Avec son tant attendu Katyn, présenté en avant-première à Varsovie le 17 septembre dernier - date anniversaire de l’invasion de la Pologne par l’Armée Rouge en 1939 -, le réalisateur polonais Andrzej Wajda s’attaque à une double tragédie, jamais portée à l’écran. Celle du massacre, au printemps 1940, de 22 500 officiers d’élite polonais sur ordre de Staline. Celle du mensonge autour d’un crime longtemps tenu secret par la Pologne et son grand frère de l’Est, au nom des « bonnes relations » entre les deux pays. Mais c’est également le récit d’une tragédie personnelle que nous livre le cinéaste, son père ayant lui-même fait partie des officiers qui ont trouvé la mort dans la forêt de Katyn, une balle dans la nuque, tirée par la police secrète soviétique avec des pistolets… allemands - jugés plus performants. Il aura fallu cinquante ans pour qu’en avril 1990, Mikhaïl Gorbatchev reconnaisse la responsabilité de l’URSS dans un crime imputé pendant plus de cinquante ans aux Allemands.

Avec son dernier film, c’est une véritable « campagne du souvenir » en Pologne qu’a initiée le cinéaste, déjà célèbre pour sa lecture cinématographique des grands événements qui ont secoué l’histoire de son pays depuis 50 ans : de l’Insurrection de Varsovie dans Le Canal aux années communistes dans L’homme de marbre, en passant par les grèves dans les chantiers navals, dans L’homme de fer. « C’était l’élément manquant de ma filmographie », déclare le cinéaste, âgé de presque 82 ans, à propos de Katyn.

Au lendemain de l’avant-première, le président polonais Lech Kaczynski s’est rendu à Katyn en hommage aux officiers morts au printemps 1940. Au risque de raviver un sujet encore tabou entre Polonais et Russes, en 2004, le parquet militaire russe a considéré le massacre des élites polonaises à Katyn comme un crime de droit commun. La projection du film en Russie est prévue à la mi-octobre, et nul doute que le film ne manquera pas d'y faire débat.