Frappée par l’hystérie, Augustine (brillamment interprétée par Stéphanie Sokolinski), est retenue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Pour elle comme pour les autres femmes recluses, le salut a un nom : celui de Charcot (interprété par Vincent Lindon) qui, en marge de l’indifférence des autres médecins, s’intéresse aux drames de leurs corps incompréhensibles, de leurs inexplicables souffrances. L’attention du docteur va rapidement se focaliser sur la protagoniste, qu’il tentera de guérir.
Du vertige et de la violence des sensations qui font la singularité de l’hystérie, il ne reste rien dans la mise en scène monocorde d’Alice Winocour. Les plans s’enchaînent sagement, avec une froideur clinique aux antipodes de la névrose qu’elle évoque. Le corps - stigmatisé par la psyché, brûlant de passions et de désirs frustrés - est au cœur de la pathologie mais singulièrement absent de ce film (paradoxalement, Augustine ne se montre jamais aussi voluptueuse que lorsqu’elle simule une crise d’hystérie, à la fin du film). Certes, le public du docteur Charcot ne reste pas insensible face aux charmes de sa patiente (« elle a tout ce qu’il faut là où il faut », constate d’ailleurs l’un des invités) mais la sensualité d’Augustine ne trouve aucun écho dans le parti-pris esthétique du film. Au cœur de l’intrigue, l’érotisme de l’héroïne reste singulièrement absent de la mise en scène. La beauté plastique de certains plans allume, il est vrai, les premières étincelles d’une émotion bien vite dissipée, notamment dans la séquence suivante. Assise dans le bureau du docteur Charcot, Augustine s’impatiente et, transgressant l’interdiction du médecin, s’empare subrepticement d’une pomme qu’elle cache sous sa robe rouge. Bouillonnante d’énergie, la jeune femme finit par s’enfuir sous le regard de Charcot. Ancré dans une dimension symbolique évidente, le fruit dérobé semble presque illuminer la pièce austère par sa couleur vivace. Peu après, l’éloignement d’Augustine dans la brume se structure à partir du même contraste visuel. Le vêtement de la jeune femme suggère la sensualité qui se révèle tout à coup, venant troubler l’assurance tranquille de son thérapeute. Mais sans doute faut-il plus qu’une robe écarlate dans la grisaille d’une après-midi d’automne pour attiser le désir du spectateur…
Parfois, l’ennui se voit balayé par l’incompréhension, notamment lorsque des jeunes femmes témoignent de leurs maux, l’utilisation d’un regard-caméra simulant alors une dimension documentaire sans que cette dernière ne fasse sens dans le film. Les mises en scène de l’hypnose suscitent également la surprise du spectateur. De fait, un hiatus patent se creuse entre ce qui constitue le noyau fondamental de la démarche imaginée par Charcot et ses manifestations fulgurantes. Réduite au tintement d’un diapason et à l’oscillation d’une tige en acier, l’hypnose reste forclose dans les limites de ces accessoires ; malheureusement, elle n’induit aucun trouble dans la mise en scène.
Un moment se détache néanmoins de la morosité ambiante. Monsieur Charcot a enfin réussi à réveiller l’intérêt de la dédaigneuse Académie qui doit assister à l’une de ses leçons. En vue de cette séance exceptionnelle, Augustine est préparée avec le plus grand soin. Rapidement, la jeune femme se lasse des mains qui s’agitent autour d’elles et s’enfuit en courant. Abandonnant sa fixité aride et ses cadrages redondants, la caméra se focalise sur le bas de la robe, le chemin de terre, les feuilles brunes qui s’envolent et, pour la première fois, l’émotion parvient à percer l’écran. Moment de grâce éphémère qui fait sentir l’énergie d’un corps avant de nous replonger dans une léthargie pénible. De toute façon, le moment est trop tardif pour renverser les désillusions suscitées par le film. Comptant trop sur l’Histoire déjà écrite, sur ses richesses et sur ses équivoques, Winocour oublie de les réinventer sur un mode cinématographique et ne parvient à restituer ni la chair ni le sang des premiers héros de l’aventure psychanalytique