Arts et sciences se retrouvent aussi souvent dans des lieux ou à la faveur de la construction de lieux. Parmi ces lieux, les jardins ont derrière eux une longue tradition de concentration des rapports arts et sciences. Il suffit d’une allusion aux justifications employées par les architectes pour les jardins de la Villette ou pour ceux du Quai André Citroën, à Paris, pour que les générations actuelles se souviennent de l’intérêt manifesté pour ces rapports. Il est essentiel de rappeler ensuite que les jardins à la française, depuis le XVIIe siècle, ne sont pas conçus autrement qu’à partir de la géométrie de l’époque, et d’une conception des rapports arts et sciences qui n’est pas seulement décorative. Comment ne pas avoir en vue, dans un autre cadre, les jardins baroques qui ne cessent de nous rappeler quelle part les ellipses et les figures cosmiques ont eu dans les projets d’instauration de ces jardins. Le jardin baroque introduit une conception architectonique de l’espace. La composition soumet le terrain en lui imposant un dispositif qui est censé aider la matière à s’élever. Cours d’eau avec chutes et cascades, dispositifs dégradés, des paliers, ... participent du maintien de l’agitation tectonique. Et on connaît le paradoxe qui porte ces édifices : plus l’homme modifie la nature, moins elle est naturelle, mais plus on l’affirme comme nature, comme élément mis à notre disposition. 

Comment prolonger ces optiques alors que nous ne partageons plus ni les mêmes formes d’art, ni les mêmes éclairages scientifiques ? Les festivités Arts et Sciences dans les Jardins, notamment le Jardin des Plantes (à Paris) manifestent-elles une conception plus perspicace de ces rapports, ou se contentent-elles d’instrumentaliser l’un ou l’autre des termes des débats : arts ou sciences ? On sait que ces rapports Arts et Sciences peuvent aisément basculer de la libération à l’éblouissement, du désenclavage du public à son animation, de son émancipation à sa spectacularisation médusée.

Il faut aller le vérifier au Jardin des Plantes. Il accueille un parcours d’oeuvres d’art contemporaines (mais pas nécessairement d’art contemporain), dans le cadre de la FIAC. Sculptures, installations viennent ponctuer les collections du Museum, de la Ménagerie, de la Grande Galerie de l’évolution, en passant par le Jardin et les grandes serres. L’objet proposé par les organisateurs aux artistes était : la nature, dans sa biodiversité et les liens de l’homme à l’environnement naturel.

Autour du projet des conférences se sont établies qui étaient disposées autour du thème générique : Art et écologie : une question de goût ou de science ? L’intitulé est fort sympathique dans la forme ludique qu’il prend. Les réunions proposent un dialogue entre un artiste du parcours, un scientifique et un théoricien autour des interactions possibles entre arts et sciences. Voici quelques titres des conférences : L’esthétique est-elle éthique ? L’art pour changer de point de vue ?

Remarquons que ce n'est pas seulement l'inquiétude de la globalisation du monde qui taraude les artistes. Plutôt celle des désastres humains qui l'accompagne. Et la question proprement artistique qui en est le corollaire : comment témoigner artistiquement des désastres successifs ? Dès lors que les oeuvres ne se contentent plus de solliciter un face à face avec le spectateur, elles soulèvent le spectateur dans sa capacité à saisir une pluralité de situations à l'intérieur desquelles il importe de raisonner (parallèle entre les situations dans le monde, ou au contraire diversité des enjeux et des guerres). Que le monde contemporain produise du déstabilisé, de l'exclusion et de l'exil relève du constat. Que les exercices proposés aux spectateurs dans le cadre de ces expositions les conduisent à se placer dans ces situations pour apprendre à réagir, voilà qui porte déjà ailleurs. Et qui surtout dépasse l'esthétique pour nous conduire à une forme particulière de politique. Une politique par l'art et la science ?

 

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