Une grille de lecture renouvelée du G20 et de la société internationale.

Le G20, un objet inédit sur la scène internationale du XXIe siècle

Pour Karoline Postel-Vinay, l'émergence du G20 est à la fois le fruit du hasard et de la nécessité, et non une réponse étudiée par les dirigeants pour faire face aux grands défis de la mondialisation, et notamment à l’absence de régulation de la finance internationale. Elle a lieu dans le cadre d’un changement de paradigme des relations internationales notamment du fait de la fin de la guerre froide et de la montée en puissances des pays émergents.

L’instance G20 apparait dans les années 1990, par le biais du groupe de Manille alors fondé dans la perspective de gérer la tourmente financière qui affecte l’Asie Orientale. Par la suite, le groupe devint le G33, pour finalement être refondu en G20 en 1999. Il est important alors de saisir l'aspect arbitraire qui préside à la sélection des membres qui le composent. Depuis lors et jusqu'en 2008, il assurait notamment une certaine coordination financière en réunissant les ministres des Finances et gouverneurs de banques centrales.

Cependant, en 2008 la crise des subprimes surgit, et afin d’en endiguer la propagation, la société internationale élaborer une parade efficace. Le G20 se transforme alors en sommet de chefs d'Etat. Il se fixe pour objectif d'établir un forum de discussion afin de resserrer la coopération financière et de rétablir la croissance mondiale. C’est à la suite de la crise de 2008 qu’il demande au comité de Bâle d’entreprendre les travaux de régulation.

Enfin, Karoline Postel-Vinay aborde la question de savoir si le G20 s'inscrit dans une logique de "réseau" ou dans une tradition de "sommet". Elle rappelle que le G20 dispose de peu de similarités avec le Congrès de Vienne, simplement par le fait que la scène internationale du XXIe siècle est totalement différence de celle du XIXe siècle. Il semble pourtant qu’il y ait des similarités entre les deux instances, ne serait-ce que par le fait qu'elles incarnent toutes les deux l'émergence d'un nouvel espace de relations internationales. En réfutant cette filiation, Karoline Postel-Vinay cherche à préserver le G20 du cliché d’une institution injuste et réactionnaire que certains tentent de lui appliquer.

Un G20 légitime, illégitime ?

L'essentiel du débat se focalise sur la légitimité de l'institution, notamment depuis que celle-ci est devenue un sommet de chefs d'Etat surmédiatisé. Ainsi l'auteur reprend et replace les arguments avancés par les détracteurs et défenseurs du G20, auxquels elle ajoute certains éclaircissements.

Les opposants au G20 estiment que cette instance ne serait finalement qu'un système de cooptation informel contraire aux normes de coopération internationale. Son absence de statut juridique le mettrait en contradiction avec les normes de coopération internationale en vigueur. On lui reproche surtout une composition présidée par "le critère d'importance sur le plan systémique", en contradiction avec une approche universaliste. Néanmoins des difficultés apparaissent lorsqu’il s’agit de donner une substance à ce critère d’importance sur le plan systémique. Si l’on constate que des critères économiques sont clairement présents (notamment celui du PIB), il n’en demeure pas moins qu’ils sont insuffisants. Karoline Postel-Vinay souligne à ce propos que ni l’Argentine, ni l’Afrique du Sud ne font partie des vingt premières économies mondiales. Un second critère viendrait donc se greffer aux critères économiques et ainsi expliquer la présence de ces deux Etats : l’idée de représentativité régionale.

Les défenseurs du G20 déplorent au contraire la perte de légitimité des institutions internationales en place. Ils proposent une vision renouvelée de la légitimité, couplée au concept d'efficacité. Le G20 serait légitime du fait de son efficacité, et de sa capacité à sortir de l'impasse le système de coopération des institutions internationales en place.

Pour l'auteur ces critiques ne traduisent pas nécessairement un rejet mais plus une volonté de faire partie du G20. Par ailleurs, elle revient sur le caractère subjectif et relatif de la notion de légitimité et la met en perspective. En ce qui concerne le G20, elle évoque la confusion qui règne entre légalité et légitimité. Elle rappelle que le caractère informel de l’institution ne débouche pas nécessairement sur l'illégitimité et encore moins sur l'illégalité. D'ailleurs, un autre élément permet de mettre en perspective le débat, puisque la question de la légitimité n'est pas propre au G20. Depuis de nombreuses années, elle est récurrente pour l'ensemble des institutions internationales et du système onusien.

En ce qui concerne la représentativité du G20, Karoline Postel-Vinay estime que l'on ne peut pas la réduire à une simple logique arithmétique. Dans la mesure où la majorité numérique apparaît, pour l’auteur, un critère bien insuffisant lorsqu'il faut définir l'intérêt général. En ce sens, si le G20 a pu coordonner une riposte rapide et adaptée aux problématiques économiques de la scène internationale, c'est du fait de sa composition restreinte mais aussi assez hétérogène, dépassant ainsi les antagonismes Nord-Sud.

Par ailleurs, pour l'auteur, il n'y a aucun doute à avoir sur le G20 et ses motivations, puisqu’il n’a pas vocation à se substituer à l'ONU. C'est une entité potentiellement complémentaire du système onusien, bien trop lourd et inadapté pour répondre aux nombreuses problématiques de la communauté internationale. Qui plus est, le G20 peut être un moyen habile de surmonter les crispations diplomatiques qui sclérosent toute initiative réformiste (notamment en ce qui concerne l’ONU et le FMI). Il peut pour cela s’appuyer sur sa force, la singularité de sa constitution. Il est le représentant d'un monde émergent au sein duquel la grille de lecture classique des oppositions Nord-Sud perd de sa pertinence.

Entre le monde du XXe siècle au cadre de gouvernance démocratique, mais essentiellement dominé par l’occident, et le monde émergent de ce début de XXIe siècle qui tend à instaurer une gouvernance plus efficace, qui substitue des idéaux démocratiques à des critères économiques. Le G20 cristallise néanmoins une tension récurrente : comment assurer une gouvernance de la société internationale qui soit à la fois efficace et légitime ?

 

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