L’exposition Dali présentée au Centre Pompidou (Paris) prête à de nouvelles réflexions sur arts et sciences. Que l’on apprécie ou non Dali, que l’on considère qu’il s’agit d’un bon peintre seulement ou d’un grand peintre, que l’on valorise plutôt ses dessins que ses peintures, ce n’est pas notre objet ici. Intéressons-nous plutôt aux rapports entretenus pas Dali avec les sciences, rapports que développe avec pertinence l’ouvrage de Vincent Noce, La raison du fou . L’auteur rappelle que Dali s’est intéressé aux images doubles, aux illusions d’optiques, à la théorie des quanta, à la relativité, ainsi qu’aux sciences humaines, en particulier la psychanalyse. Il n’a eu de cesse de récolter des informations dans les domaines scientifiques, afin de les incorporer à ses oeuvres.
Ce qui peut attirer notre attention dans les propos et les travaux de Dali, au droit des arts et des sciences, est la pratique du démon de l’analogie, ainsi qu’en proposait les termes un Mallarmé que l’on peut préférer relu et corrigé par René Daumal . Ce sont des images qui se mettent à fonctionner, et qui saisissent le plaisir de peindre au moment même de la rencontre avec des théories scientifiques.
Une émission de France Inter, le 27 novembre 2012, à 14h, est venu compléter nos connaissances. Vincent Noce y a développé sa perspective concernant Dali. On y a entendu Dali soi-même affirmer que les artistes sont supérieurs aux savants. Les savants disait-il sont trop spécialisés. Ils ne sont pas ouverts sur les autres savoirs. A quoi Dali ajoutait : cela étant je ne connais rien à la science. Mais je me forge des idées en lisant les ouvrages des savants. J’ai même eu la chance, précisait-il, de parler avec des hommes de sciences. Et je préfère, au passage, parler avec eux plutôt qu’avec des artistes.
Au cours de l’émission, une perspective a été développée, autour des "montres molles", sachant que le véritable titre de cet ouvrage est : "La persistance de la mémoire". Le commentateur de ce tableau faisait remarquer que ce tableau n’était pas sans rapport avec la question de la relativité. Einstein ne cesse de parler de cette question en parlant de montres, et d’accord ou désaccord entre des horloges. Dali a lu des vulgarisations de la relativité. Il saupoudre son tableau de montres, et molles, du fait de la courbure de l’espace-temps. Dali aurait donc eu une bonne intuition de la relativité. De surcroît, la même œuvre manifeste un intérêt pour la géométrie moderne. Le tableau offre trois modes de réflexion géométrique aux yeux du spectateur. D’une part, une géométrie euclidienne, puis une géométrie fluide et enfin une géométrie fractale (en fond de tableau). Lecture a postériori ou véritable cheminement de Dali, peu importe, voilà un bon motif de réflexion.
Il reste que sur ce plan des sciences dites "dures", Dali espérait beaucoup de la rencontre avec les savants. Rencontre qu’il sollicitait. Mais beaucoup se sont méfiés. Ont-ils pressentis que Dali souhaitait confronter son "génie" au génie des autres ? Toujours est-il qu’Einstein, par exemple, a refusé de le rencontrer.
Concernant, maintenant, les sciences humaines, il est de notoriété publique que Dali s’est intéressé à la psychanalyse. Bien ou mal, peu importe. Qu’il en reste quelque chose ou non sur les toiles, peu importe aussi. Il est même des peintres surréalistes sans doute plus experts dans l’écriture automatique (Tanguy ?). Il n’en reste pas moins vrai que Dali a réussi à rencontrer Freud. Par l’intermédiaire de Stephan Zweig. En 1938. Freud n’aimait pas les Surréalistes (leurs travaux), il leur reprochait une mécompréhension de la notion de latence (s’il ne leur reprochait pas cela à partir de ses propres goût très classiques, on le sait). L’entrevue eut lieu. L’entente ne fut pas cordiale. Peu après Freud écrit à Zweig que le dialogue avec Dali est impossible. L’affaire en reste là.
D’un mot donc, prétendue ou non, la liaison arts et sciences chez Dali offre un espace d’exploration qui est loin d’être négligeable. Entre le commentaire possibles des innombrables béquilles, coquillages, montres molles, dans son œuvre, à la lumière de la physique du XXe siècle, et celui de la paranoïa critique (ou non), version psychanalyse revue et corrigée par Dali, il est possible de s’interroger sur ce que les artistes font de la science apprise ou fréquentée, remettant ainsi les artistes, au moins, dans le contexte de leur époque
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