Alsace qui découvre la grande vie de la politique et des palaces.

Vérités et vanités

Parce que le récit est une biographie et que Didier Schuller était engagé à droite (malgré un passage opportuniste mais peu fécond chez les radicaux de gauche), il est surtout question du financement de l’UDR et du RPR, mais la gauche récupère au passage quelques peaux de banane, notamment sur la mort de Pierre Bérégovoy ou un financement supposé de la carrière de Jean-Marie Le Pen par François Mitterrand. On remarque aussi quelques brevets d’intégrité décernés à Lionel Jospin et François Hollande ("qui a beaucoup de défauts, mais au moins il est honnête").

Mais entre les grandes vérités, les petites vengeances et la mémoire à géométrie variable qui tend à transformer le témoin en héros et les élus en salauds, il faut séparer le bon grain de l’ivraie. Gérard Davet et Fabrice Lhomme ont mené un travail exemplaire en étalant leur enquête sur 5 ans, en interrogeant toutes les personnes citées, en recoupant les faits et les documents… mais on sent parfois qu’une réelle sympathie (par ailleurs compréhensible) s’est forgée au fil du temps pour ce personnage fantasque et romanesque.

Un élément à prendre en compte, mais une lecture à savourer

 

 

* À lire aussi sur Nonfiction.fr :

 - la recension du livre 92 Connection. Les Hauts-de-Seine, laboratoire de la corruption ? de Noël Pons et Jean-Paul Philippe (Nouveau monde, 2013)

- la recension du livre Sarkozy-Kadhafi. Histoire secrète d'une trahison de Catherine Graciet (Seuil, 2013)