À l’occasion de son dixième anniversaire, la dernière livraison de Questions Internationales, publiée sous les presses de La Documentation française, propose un numéro historique et ambitieux. Fait sans précédent, il accueille l’Hexagone dans ses colonnes, lui consacrant un numéro spécial sous le titre La France dans le monde.

Le lecteur non averti découvrira que derrière l’image rassurante d’un pays équilibré par ses paysages, son rationalisme, son intellectualisme moral, à l’image de son climat tempéré, comme l'écrit Serge Sur, rédacteur chef de la revue et professeur de droit à l'université Panthéon-Assas, des stigmates demeurent : celles d’une société déchirée par d’interminables fractures. Les guerres de religion ravivées par la séparation des Églises et de l’État, la guerre de Cent ans, la Commune de Paris, les affrontements civils du XIXe siècle, l’Occupation allemande, la guerre d’Algérie, mai 68, etc. sont venus troubler la douceur d’un paysage bucolique. La France, écrit Serge Sur, est le théâtre de guerress civiles, de guerres idéologiques et sociales qui ont pris le relais des guerres de religion. Quant aux guerres plus anciennes, elles ont permis à la France de construire et de maintenir son espace national, au point que, depuis Waterloo, elles semblent avoir pris définitivement un caractère défensif.

Survivante de tant de catastrophes et métamorphoses (révolutions, changements de régime…), Serge Sur parle d’une France qui, guerrière, a adopté une culture de paix, et cela en raison de l’affaiblissement de ses moyens mais aussi par conviction idéologique. Si grandeur il y a, celle-ci est à géométrie variable : le recul de l’usage du français fait écho au recul de ses ambitions. Hier championne de l’universel, aujourd’hui protectrice de l’exception culturelle, demain peut être enchaînée par un réseau de contraintes extérieures, parler de grandeur n’est-il pas anachronique ? s’interroge Serge Sur avant de définir la grandeur par l’exigence à son propre égard, par la liberté, maîtrise que l’on conserve sur soi-même : "À cet égard la France Libre fut grande, alors que sa puissance était dérisoire. (…). Ce n’est pas prétendre détenir ou exercer une supériorité quelconque sur autrui, mais tirer le meilleur de soi-même, forger son propre modèle  et en cultiver l’influence, maintenir le message le plus constant de la France depuis la Révolution, celui de la liberté individuelle et collective, plus que jamais une idée neuve."

 

La politique étrangère : changement de paradigme

Effectuant un survol d’un siècle de politique étrangère, Frédéric Charillon tire un bilan ambivalent. En cela il tord le cou à deux mythes : celui d’une France éternelle et celui d’un déclin inexorable. Depuis le XIXe siècle, la diplomatie française a cherché l’excellence dans la créativité pour être puissante. À l’aune de la décolonisation et face aux deux superpuissances, le général de Gaulle entreprit de refonder le socle d’une politique étrangère française universaliste refusant la logique des deux blocs et exaltant une rhétorique de la grandeur. Parce que discuter du rang de la France n’est pas négociable, l’effort militaire et industriel demeure intense depuis cette époque. Ces grandes lignes n’ont pas été remises en cause par les successeurs du général même si la fin de la guerre froide plonge la France dans un nouveau système international, voyant Paris repenser sa relation avec ses cercles traditionnels (OTAN, UE, Francophonie).

Pour F. Charillon, faute de politique européenne de défense crédible, l’appartenance à l’organisation atlantique demeure indépassable. Aussi l’auteur rappelle un rendez-vous manqué celui d’une vaine réintégration dans le commandement intégré sous le président Chirac en 1996 en l’échange d’un commandement en Europe. Passé l’échec d’une synergie franco-britannique amorcée par les accords de Saint Malo en 1998 et ruinées par la guerre en Irak cinq ans plus tard, Paris a su faire valoir les dividendes de son retour au sein du commandement intégré de l’Alliance atlantique (2008) à l’occasion de son engagement contre le régime du colonel Kadhafi (2011).

Face à la nouvelle donne multipolaire (nouvelles diplomaties, nouveaux acteurs économiques, associatifs, humanitaires, religieux), l’essor de nouvelles technologies numériques se pose pour Paris comme une réponse au besoin de repenser rationnellement les outils de son action extérieure et cela dans un contexte de contraintes budgétaires de plus en plus fortes.  Bien que disposant avec 163 ambassades du second réseau mondial, F. Charillon tempère notant à juste titre que la présence ne garantit plus l’influence.

Parmi les atouts de l’hexagone figurent l’importance de son domaine maritime   et les départements et communautés d’outre-mer insuffisamment valorisés selon l’auteur. Autre atout et pas des moindres, le statut français dans les instances internationale, conjugué à des forces armées dotées d’instruments dissuasifs et sur lequel viennent se greffer des politiques économiques et culturelles réelles, le tout couronné par 220 millions de locuteurs formant la francophonie.

 

Un rapport singulier au multilatéralisme

Delphine Placidi-Frot souligne les ambigüités et les contradictions de l’engagement français dans le domaine multilatéral. Selon elle, la France peine à dépasser une vision instrumentale, hiérarchisée et sectorielle pour en appréhender la dimension globale et les dynamiques transnationales. Signe de l’héritage gaullien, époque où la politique extérieure était abordée d’une manière classique et aristocratique ("intergouvernementale, hiérarchisée et souverainiste"), la France a éprouvé une certaine irritation à l’égard du multilatéralisme, jusqu'à ce qu’elle prenne conscience qu’elle ne pouvait plus, désormais, agir seule. D’où l’intérêt porté à la "diplomatie de proposition et de critique".

Par la suite, la perception française a évolué au fil de la décolonisation, à la faveur de plus d’engagement au sein de l’ONU   , de la CEE   , de la CSCE   et du G7   . En 1988, les dirigeants français parviennent à faire adopter à l’Assemblée générale des Nations Unies la notion de "droit d’ingérence humanitaire". Puis, en tant que détentrice du feu nucléaire, la France s’est finalement engagée en faveur du désarmement   .

Sur le plan économique, le multilatéralisme a souvent était utilisé à des fins de politique intérieure. Paris a souvent affiché son ambition de "réguler" et de "maîtriser" la mondialisation, c'est-à-dire de l’orchestrer par des institutions multilatérales telles que l’UE, l’OCDE, le FMI et l’OMC.  Pourtant, D. Placidi-Frot indique que la France a en fait, dans une certaine mesure et de façon paradoxale, davantage contribué à diffuser un libéralisme économique fort critiqué sur la scène politique intérieure. Certes d’un point de vue géopolitique, le choix du multilatéralisme a souvent été présenté comme une manière de se démarquer des États-Unis, mais il a parfois aussi permis de détourner l’opinion des crises intérieures. L’exemple de la crise irakienne de 2003 est ici pertinent. De manière générale, on peut aussi citer le multilatéralisme offensif du président Jacques Chirac qui s’est manifesté par l’attention portée aux enjeux globaux et la gestion dramatique des sujets attenants (thème de l’urgence environnementale, conférence de Johannesburg en septembre 2002, objectifs du Millénaire pour le développement en 2000, lutte contre le sida…).

Avec la présidence de Nicolas Sarkozy s’annonce un changement de style. Sa diplomatie s’incarne essentiellement dans le style, le rythme, la médiatisation et la personnalisation de la politique extérieure, un "multilatéralisme tribunitiel" qui se heurte cependant à une série de déconvenues : échec de la revitalisation du Conseil économique et social de l’ONU, de la création d’une Organisation mondiale pour l’environnement, de la régularisation du système financier international etc.

 

L’outil diplomatique français au temps des concurrences

Marie-Christine Kessler se penche sur les atouts du réseau culturel français, revenant sur la logique d’expansion au lendemain de la Seconde Guerre mondiale en passant par la diversification de la politique étrangère (construction européenne, nouvelles priorités stratégiques, francophonie, développement, mondialisation…) jusqu'à la dernière réforme mise en œuvre par Laurent Fabius celle de la Direction Générale de la Mondialisation (DGM). À ses yeux le système souffre de profonds dysfonctionnements, notamment en période de cohabitation, (dédoublement des conseillers diplomatiques à l’Élysée, organisation plus lourde, frictions…). Pire, l’évolution de la scène internationale a conduit à des modifications du périmètre d’action du ministère des Affaires étrangères et la création d’autres ministères chargés d’affaires internationales (Affaires européennes, Francophonie, Développement….) et a, par conséquent, contribué à la création d’un climat de concurrence entre les ministères dotés de directions internationales et/ou européennes.

En cela, cette analyse se concentre sur les problèmes causés par une tendance de l’Etat à se recentrer sur ses activités régaliennes en déléguant une partie de ses prérogatives à des agences à la gestion réputée plus souple   . Celles-ci sont chargées de mettre en œuvre des actions publiques avec leur propre budget et leur propre personnel. Un schéma renforcé par la révision générale des politiques publiques mise en œuvre à partir de 2008, suivie plus récemment du plan de modernisation de l’action publique (2012).  Autant de questions qui l’amènent à questionner la place actuelle d’un ambassadeur ou d’un conseiller économique d’ambassade débordé par l’inflation de ses organismes sur le terrain de l’action extérieure. Ce nouveau système donnerait ainsi l’impression que l’action publique est devenue la juxtaposition de diplomaties techniques générant un sérieux problème de cohérence de l’action extérieure de l’État que le Comité Interministériel de la Coopération Internationale et du Développement (CICD) peine à résoudre.  De sorte que la viabilité et la qualité de l’outil diplomatique français sont de nos jours confrontées à deux risques : son effritement, d’abord, au profit des agences par manque de crédits, par manque de lisibilité ensuite. En 2011 il existait 1244 agences…

Autre défi, les restrictions budgétaires. Le budget du Quai d’Orsay a accusé en 2013 un recul de 2,7% par rapport à 2012 se contentant d’une enveloppe de 4,9 milliards d’euros, en baisse de 20% en vingt-cinq ans. Enfin, la concurrence avec le Service européen pour l’action extérieure pose le problème des limites du principe de complémentarité.

 

La dissuasion nucléaire : indépendance et responsabilité

Bruno Tertrais retrace la genèse et l'histoire de la politique nucléaire française considérée par le général de Gaulle comme un fondement de son action diplomatique et militaire et citant au passage cette phrase de Jean Lacouture "le feu nucléaire est consubstantiel du gaullisme d’État". Or cet instrument de puissance autonome ne fut pas approuvé à l’unanimité à ses débuts, en témoigne l’opposition de la droite atlantiste peu favorable à une force de dissuasion indépendante.

Selon B. Tertrais la dissuasion nucléaire représentait durant la guerre froide environ 33% du budget d’équipement du ministère de la Défense et moins de 0,4% du PIB.  En 2012, elle représentait à peine plus de 20% du budget d’équipement et moins de 0,2% du PIB, soit 3,5 milliards d’euros équivalant à une charge annuelle de 170 euros par foyer fiscal. Loin de n’être qu’un poids, la dissuasion nucléaire a permis notamment de tirer vers le haut le niveau des industries françaises. Les industries de haute technologie bénéficient ainsi d’une aide conséquente pour financer leurs activités de recherche et développement. Autre bénéficiaire du nucléaire, l’encouragement à l’effort spatial français via la société Astrium, filiale du groupe EADS. 

Sur le plan politique le nucléaire conforte le statut de grande puissance depuis la guerre froide, qualifié comme "une revanche" de la France gaullienne humiliée par son absence lors des accords atomiques de Québec de 1943 et des accords de Yalta en 1945. Cette affirmation de la souveraineté nationale, a également permis à Paris d’exercer une diplomatie se démarquant de Washington, dialoguant avec Moscou et Pékin   . Refusant de signer le Traité de non prolifération (TNP) en 1968 sous prétexte qu’il était un condominium entre les deux grands, la France a fini par le parapher en 1991, rompant ainsi son isolement. 

En outre, son retour dans le commandement intégré des forces de l’OTAN en 2008 n’a pas compromis son indépendance diplomatique. Paris a joué un rôle actif de médiateur durant la guerre russo-géorgienne de l’été 2008 tout en exportant des navires vers la Russie en 2009. Son adhésion au TNP l'a par ailleurs autorisé à prendre plus de responsabilités internationales notamment vis-à-vis de la non prolifération (active dans les sanctions contre l’Iran).

 

La francophonie : survivance du passé, outil diplomatique d’avenir

Bruno Maurer revient sur la francophonie instrument par excellence du soft power français. Fort de 220 millions de locuteurs, le français est l’une des six langues officielles de l’ONU et l’une des deux langues de travail de l'OTAN, mais aussi une des deux langues officielles de la Cour internationale de justice de La Haye.

Institution chargée de la gestion d’un héritage linguistique et culturel qu’elle s’emploie à faire perdurer, l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), créée en 1986, s’attache à des principes tels que la défense du multilinguisme en présentant le français non pas comme une langue de domination mais de coexistence, le tout avec des moyens limités (89 millions d’euros) aux trois quarts du ressort de la France. Un handicap finanicer qui la prive d’une politique internationale ambitieuse. Forte de 77 membres, l’OIF n’a pas de ligne diplomatique claire et cela en dépit du nombre croissant d’adhésions. L’organisme servirait davantage de levier politique pour les entités régionales en querelle contre l’Etat fédéral (Wallonie, Québec, Canada Brunswick), mais également de canal d’influence pour les nouveaux entrants non francophones tels les Émirats Arabes Unis (2010) ou le Qatar (2012). 


Avec l’Union Européenne : un tournant majeur

Olivier Rozenberg s’interroge sur le poids de la France au sein de l’UE. La dernière décennie a été marquée par un relatif déclin de l’influence de notre pays au sein de l’UE. Une évolution qu’il explique par la conjonction de 4 facteurs : 
- L’affirmation d’un agenda économique à la faveur de la crise, la France a perdu en influence car moins puissante politiquement et économiquement, son déficit public compte plus que sa place au Conseil de sécurité de l’ONU ; 
- La perte de la centralité géographique de la France avec l’élargissement vers l’Est ;
- La relative politisation de ses positions et, paradoxalement, du leadership du président de la République sur la conduite de la politique européenne ;
- La métamorphose du statut des enjeux européens au sein de l’espace public français qui a eu lieu parallèlement à cette évolution générale. Tandis que les politiques publiques s’européanisent silencieusement, la virulente contestation antieuropéenne des extrêmes fait face à l’ambigüité du positionnement pro-européen de la droite comme de la gauche modérée. La conjonction entre le relatif déclin français en Europe et la politisation critique des enjeux européens en France pourrait selon O. Rozenberg donc être l’esquisse d’un changement de modèle du rapport de la France à l’Europe.

 

Avec les Etats-Unis : apaisement et réalisme

Ezra Suleiman, démontre comment et pourquoi les relations entre Paris et Washington sont traditionnellement épineuses. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les deux pays se sont querellés à de multiples reprises. S’agissant en particulier de la France, les différends ne relèvent pas uniquement d’une question de posture. Ils s’appuient régulièrement sur des divergences de fond en matière politico-diplomatique (guerres du Vietnam et d’Irak, paradoxes et asymétrie de la relation bilatérale...).  Paris se conforme ici toujours à l’injonction du général de Gaulle : "être grand c’est soutenir une grande querelle".

La relation transatlantique demeure de surcroît chamboulée par la fin du monde unipolaire post 1989 et post 11 septembre. Par ailleurs, Paris et Washington qui ont été chacune durement frappées par la crise, doivent à présent s’adapter à la nouvelle donne économique mondiale qui impose une certaine forme de réalisme économique.  Négociant un retour dans le commandement intégré de l’OTAN en échange de plus de multilatéralisme et de plus de consultations de la part de Washington. À ce sujet, les crises sahéliennes sont riches en leçons. Désormais voici venu le temps du partage du fardeau dans le cadre de l’Alliance atlantique avec des moyens financiers toujours plus limités.

 

La francophobie : une illusion ?

Y aurait-il vis-à-vis de la France une malveillance spécifique, une hostilité particulière qui marquerait le regard que portent sur elle les autres peuples, et du coup affecterait ses relations avec eux ? s’interroge Gilles Andréani. Si l’héritage napoléonien n’est pas toujours facile à endosser, en définitive il n’y a que le Royaume-Unis où existe une expression permanente et quasiment institutionnalisée de francophobie, en particulier au travers de sa presse tabloïde. Moins fréquent mais plus virulent, le rejet de la France par les Américains se manifeste parfois violemment, comme ce fut le cas durant la crise irakienne. Par ailleurs, des inimitiés sont dues à des divergences culturelles et de perception. Enfin, un certain sentiment francophobe à l’intérieur même de l’hexagone doit être fortement relativisé car il paraît sans risque, peu actif et généralement bon-enfant. En définitive jamais le sentiment de francophobie n’aura autant été une autoreprésentation des français, enclins apparemment à battre leur coulpe un peu rapidement.

 

Entretien avec Thierry de Montbrial : Du déclin de la France

Thierry de Montbrial, fondateur et directeur général de l 'Institut Français des Relations Internationales (IFRI), distingue clairement "la phase de déclin" dans laquelle il perçoit la France d’une "décadence" qui demeure pour le moment seulement un risque.

Toutefois, il désigne comme un problème nodal la difficulté du pays à s’adapter à la mondialisation et sa frilosité à engager des réformes difficiles dans le domaine de la fonction publique et pour retenir des jeunes diplômés attirés par l’étranger.  Le chercheur se révèle particulièrement critique vis-à-vis des conséquences funestes causées par les coupures budgétaires dans les dépenses militaires et diplomatiques. Autres symptômes du déclin : un État qu’il juge obèse peu enclin à toute mobilité et auquel vient se greffer la panne du projet de la construction européenne.

Inquiet de la mauvaise posture des PME, T. de Montbrial pointe du doigt la crise du modèle de méritocratie républicaine caractérisée par le rejet des élites traditionnelles. Il revient aussi sur le défi de la décentralisation malmenée par une grande confusion administrative et l’explosion du nombre des fonctionnaires des collectivités locales.

 

Le déclin économique en question

Jean Charles Asselain examine attentivement les arguments contre et ceux qui valident le caractère inexorable du déclin français. La France demeure envers et contre tout la 5e puissance mondiale. Entre crises violentes et affaiblissement à long terme, il s’agit pour lui de dégager les interactions les plus significatives en distinguant les tendances lourdes et les inquiétudes nouvelles apparues au seuil du XXIe siècle. 

Un des signes de ce déclin serait l’affaiblissement relatif de la démographie française au sein de la population mondiale et européenne   . Mais le poids relatif de l’économie française au sein de l’UE apparaît en revanche plus ou moins stabilisé.

En outre, un critère pour mesurer la force de l’économie nationale pourrait être son activité dans le monde ou son taux d’ouverture. Or le solde du commerce extérieur s’est inversé. Les échanges se sont dégradés en faveur des importations, pire, l’érosion des parts de marché de la France à l’étranger jette un voile d’inquiétudes. La France était encore en 1993 le 4e exportateur mondial de marchandises ; elle n’occupait plus que le 6e rang en 2011. Ses déficits commerciaux massifs se creusent à l’égard de la Chine et de l’Allemagne. Mais il est difficile de savoir si cette détérioration du commerce extérieur est irréversible ou non. Autre enjeu de l’économie nationale cité : la désindustrialisation. Le secteur secondaire comptait 5,5 millions de salariés en 1977 contre 3,26 millions en 2012.

Plus que la mondialisation, le fait nouveau des années 2000 est l’intensification de la concurrence au sein de l’UE qui tend vers un jeu à somme nulle. En guise de perspectives d’avenir, l’auteur invite la France à s’inspirer du succès relatif des économies d’Europe centrale et du Nord, très ouvertes sur l’extérieur et qui ont su faire preuve d’une plus grande réactivité face à la crise.

Il n’empêche que la France demeure, sur le plan du tourisme, le premier pays récepteur international écrit Jean Pierre Lozato-Giotard, mais les flux touristiques nombreux sont très inégaux   . Affichant une bonne santé malgré la crise, le secteur touristique représente 7% du PIB   .

 

La nécessité de prendre rang dans la révolution de l’Internet

Laurent Bloch dresse un bilan mitigé de la politique informatique française, pointant du doigt la frilosité de ses dirigeants à s’investir davantage, malgré des chiffres encourageants (40 millions d’utilisateurs d’Internet, un million d’emplois en 2011 et 64% des ménages). La France se place bien derrière ses principaux partenaires européens en raison notamment d’anachronismes persistants, du scepticisme des dirigeants. Laurent Bloch appelle ces derniers à introduire "sérieusement" l’informatique dans l’enseignement, étape perçue comme incontournable pour pouvoir garder le rang de grande puissance économique mondiale. L’adaptation du système éducatif au numérique à tous les niveaux est quant à elle qualifiée de "vitale".

 

Les institutions françaises : un modèle spécifique, une attractivité ambigüe

Pour Armel Le Divelec, il existe sans aucun doute un modèle institutionnel français en ce que le système de gouvernement de la Ve République perçu comme un gouvernement parlementaire présidentialisé est très spécifique. Ce modèle se distingue nettement des autres principaux modèles institutionnels reconnus, qu’ils soient allemand, britannique ou états-unien. Il a exercé une notable attraction, bien que souvent ambiguë, sur de nombreux pays d’Afrique et d’Europe centrale ou orientale. Son originalité tient principalement à la façon dont sont pratiquées les institutions, de sorte qu’il se prête difficilement à une transposition fidèle. Compte tenu des inconvénients qui lui sont propres, il semble désormais en sensible recul dans le monde.

Last but not least, les questions européennes ne sont pas lésées dans ce numéro. En témoignent deux analyses de haute tenue consacrées à deux pays aux politiques européennes diamétralement opposées : la Biélorussie et le Monténégro, l’un aux antipodes de l’adhésion à l' UE, le second aspirant plus que jamais à en faire partie.
Enfin, la rubrique "Regards sur le monde" s’attache d’abord aux questions nucléaires avec en filigrane la position française relative aux sanctions contre l’Iran et les difficultés structurelles du Traité de non prolifération, avant de proposer une analyse sur l’évolution de la Thaïlande contemporaine à travers un prisme cinématographique


* Lire aussi sur nonfiction.fr
- La France, combien de divisions ?, la recension des ouvrages La puissance ou l'influence. La France dans le monde depuis 1958 de Maurice Vaïsse, Quand la France disparaît du monde de Nicolas Tenzer, Une présidence en crise. Les six mois qui ont bousculé l'Europe de Jean-Pierre Jouyet et Sophie Coignard par Xavier CARPENTIER TANGUY
- La diplomatie de Sarkozy à l’heure du bilan, la recesion de l'ouvrage Le monde selon Sarkozy de Pascal Boniface par Pierre-Louis GERMAIN