Ce lundi 16 juillet, les cérémonies marquant les soixante-dix ans de la rafle du Vel’ d’Hiv’ se déroulent à la cité de la Muette, à Drancy, devant l’ancien camp par lequel des milliers de déportés juifs ont transité dans leur chemin forcé vers les camps d’extermination.

"Opérations terminées définitivement au Vel' d’Hiv’ à 8h30. Vel' d’Hiv’ évacué en totalité." Le télégramme émis par la Préfecture de police de Paris le 22 juillet 1942 annonçait la fin de l’opération "rafle du Vel' d’Hiv’", débutée quelques jours plus tôt, le 16 juillet. La construction de la mémoire de cet évènement prit du temps. Aussi longtemps que la France mit à reconnaître sa responsabilité dans cette décision administrative.

Les années suivant la fin de la guerre furent celles de la réconciliation de la nation. Oubliés les collaborateurs, oublié le déchirement du pays : la France avait été résistante. C’est d’ailleurs au nom de ce fantasme que De Gaulle avait réussi à faire entrer la France dans le camp des vainqueurs. Mais alors que le pays célébrait ses résistants, d’autres victimes de la collaboration vichyste étaient oubliées. La guerre terminée, les juifs de France avaient souhaité et obtenu une réintégration rapide à la communauté nationale, en s’abstenant de rappeler les souvenirs des camps, encore trop frais et douloureux.

A la fin des années 1970, une nouvelle génération prenait la parole et le souvenir commençait à se réveiller. Les travaux de Serge Klarsfeld   ou encore Robert Paxton     furent déterminants puisqu’ils mettaient en avant l’importance encore non révélée de la Shoah, en même temps qu’ils soulignaient la responsabilité de l’Etat français dans l’arrestation et le génocide des juifs. Plus tard, Henry Rousso en appelait à la compréhension et l'acceptation du passé contre la dissimulation et l'obession, seul moyen pour le présent de rompre enfin avec l'Occupation   . Pendant que la recherche historique avançait, les institutions officielles peinaient à admettre une réalité bien délicate.

Mais à partir de 1992,  devant le silence du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) et des organisations officielles, le souvenir de la rafle de 1942 était devenu une revendication portée par une association citoyenne – le comité Vel' d’Hiv’ 42 – réclamant la reconnaissance de cet épisode de la collaboration. Le mouvement porta ses fruits. Jacques Chirac reconnut le premier la responsabilité de la France dans un célèbre discours prononcé le 16 juillet 1995 devant le monument commémoratif érigé un an plus tôt en lieu et place de l’ancien vélodrome d’hiver. Il déclarait : "Ces heures noires souillent à jamais notre histoire et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des Français, par l'État français. Il y a cinquante-trois ans, le 16 juillet 1942, 4 500 policiers et gendarmes français, sous l'autorité de leurs chefs, répondaient aux exigences des nazis. Ce jour-là, dans la capitale et en région parisienne, près de dix mille hommes, femmes et enfants juifs furent arrêtés à leur domicile, au petit matin, et rassemblés dans les commissariats de police (...) La France, patrie des Lumières et des Droits de l'Homme, terre d'accueil et d'asile, la France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux."

Le discours que tiendra François Hollande le 22 juillet prochain  à l’occasion de la commémoration de la rafle est très attendu. Sa mission sera double. D’une part, il aura à poursuivre la voie ouverte par son prédécesseur en confirmant la reconnaissance de la participation de l’Etat français dans le génocide. D’autre part, il devra dissiper les malentendus quant à la position de la gauche. Rappelons que, dans un discours prononcé le 14 juillet 1992,  François Mitterrand avait refusé d’admettre cette responsabilité : "Ne demandez pas des comptes à la République, elle a fait ce qu'elle devait... L'Etat français, ce n'était pas la République."

Dix-sept ans après les paroles de Jacques Chirac, un sondage publié aujourd’hui révélait la large méconnaissance - cependant nuancée par la plupart des historiens - de l’épisode du Vel' d’Hiv’ par la jeunesse   . La mémoire de la France flancherait-elle ? Le discours du 22 juillet aura pour devoir de clarifier la situation.