La discussion sur l'économie des revues a montré la grande diversité des modèles existants. Toutes cherchent la martingale depuis le DIY (Do it Yourself, sorte de débrouille à la française) où les coûts sont réduits drastiquement pour épouser la réalité des recettes, jusqu'aux ventes en kiosques professionnelles via les NMPP (modèle de la revue So Foot). Une revue comme Europe, représentée par Jean-Baptiste Para, est aujourd'hui fabriquée et diffusée de manière très artisanale - des coûts de fabrication et de distribution extrêmement réduits permettent la survie de l'entreprise. Frictions (représentée par Jean-Pierre Han) se rapproche de ce modèle, même si la revue s'appuie sur un réseau de lecteurs plus engagés.

La fidélité à une histoire ou l'existence d'une communauté "idéologique" autour de la revue apparaissent alors comme des moteurs essentiels tant pour dynamiser la rédaction que pour fidéliser des lecteurs. Dans tous les cas les revues comptent de manière substantielle sur les achats et la diffusion par les bibliothèques - lesquelles semblent se désintéresser aujourd'hui du secteur des revues et limitent le plus souvent leurs commandes aux grands titres clés (Le Débat, Esprit, Commentaire, etc.). Noyé dans le "budget d'achat de périodiques", les revues sont le parent pauvre des commandes des bibliothèques françaises, lesquelles ne semblent plus s'attacher à présenter toute la diversité du monde des revues. Des représentants de Vacarme, Esprit, Entr'evues ont fait des constats similaires : le modèle économique des revues est à la croisée des chemins.

Si la France veut conserver une diversité des revues en version papier, elle doit faire évoluer son modèle - au risque sinon d'un basculement de beaucoup d'entre elles dans le tout numérique. Parmi les propositions : la création d'une coopérative de sites marchands fédérés ; la naissance d'un lieu pour mutualiser les services nécessaires à la fabrication des revues, peut-être au niveau de la région Ile-de-France (une "maison des revues" sur un modèle nordique par exemple) ; un comptoir de ventes commun ; de nouvelles aides à la pérennité des revues ; enfin la formation des bibliothécaires avec des modules dédiés aux revues. La diversité de l'offre des revues est essentielle pour un pays comme la France - cette priorité doit être rappelée aux bibliothèques comme aux acteurs publics et privés concernés

 

* Lire aussi sur nonfiction.fr : 
- Les comptes-rendus des autres ateliers de la journée d'étude sur les revues, "Revues en stock", organisée au CNL
- Le compte-rendu de cette journée par Livres Hebdo
- Le programme et les intervenants de cette journée d'étude